USA: comment des Etats conservateurs limitent l’accès au vote des minorités
De l’obligation d’avoir une adresse pour s’inscrire sur les listes électorales à l’interdiction de voter en drive-in, des Etats conservateurs américains ont adopté une multitude de règles qui, sous prétexte de lutter contre la fraude, limitent l’accès aux urnes des minorités.
Aux Etats-Unis, l’organisation des scrutins relève de la compétence des Etats et a toujours fait l’objet d’instrumentalisation. L’octroi en 1870 du droit de vote aux Afro-Américains avait été suivi dans le Sud ségrégationniste par l’imposition de nouvelles barrières, notamment avec des tests d’alphabétisation ou des taxes électorales.
Suite à une forte mobilisation pour les droits civiques, le Congrès a adopté en 1965 le « Voting Rights Act » qui interdit les mesures électorales discriminatoires. Mais les Etats contrôlés par les républicains ont continué, avec des mesures très techniques et sous couvert de lutter contre la fraude, de limiter l’accès aux urnes des minorités notamment noires, qui votent majoritairement démocrate. Depuis janvier, le processus s’est accéléré: 17 Etats ont adopté 28 lois électorales restrictives et des dizaines d’autres sont en cours d’examen, selon le Brennan Center for Justice.
Elles agissent à plusieurs niveaux:
Les listes électorales
Plus de 76,5% des adultes blancs sont inscrits sur les listes électorales, contre 69% des Afro-Américains, moins de 64% des personnes d’origine asiatique et 61% des hispaniques, selon le bureau du recensement. Certains prérequis pour s’inscrire peuvent sembler banals, mais affectent davantage les minorités. Une loi du Dakota du Nord, finalement abandonnée, imposait ainsi d’avoir une adresse physique et non une boîte postale, ce qui excluait de nombreux Amérindiens qui, dans les réserves, n’ont pas de rues formelles.
Récemment la Floride a imposé des contraintes aux organisations qui aident les citoyens à s’inscrire, assorties d’amendes si elles traînent à rapporter les formulaires. D’autres Etats, comme la Géorgie, viennent de renoncer à l’enregistrement automatique sur les listes électorales. Le Montana veut arrêter d’enregistrer les électeurs le jour même du scrutin.
Le vote par correspondance et anticipé
Souvent issues des classes populaires, les minorités peuvent avoir du mal à quitter leur emploi le mardi – jour d’élection – pour aller voter en personne. Elles ont aussi moins de voiture pour se déplacer jusqu’aux bureaux de vote et sont davantage susceptibles de cumuler deux emplois, et donc de disposer de plages horaires réduites pour voter en personne.
Plus le vote par correspondance ou anticipé est ouvert, comme ce fut le cas en 2020 en raison de la pandémie, plus leur taux de participation augmente.
Une loi de Géorgie vient toutefois de diviser par deux la période lors de laquelle il est possible de réclamer un bulletin de vote par correspondance. L’Arizona pénalise le fait de déposer le bulletin d’un électeur à sa place, sauf pour les proches. Le Mississippi impose la signature d’un notaire sur les bulletins anticipés…
L’accès aux bureau de vote
Il existe plus de 10.000 circonscriptions aux Etats-Unis, mais dans les zones rurales, elles peuvent être très éloignées des domiciles. Le Texas vient toutefois d’interdire le vote en drive-in -au volant de son véhicule- pourtant populaire dans les grands espaces. D’après le Brennan Center, il y a moins de bureaux et donc plus d’attente dans les quartiers noirs et hispaniques, ce qui peut décourager les électeurs. Une loi contestée de Géorgie prévoit désormais d’interdire aux associations d’apporter à manger ou à boire aux citoyens afin de les aider à patienter.
Selon l’association du barreau des avocats ABA, 5% des électeurs blancs ne savent pas où est leur bureau de vote, contre 15% des Afro-Américains et 14% des hispaniques. Or, l’Arizona interdit de voter dans une circonscription différente de celle où l’électeur est inscrit. Aux prochaines élections, les bureaux de vote dans l’Iowa fermeront à 20H00 et non 21H00.
Les documents d’identité
Certains Etats imposent d’avoir un document d’identité officiel avec photo pour voter, bien qu’il n’existe pas de carte d’identité aux Etats-Unis. En 2020, 25% des Afro-Américains en âge de voter n’avaient pas ce type de document, contre 8% des Américains blancs, selon le Brennan Center.
Les démarches administratives pour corriger une erreur sur un document handicapent aussi davantage les personnes noires. Selon l’ABA, une loi de Georgie qui impose une « corrélation exacte » entre le nom inscrit sur la liste électorale et celui sur le document d’identité présenté au bureau de vote a affecté 51.000 électeurs en 2018, dont 80% noirs.
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