Présidentielle américaine: Donald Trump peut-il rejeter les résultats en cas de défaite?
Donald Trump a déjà prévenu : malgré son retard dans les sondages, il compte bien réitérer la surprise de 2016. Et s’il n’est pas élu, c’est parce que les démocrates auront utilisé le vote par correspondance pour truquer les élections. Au point d’en rejeter les résultats en cas de défaite ?
Dès l’officialisation de sa candidature, Donald Trump a repris ses accusations, désormais devenues routine de campagne : les démocrates veulent « voler » l’élection présidentielle à venir. Largement devancé dans les sondages nationaux, donné battu dans de nombreux États-clés, le président américain a promis une nouvelle victoire, après celle, surprise, de 2016.
Pour galvaniser sa base électorale, il agite depuis plusieurs semaines le spectre de fraudes liées au vote par correspondance qui occupera une place plus importante cette année en raison du coronavirus : « La seule façon dont ils peuvent nous priver de la victoire est de truquer l’élection (…) Ils utilisent le Covid pour voler l’élection. ». L’actuel président a par ailleurs appelé à un double vote, ce qui est illégal. Avec son appel, il veut tester le système de vote par courrier, mais ce faisant, il encourage la fraude que son parti et lui-même craignent.
S’accrocher au pouvoir
Une manière de préparer le terrain en cas de défaite ? Lors d’une interview accordée à Fox News, Donald Trump l’a reconnu : « Je ne suis pas un bon perdant, je n’aime pas perdre », avant de laisser planer le doute sur un possible rejet des résultats. Quand la question lui a été clairement posée, il a vaguement éludé la question.
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When asked if he can give a direct answer about whether he will accept the election, Trump replied, "I have to see." pic.twitter.com/QgRWyCM3D4
— Talking Points Memo (@TPM) July 19, 2020
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Selon un sondage d’Opinium Research pour The Guardian, trois partisans sur quatre du candidat démocrate Joe Biden ont peur que Donald Trump rejette le résultat de l’élection si celui-ci n’est pas à son avantage. La crainte principale est la suivante : si l’actuel président n’accepte pas le résultat de l’élection, cela déclencherait une crise constitutionnelle.
Certains milieux s’inquiètent de plus en plus du fait que le président, qui a régulièrement repoussé les limites et brisé les normes, même en prononçant son discours d’acceptation de la convention nationale républicaine à la Maison-Blanche, est déterminé à s’accrocher au pouvoir, quel que soit le résultat des élections.
La semaine dernière, le Washington Post a rapporté que les membres démocrates du Congrès Elissa Slotkin du Michigan et Mikie Sherrill du New Jersey ont écrit au général Mark Milley, Chef d’État-Major des armées, et au secrétaire à la Défense Mark Esper, pour leur faire part des obligations des militaires de suivre les ordres du commandant en chef légitimement élu. « Les questions auraient été presque impensables à n’importe quel moment de l’histoire de la nation en dehors de la guerre civile », analyse le Washington Post.
Crises électorales et bien commun
Lawrence Douglas, juriste et professeur au Amherst College, s’est donné pour tâche de réfléchir à cette éventualité. « Bien que sa défaite soit loin d’être certaine, ce qui n’est pas incertain, c’est la façon dont Donald Trump réagirait à une défaite électorale, surtout si celle-ci est étroite. Il rejettera le résultat », écrit-il, cité par le New Yorker.
Comment réagir si c’est le cas ? Lorsque des crises électorales se sont produites aux Etats-Unis, les anciens dirigeants politiques ont pris les devants, ou se sont mis à l’écart, pour assurer le transfert pacifique du pouvoir. Il existe des voies constitutionnelles que Al Gore, en 2000, pour ne prendre que cet exemple-là, aurait pu suivre pour revendiquer la victoire. Mais bien qu’il ait gagné le vote populaire, il a considéré qu’il était de son devoir d’éviter l’escalade de la crise électorale. Les élections présidentielles de 1800 et 1876 se sont également soldées par des compromis, dans l’esprit de la Constitution, de la cause commune et de la bonne foi.
Mais Donald Trump est davantage un homme de polémiques que de compromis, et c’est bien cela qui inquiète. Il n’est pas du genre à accepter son éventuelle défaite sans broncher : il est susceptible d’exacerber toute crise, et non de la résoudre. La Constitution américaine suppose la bonne foi, et les lois destinées à réglementer les résultats des votes sont malheureusement vagues. Dans chacun des trois scénarios – du pire au moins pire – envisagés par Douglas, Trump continuerait à se considérer comme le président, bien que Biden puisse se considérer comme le vainqueur du scrutin. Différentes finalités sont possibles et pourraient amener à un long blocage. Avec le risque que, pendant ce temps, Trump anime sa base à coup de tweets, et que la situation provoque de violents affrontements.
Et un report ?
Donald Trump n’en est pas à son coup d’essai. Il brandit les risques de fraude depuis des semaines, au point d’avoir émis le souhait de reporter le scrutin. Selon lui, une élection dans laquelle les gens voteraient en masse par correspondance à cause du coronavirus serait « la plus inexacte et la plus frauduleuse de l’histoire », avait-il indiqué sur Twitter.
Fin avril, son adversaire démocrate Joe Biden avait prédit que l’ancien homme d’affaires de New York ferait tout son possible pour reporter l’élection. « Souvenez-vous de ce que je vous dis, je pense qu’il va essayer de faire reporter les élections d’une manière ou d’une autre, trouver des raisons pour lesquelles elles ne peuvent pas avoir lieu », avait-il lancé. Quelques jours plus tard, Trump, interrogé lors d’un point de presse à la Maison-Blanche, avait catégoriquement écarté cette hypothèse: « Pourquoi est-ce que je ferais cela? », avait-il répondu.
Le doute dans l’esprit des électeurs
Cela fait des mois que Donald Trump alerte, remet en question et attaque l’intégrité du processus de vote. Il a déclaré en août : « La seule façon de perdre cette élection, c’est si elle est truquée ». Convaincu de sa victoire, il n’envisage sa défaite que sous un seul angle : la fraude. Et cela fait son chemin chez les Américains : trois électeurs sur cinq sont inquiets de voir l’élection truquée, selon le sondage. Plus de la moitié des électeurs de Biden partagent la même inquiétude.
Cinq États votent déjà presque entièrement par correspondance et cette pratique se développe au niveau national à chaque élection présidentielle. La pandémie devrait accélérer cette tendance, passant de 20,9 % en 2016 à 39 % des personnes qui comptent voter par correspondance en 2020.
Le président a cherché à plusieurs reprises à délégitimer le vote par correspondance, qui devrait atteindre un niveau record en raison de la pandémie de coronavirus. Son argument : marteler qu’il est sujet à des irrégularités. Mais cela ne s’appuie pas sur des bases solides. Malgré l’absence de preuves, il semble que ces manoeuvres aient gagné du terrain.
Trois électeurs sur quatre qui ont déjà voté par correspondance craignent que ce type de vote ne soit utilisé pour commettre des fraudes, selon Opinium, soit plus du double de la proportion des électeurs de Biden qui partagent cette inquiétude. En outre, une majorité des deux camps s’inquiètent du fait que le service postal, en difficulté, ne puisse pas livrer à temps les bulletins de vote par correspondance et que leur vote ne soit pas compté correctement.
La poste américaine, au coeur de la campagne
Devenu une thématique électorale à part entière, le coronavirus ne bouscule pas que la campagne : il jouera également un rôle déterminant durant les élections mêmes en novembre prochain. Au coeur des questionnements : le vote par correspondance. Du coup, c’est la poste américaine qui a fait une entrée fracassante dans la campagne électorale américaine. Donald Trump est accusé par ses opposants de tout faire pour la détruire, afin de rendre impossible un vote par correspondance qui pourrait selon lui favoriser son adversaire Joe Biden.
La campagne s’est cristallisée ces dernières semaines, autour de la poste américaine, l’USPS. Elle est dirigée depuis le printemps par Louis DeJoy, un proche de Donald Trump, et l’un des grands donateurs de sa campagne. Celui-ci mène tambour battant des réformes censées ramener dans le vert les comptes de la poste, déficitaire depuis 2008. Des machines de tri jugées obsolètes ont été supprimées, des boîtes à lettres retirées des rues, et le courrier arrive en retard, car les facteurs ne peuvent plus travailler en heures supplémentaires. Et l’USPS a prévenu qu’elle ne pourrait pas acheminer en temps voulu des millions de bulletins de vote, qui ne pourront donc pas être pris en compte, selon le Washington Post. Mais les opposants voient dans ces réformes la main de Donald Trump, pour empêcher le vote par correspondance. Le patron de la poste américaine a finalement annoncé sa décision de suspendre les réformes controversées « jusqu’à la fin des élections ».
Un décalage des résultats ?
Il y a également une division partisane marquée que Trump cherche apparemment à exploiter. Plus de deux sur trois de ses partisans disent avoir l’intention de voter en personne, alors que seulement un sur quatre a l’intention de voter par correspondance. En revanche, plus de la moitié des partisans de Biden ont l’intention de voter par correspondance et deux sur cinq ont l’intention de voter en personne.
Ce déséquilibre fait craindre que les médias se précipitent et projettent un gagnant sur la base des votes en personne, bien avant que les bulletins de vote par correspondance ne soient comptés. Car la tradition est de connaitre le vainqueur dès le lendemain de l’élection, au petit matin. Mais le vote par correspondance pourrait décaler l’annonce. Une réalité à laquelle les médias mais aussi les membres politiques et militants devront s’adapter, afin de ne pas créer la confusion.
Le sondage d’Opinium Research confirme que de nombreuses personnes sont prêtes à rompre avec cette tradition. Seulement 36% des Américains disent qu’ils s’attendent à connaître le résultat le lendemain, 23% s’attendent à le connaître dans la semaine qui suit et 17% disent qu’ils le connaîtront un peu plus tard en novembre.
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