Laura Campos Nikulenko, attachée parlementaire (Défi) est d’origine russe. Son enfance a été baignée par les récits de ses parents qui ont quitté l’URSS pour l’Ukraine. Une cohabitation la plupart du temps paisible. Les peuples ne sont pas le problème, écrit-elle. Le seul problème est un « président dont l’égo et l’ambition ne connaissent aucune limite ».
Ma mère est russe, mon père est cubain. Un mélange aux racines slaves et latines qui, après de multiples étapes, a fait atterrir mes parents au coeur de l’Occident : Bruxelles.
Bercée par les histoires relatées par mes parents sur leur vécu en URSS, j’ai toujours eu conscience de l’importance de la capacité d’adaptation et de la tolérance, valeurs fondamentales du vivre-ensemble. En effet, lorsque ma maman a soufflé sa sixième bougie, ses parents, d’origine russe, ont décidé de quitter la Russie et de continuer leur vie en Ukraine.
Durant près de vingt ans, ma famille a vécu à Nova Kakhovka, une ville de l’oblast de Kherson, une région située dans le sud de l’Ukraine qui comprend une importante minorité russophone. Vingt ans durant lesquels la cohabitation entre les Ukrainiens, les Ukrainiens russophones ou encore les Russes ethniques s’est déroulée de façon relativement paisible.
Relativement, car il serait, en effet, faux d’affirmer que les revendications culturelles n’ont pas fait partie du chemin des minorités russophones en Ukraine. C’est d’ailleurs, finalement, le cas de nombreux pays dans lesquels cohabitent diverses populations, y compris le nôtre : il suffit de voir l’origine de la naissance des communautés en Belgique dans les années 70.
Ces revendications sont-elles pour autant synonymes de l’impossibilité d’atteindre le Saint Graal que constitue le vivre-ensemble ?
Non. La réponse sera toujours non. Le vivre-ensemble peut être modulé, agencé pour convenir au plus grand nombre de concitoyens. Il peut être imparfait. Il n’est pas toujours linéaire et des obstacles peuvent se dresser sur son chemin. Et s’il arrive que ces obstacles soient insurmontables, le vivre-ensemble peut même connaître une fin heureuse et paisible, pour autant que le processus entourant cette fin soit démocratique. Mais, quoiqu’il en soit, les lacunes du vivre-ensemble ne peuvent jamais constituer ou être à l’origine de violations de droits humains ou encore de l’atteinte à la souveraineté d’un Etat.
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J’en veux pour preuve la tragédie qui frappe actuellement l’Ukraine: qu’ils soient Ukrainiens, russophones ou Russes ethniques, tous les civils présents sur le territoire de l’Ukraine sont aujourd’hui victimes des attaques de l’armée russe et de ses alliés. Des voix s’élèvent partout dans le monde pour condamner la terreur semée par Vladimir Poutine, y compris en Russie où des milliers de manifestants descendent dans les rues de Moscou et Saint-Pétersbourg, s’attirant les représailles d’un dirigeant autoritaire que l’on ne peut qualifier autrement que de dictateur.
Aujourd’hui, la tristesse m’envahit à la vue de cette tragédie. Parce que le problème en Ukraine, ce ne sont pas les peuples ou les différences culturelles, mais bien les volontés impérialistes d’un Président dont l’égo et l’ambition ne connaissent aucune limite.
Aujourd’hui, je tiens à vous dire ceci : ce n’est, pour moi, ni le manque d’adaptation des peuples, ni le manque de tolérance qui ont conduit au conflit armé qui déchire l’Ukraine. Les divergences communautaires ne sont pas et ne seront jamais, malgré ce qui est parfois véhiculé, à l’origine de tragédies impliquant la perte de vies humaines.
Aujourd’hui, la nostalgie des récits de mes parents me gagne, jusqu’à parfois me faire douter de la capacité des hommes à faire le bien. Mais ne nous méprenons pas. Aujourd’hui, ce ne sont pas « les hommes » qui en sont incapables, mais bien « un homme ». Il porte le nom de Vladimir Poutine, un homme qui continue de transgresser et mépriser ouvertement les droits humains et les principes les plus fondamentaux du droit international qui nous permettent de garantir la paix entre tous les Etats.
Et pour ces raisons, je m’autorise à croire que demain, seul le vivre ensemble l’emportera.
LauraCampos Nikulenko
Le titre est de la rédaction. Titre original: « Le problème, ce ne sont pas les peuples »
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