Gérald Papy
L’édito de Gérald Papy: « Le dictateur et les spectateurs »
« La résistance en Ukraine est et sera courageuse », écrit Gérald Papy, rédacteur en chef adjoint du Vif. « Mais la disproportion des forces en présence ne laisse aucun doute sur l’issue du conflit ».
Un peu moins d’un quart de siècle après le conflit du Kosovo, l‘Europe replonge dans les tourments d’une guerre à l’issue incertaine mais aux conséquences que l’on sait déjà dramatiques : pertes humaines en nombre, destructions massives, crise économique et désordre mondial menaçant. Le premier responsable en est, comme ce fut le cas en 1999 dans les Balkans avec le président serbe Slobodan Milosevic, un dictateur borné, tellement convaincu de son « bon droit » qu’il se gausse du droit international et des contraintes des relations entre Etats, Vladimir Poutine.
En engageant une guerre totale contre l’Ukraine, le président russe viole l’intégrité d’un Etat souverain en avançant la chimère d’une nation commune alors que la révolution de Maïdan, en 2014, qui n’était pas une fabrication des services de renseignement américains ou de nazis locaux, l’a complètement démentie et a révélé l’envie d’Union européenne et de démocratie véritable – pas de la « démocratie authentique » à la chinoise et à la russe – d’une majorité d’Ukrainiens.
C’est cette ambition que Vladimir Poutine veut étouffer en bombardant Kharkiv, Kiev et Lviv. L’invocation de la protection des Ukrainiens russophones, avancée initialement au nom d’un soi-disant génocide des habitants des républiques séparatistes de Donetsk et de Louhansk pour justifier l’opération militaire, est la dernière falsification de la vérité dont s’est rendu coupable le président russe, parmi tant d’autres depuis le début de la crise. C’est bien à un Etat vassal comme le Bélarus que Vladimir Poutine veut réduire l’Ukraine de Volodymyr Zelensky.
La résistance de l’Ukraine est et sera courageuse. Mais la disproportion des forces en présence ne laisse aucun doute sur l’issue de la confrontation militaire et sur le renversement à venir du gouvernement démocratique en place à Kiev. En s’interdisant dès le début d’envisager une présence militaire en Ukraine et en le proclamant, les pays occidentaux ont encouragé la prétention belliqueuse de Vladimir Poutine.
Le président Emmanuel Macron, à l’image de ses collègues occidentaux, est dans la rhétorique incantatoire quand il affirme solennellement , le 24 février, que son pays « se tient aux côtés de l’Ukraine ». Nous ne sommes pas aux côtés des Ukrainiens. Ils seront forcés de se plier aux oukases du dictateur du Kremlin. Européens et Américains se contenteront-ils vraiment de regarder impuissants le massacre des Ukrainiens et de leur démocratie ? C’est en tout cas un affront sans précédent que Vladimir Poutine inflige à Joe Biden, Emmanuel Macron, Olaf Scholz, Boris Johnson. Ils auront beau démultiplier leurs sanctions dans les jours à venir, elles ne seront pas à la hauteur de l’agression subie par l’Ukraine.
Le président russe gagnera la bataille de Kiev. Mais sa « victoire » sera peu glorieuse et elle ne sera pas celle du peuple russe qui finira par en subir les retombées négatives durables. C’est le cadet des soucis de Vladimir Poutine. Il ne gagnera cependant pas la guerre. Car, en définitive, la Russie en sortira affaiblie. Et il aura fourni aux Etats et populations d’Europe de l’est une nouvelle raison d’intensifier leurs relations avec l’Otan et l’Union européenne. L’inverse du but recherché de cette sale guerre.
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