Vaccination obligatoire: la grande prudence des experts
Après quatre journées d’auditions en commission santé de la Chambre, il ressort que l’obligation vaccinale en population générale contre le Covid-19 ne convainc pas ou peu les experts, même si cette option reste préférable à la mise en place d’un pass vaccinal. Avant le début de ces auditions, il n’existait déjà pas de majorité politique en faveur de l’obligation pour toute la population. Cette éventualité semble encore s’éloigner davantage.
Seule l’Absym (Association Belge des Syndicats Médicaux) s’est prononcée résolument en faveur de cette obligation. Les autres experts entendus ont apporté de nombreuses nuances et bémols. Ainsi, pour le Conseil Supérieur de la Santé (CSS), seule une obligation vaccinale d’une durée limitée serait ainsi admissible.
L’une des remarques récurrentes a été le momentum dépassé pour passer aujourd’hui à cette obligation vaccinale. Le Comité de bioéthique a dans ce cadre exprimé un avis favorable, mais conditionné. Selon lui, cette obligation doit être assurée par un schéma vaccinal étayé par un consensus scientifique clair, ce qui, à ses yeux, n’est pas le cas pour le moment en raison des incertitudes planant autour de l’évolution de la pandémie.
Certains experts, dont le professeur Vincent Yzerbyt (UCLouvain), du groupe psychologue et corona, ont toutefois appelé à anticiper en cas de résurgence d’un variant plus virulent. Son collègue Maarten Vansteenkiste, professeur en psychologie sociale à l’UGent qui participe au baromètre de la motivation, a jugé qu’imposer la vaccination était « peu efficace », au regard du fort taux de vaccination que connaît la Belgique. Le caractère « irréductible » ou « noyau dur » des personnes qui ne sont pas encore vaccinées à également été pointé. Pour Unia, l’obligation vaccinale est uniquement justifiée en cas de vrai « saut qualitatif » dans la lutte contre la pandémie, ce qui ne semble pas être le cas dans le contexte actuel.
Les auditions ont été notamment marquées par la suggestion de Marius Gilbert (ULB). Le professeur a proposé d’obliger les personnes non vaccinées à s’entretenir avec du personnel soignant formé à cet effet. Cet entretien obligatoire n’aurait pas pour objectif de « convaincre » mais bien de « rétablir la confiance, de mieux comprendre la décision de ne pas se faire vacciner et d’informer ».
La vaccination obligatoire en population générale n’a pas davantage convaincu les experts en microbiologie. Emmanuel André (KULeuven) a ainsi estimé qu’il était peu probable que l’on ait encore besoin de booster à l’avenir pour les personnes ne souffrant pas de comorbidités. Le vaccin a permis de franchir un premier palier d’immunité, les paliers suivants pouvant alors être franchis plus facilement grâce aux futures infections.
D’un point de vue juridique, si le fédéral prenait la décision de procéder à la vaccination obligatoire, celle-ci devrait aussi passer un « crash test » juridique préalable, a expliqué le professeur Marc Verdussen (UCLouvain). Bernard Dubuisson professeur en droit de la responsabilité et droit des assurances à l’UCLouvain, a lui appelé à confirmer explicitement dans l’éventuelle loi la compétence du Fonds des Accidents Médicaux pour l’indemnisation des patients victimes d’effets indésirables « suffisamment graves ».
La vaccination obligatoire du personnel soignant, actuellement sur la table du kern, a été peu abordée en tant que telle.
Le Covid Safe Ticket et l’éventualité de passer d’un pass sanitaire à un pass vaccinal a par contre été rejetée à l’unanimité par les experts entendus.
« À choisir, on préfère une obligation vaccinale à un pass vaccinal », a notamment lancé la Ligue des Drois Humains (LDH). La conférence de présidents, chargée d’organiser les travaux de la Chambre, a confié mercredi à la commission santé d’également procéder à un débat sur ce point. La discussion sur la manière de travailler reprendra lors de la prochaine séance de commission mardi prochain.
Les travaux concernant l’obligation vaccinale ne sont pas clos. La commission procédera encore à l’audition de Pedro Facon le 16 février après-midi. Le commissaire corona a déjà rendu un rapport dans lequel il a exprimé sa préférence pour un pass vaccinal plutôt qu’une obligation vaccinale. La commission entendra également les partenaires sociaux, à une date encore indéterminée. Plusieurs députés ont aussi suggéré d’entendre des experts en matière de protection des données personnelles.
Le ministre Vandenbroucke finalise l’obligation vaccinale du personnel soignant
Le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke, finalisera son projet de loi sur l’obligation vaccinale du personnel soignant pour la semaine prochaine, a-t-on appris vendredi de sources gouvernementales, à l’issue d’un conseil des ministres restreint (« kern ») qui a abordé ce dossier. C’est en novembre dernier que le gouvernement De Croo s’est accordé sur la vaccination obligatoire des soignants. Il était convenu qu’à partir du 1er janvier, ces derniers disposeraient de trois mois pour se faire vacciner. Et qu’à partir du 1er avril, ceux qui auraient refusé la vaccination seraient licenciés ou mis à pied pour six mois. L’échéance du 1er janvier est depuis lors passée. L’avis du Conseil d’État était arrivé une bonne semaine auparavant, mais un mois plus tard, l’obligation n’est toujours pas de mise. Et si les textes légaux reçoivent un feu vert définitif, il faudra encore quelque temps pour qu’ils entrent en vigueur.
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