Mélanie Geelkens
Une sacrée paire de malheureuses par Mélanie Geelkens (chronique)
Une fille, pour se faire aimer, sait qu’elle devra être un peu boniche, assez maternelle, pas trop sexuelle.
La meuf, dans le genre, c’est pas une militante de salon. Rien que le pseudo, déjà: Olympe de G. (référence à la pionnière du féminisme et au point). Publicitaire, mariée, vie sexuelle plan-plan. Puis, à 32 ans, le divorce, le célibat, les applis de rencontre et une (re)découverte de son désir. La vie de milliers de femmes lambda, jusque-là. Mais la Française, elle, se lance dans le porno. Elle tourne quelques films, en produit davantage, enregistre des podcasts érotiques. Tous féministes; pour en finir avec le plaisir phallocentré. Alors, c’est con, c’est naïf, c’est cliché, mais vue de l’extérieur, une fille aussi émancipée professionnellement se laissait imaginer tout autant affranchie personnellement.
Une fille, pour se faire aimer, sait qu’elle devra u0026#xEA;tre un peu boniche, assez maternelle, pas trop sexuelle.
Vraiment pas. Sa vie privée, « en gros, ça fait vingt ans que ça merde », confessait-elle, le 18 mai, au média digital Simone. Parce qu’elle « retombe toujours dans les mêmes schémas » lorsqu’elle est amoureuse. A savoir: femme qui s’oublie d’elle-même pour que la relation fonctionne. Trop de concessions, trop de soumission. Alors, ça fait quasi deux mois qu’elle s’est lancée dans une « grève de l’hétéronormativité ». Qui n’est pas du lesbianisme politique (1), car elle ne pourrait se passer d’hommes, mais bien – en résumé – la fin des contorsions pour rentrer dans le moule féminin du couple classique, soit « un monsieur + une madame qui se jurent fidélité et font des bébés. »
A bien y réfléchir, c’est vrai que les féministes ne peuvent qu’être malheureuses, en (cet) amour. Coincées dans cette « dissonance entre ce qu’on rêve et ce qu’on vit », pour paraphraser Olympe de G. Le songe est joli, et pas uniquement au lit: certes, ce conjoint idéal ne serait pas centré sur sa propre satisfaction (coucou, le clitoris!), mais il permettrait surtout une vie quotidienne apaisée. Des tâches ménagères réellement partagées, des temps libres égalitairement répartis, une égalité des chances professionnelles, une liberté à géométrie invariable.
La réalité est forcément moins reluisante, et pas seulement au lit (c’est où, le clitoris?). Qu’il lève le doigt, l’homme capable de s’assumer parfaitement sans faire peser en tout ou en grande partie le ménage/l’éducation des enfants/ la gestion du quotidien sur une femme! (NDLR: une mère, une dame de ménage, une gardienne sont des femmes). (NDLR, bis: devoir appeler sa compagne devant le frigo pour savoir quoi donner à manger à bébé, compter sur sa conjointe pour souhaiter bon anniversaire à sa propre famille et s’occuper du cadeau, ou encore se faire répéter vingt-sept fois qu’il faut vider le séchoir n’est pas s’assumer parfaitement).
Une fille, pour se faire aimer, sait qu’elle devra être un peu boniche, assez maternelle, pas trop sexuelle. C’est ce qu’on lui a toujours appris. Lorsqu’elle commence à le déconstruire, mais que le monde autour d’elle l’intègre encore tellement, ça ne peut que se révéler décevant. Elle devra vivre « sous tension entre l’amour pour son partenaire, qui est réel, et ses convictions, ses envies de penser la société et les relations autrement » (dixit Olympe de G.). Elle devra lutter publiquement pour faire évoluer les mentalités, et se battre intimement pour faire progresser celle de son conjoint. Comme si ce n’était pas déjà assez usant. Quel homme s’intéresse de lui-même au féminisme, remet en question les stéréotypes sexistes, ne se braque pas à l’évocation des privilèges masculins? Ou alors, cette fille devra vivre seule. Ce qui n’est guère davantage réjouissant.
(1) Mouvement qui vise à lutter contre le patriarcat en cessant de « relationner » avec des hommes.
Balance ton folklore: censure de courte durée
La page Instagram Balance ton folklore, créée début mars pour diffuser des témoignages de violences sexuelles à l’ULB, avait été suspendue le 17 mai dernier par le réseau social, après avoir été massivement signalée, sans doute dans le cadre d’un « raid » (une action coordonnée et intentionnelle). Le compte a finalement été rétabli, au bout de 48 heures après que des personnes se sont mobilisées en nombre pour interpeller Instagram sur cette censure. A ce jour, plus de deux cents récits y ont été publiés.
>>> Lire à ce sujet: Balance ton folklore: quand la culture sexiste s’invite sur les campus
60%
des Belges vaccinés (avec au moins une dose) contre la Covid sont des femmes, selon les statistiques de Sciensano. Une surreprésentation qui, durant les premiers temps de la campagne, pouvait s’expliquer par le fait d’avoir commencé par les personnes âgées (l’espérance de vie féminine étant plus longue) et la forte proportion de femmes dans les métiers de première ligne. Mais qui devient plus difficile à comprendre, alors que la vaccination est désormais entrée dans une phase « grand public ».
Gisèle Halimi au Panthéon?
Le 18 mai, le journal français Libération publiait une tribune demandant à ce que les cendres de Gisèle Halimi soient transférées au Panthéon, honneur hexagonal suprême. Plusieurs autres appels à cet hommage national ont été lancés depuis le décès de l’avocate française, le 28 juillet 2020. Mais, selon Le Monde, Emmanuel Macron pourrait y renoncer, en raison des positions anticoloniales de la militante féministe durant la guerre d’Algérie. Selon l’Elysée, le président serait « en réflexion ».
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