Tirer des leçons des inondations: quelles solutions envisager?
D’abord à Liège, puis à Namur… La Wallonie souffre des récentes intempéries et subit les affres de Mère Nature. La faute à l’aménagement du territoire ? Pas uniquement. Quelles leçons tirer des récents événements et comment repenser notre pays ? Analyse.
1re leçon : ne plus construire en zones inondables
Ou du moins, ne pas le faire n’importe comment… Construire en zone inondable, c’est réduire l’espace naturellement utilisé par un cours d’eau pour gérer une crue en cas d’averses intenses ou prolongées. Pour rappel : les cours d’eau ont un lit mineur et un lit majeur. Le lit mineur est la partie où les eaux s’écoulent en temps normal. Le lit majeur, c’est l’espace occupé temporairement par les ruisseaux, rivières ou fleuves lors du débordement des eaux en période de crues.
On le sait : l’aménagement du territoire en Belgique est épars et de nombreuses villes et villages s’étendent aujourd’hui sur ce fameux lit majeur. Or, une zone urbanisée est une zone imperméable. Le béton est en effet un matériau qui favorise le ruissellement des eaux, et non pas son absorption. En cas de fortes intempéries, l’eau devient dès lors ingérable, et terribles sont les flots qui se déversent en ville et dans les maisons.
Or, il n’y a pas d’interdiction de construire ou d’acheter en zone inondable, en Wallonie. Et pourtant, les maisons sinistrées se comptent par centaines ces derniers jours, suite aux orages et fortes pluies. Preuve que ces zones sont loin d’être le lieu de vie idéal.
Pas d’interdiction, mais une mise en garde, des avertissements et des recommandations pratiques pour informer le citoyen et limiter les dégâts. Bâtir et acheter un bien immobilier situé dans une zone à risque tient donc de la responsabilité de l’habitant. « Il n’est pas déraisonnable de construire dans des zones inondables« , estime Arnaud Dewez, responsable de la cellule Giser, dans une interview accordée à la RTBF. « À condition d’adapter les maisons au risque d’inondation. » Pas de sous-sol, pas de cave, pas d’installation de chauffage central dans les sous-sols, relever le niveau des prises de courant… Au citoyen de peser le pour et le contre et de suivre ces recommandations.
Depuis 2017, les communes ont l’obligation de consulter la cellule Giser (un service de conseil et d’appui spécialisé dans la lutte contre les inondations) en cas de projet de construction dans une zone inondable par ruissellement. Le SPW a par ailleurs créé un site internet interactif resituant les différentes zones inondables de Wallonie.
2e leçon : réduire l’imperméabilisation des sols
C’est le noeud du problème. Dans des zones bétonnées à outrance, l’eau va tomber sur des sols imperméables, puis s’écouler vers le point le plus bas et s’accumuler une fois qu’elle aura atteint le fond de la « cuve » naturelle que forment certains quartiers. Sur son passage, l’eau va créer de nombreux dégâts : destruction d’infrastructures et autres systèmes de transport et de communication, inondation des maisons, obstruction des réseaux d’égouttage…
Or, la Wallonie recense de nombreuses zones bétonnées abandonnées: environ 5 000 bâtiments, répartis sur 2 213 sites désaffectés et 3 795 hectares, en particulier le long du sillon Sambre-et-Meuse. Autant de zones bétonnées qui participent aujourd’hui aux inondations. Et s’il devient urgent de stopper la consommation de nouvelles superficies, cette artificialisation des sols progresse encore de 10 à 12 km2 par an en Wallonie, soit d’environ 3 hectares par jour.
3e leçon : laisser la place à la nature
Les espaces verts sont des tampons naturels en cas d’inondations. Replanter des haies et des arbres pourrait être une solution pour limiter les dégâts des eaux. Les haies champêtres jouent en effet un rôle important dans la prévention des inondations : elles interceptent les ruissellements et les coulées de boue, fixent la terre grâce à leurs racines, facilitent l’absorption de l’eau par les sols. Ces haies brise-crue protègent également les agriculteurs, eux-mêmes souvent victimes des inondations.
Autre solution : redonner de la place à l’eau. Il s’agirait donc de recréer des zones inondables et de permettre aux cours d’eau de sortir de leur lit sans impacter la vie des citoyens. En quelque sorte leur rendre ce que l’urbanisation leur a volé : le lit majeur.
Outre la maîtrise de l’urbanisation, il est également indispensable de revoir les pratiques agricoles. Les terres agricoles sont elles aussi responsables du ruissellement des eaux, puisqu’elles ne retiennent pas suffisamment l’eau. Les fortes pluies vont en effet tasser la surface et rendre les terres imperméables. A l’inverse, « le parcellaire plus traditionnel, avec des vergers et beaucoup de haies, favorise l’entrée de l’eau dans le sol et va ralentir l’écoulement vers les vallées« , précise François Schreuer, dans une interview accordée à la RTBF.
Repenser le territoire pour le rendre moins vulnérable aux inondations est une chose, mais tenir compte des inondations passées et ne pas reproduire les mêmes erreurs en est une autre. En attendant, il est essentiel de développer la culture du risque et de faire comprendre aux citoyens que les événements climatiques des dernières semaines ne sont pas l’exception et se reproduiront sans doute à l’avenir. Il faut dès lors optimiser dès aujourd’hui les systèmes d’alerte et de prévention, et éduquer la population.
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