Sondage corona: six différences nord-sud surprenantes
Notre enquête révèle de nombreuses surprises. Les différences d’appréhension entre Flamands et francophones, elles, ne sont pas très surprenantes. Même si ces divergences ne sont pas toujours là où l’on s’y attend le plus.
Un Belge sur trois aurait préféré que les mesures sanitaires soient assouplies plus lentement qu’elles ne l’ont été en juin. C’est l’un des résultats surprenants de l’enquête corona organisée par Le Vif et Knack en collaboration avec Kantar. Mais ce n’est pas le seul. Voici les différences d’appréhension auxquelles on s’attendait moins.
1. Jan Jambon, seul politique au régime
Le gouvernement flamand est le seul à avoir perdu du soutien en un an, et son chef, Jan Jambon, est aussi le seul politique testé en 2020 et en 2021 dans ce cas. Son ministre de la Santé, pourtant fort secoué sur la scène politique « nordique », Wouter Beke (CD&V), s’en sort, lui, beaucoup mieux, si l’on peut dire: son impopularité est restée stable. C’est qu’on n’a pas parlé que de coronavirus, durant l’année écoulée, et qu’en dehors de la situation sanitaire plutôt bonne, puisque la Flandre est la Région du pays qui vaccine le plus et le mieux, plusieurs scandales ont entaché la crédibilité de la tripartite (N-VA – CD&V – Open VLD) flamande et de son patron : des ennuis de la députée Sihame El Kaouakibi (qui a quitté l’Open VLD) à l’importante pollution découverte récemment autour de l’usine chimique de Zwijndrecht. Ah, si seulement il n’y avait que la vaccination…
2. Les Flamands et les francophones n’ont pas vécu la crise tout à fait de la même façon
Une équipe de 11 millions ? Dans ce moment de grande adversité, il faut néanmoins pointer des disparités nord-sud sur plusieurs thèmes. Ainsi, à l’affirmation « il est bien que les politiques assouplissent les mesures plus rapidement que ne le souhaiteraient les virologues », la moitié des Flamands sondés (50,1 %) désapprouve cette option. Du côté francophone, la déclaration recueille 36 % d’adhésion (33,2 % à Bruxelles et 36,4 % en Wallonie). Les résultats à l’affirmation « les virologues ont reçu trop de pouvoir durant la crise sanitaire » se révèlent plus nets encore : près de la moitié des Flamands (49,3 %) se déclarent « plutôt pas d’accord » ou « pas du tout d’accord ». Un peu plus d’un tiers des francophones (34,6 %), en revanche, se dit « plutôt pas d’accord » ou « pas du tout d’accord ». De même, 52,5 % des francophones interrogés estiment que « les personnes vaccinées doivent jouir de plus de libertés que les personnes non vaccinées ». Seulement 32,7 % des Flamands adhèrent à cette idée. En résumé, et en grossissant le trait, les Flamands se montrent plus frileux et moins optimistes. C’est vrai à lire les résultats à l’affirmation « cet été, je voyagerai en toute confiance et sans souci » : près de la moitié des Flamands (49,4 %) sont « plutôt pas d’accord » ou « pas du tout d’accord », contre 33,3 % des répondants francophones. C’est vrai aussi au regard des résultats à la question « pensez-vous qu’après l’été, la crise sanitaire sera derrière nous ? » : 17 % des Flamands se disent « très optimistes » ou « optimistes ». Les francophones se montrent plus enthousiastes puisque, parmi eux, 25,8 % se déclarent « très optimistes » ou « optimistes ».
3. … mais apprécient plutôt tous Frank Vandenbroucke
C’est une autre des surprises que révèle cette enquête : largement critiqué, surtout en Belgique francophone, pour une gestion présentée comme rigide et autoritaire, le ministre fédéral de la Santé récolte partout des résultats plutôt favorables. La différence entre sondés du Sud et du Nord est tout sauf gigantesque à ces égards. Ils sont autant en Flandre qu’en Belgique francophone à avoir désapprouvé son action (29,4 % et 32,4 %) et ils sont un peu plus de francophones que de Flamands à l’avoir approuvée (42,3 % et 36,6 %). Mais surtout, Wallons, Flamands et Bruxellois sont plus nombreux à avoir apprécié ses décisions qu’à les déprécier. L’âge semble même un facteur plus déterminant que la région d’origine: Frank Vandenbroucke recueille une manière de plébiscite chez les sondés âgés de plus de 65 ans, qui sont 55 % à l’approuver. C’est évidemment une inversion radicale par rapport à Maggie De Block, quoiqu’elle eût, elle aussi, à sa manière, récolté une manière d’unanimité. A ses dépens.
4. Les Belges adhèrent largement à la vaccination
Il existe aussi d’autres convergences. La moitié des sondés (57 % des Flamands et 54,1 % des fran cophones) jugent que « le couvre-feu était une mesure justifiée« . Tout comme elle se dit favorable à la levée des brevets sur les vaccins, qui permettrait d’accroître l’offre anti-Covid. Le sondage note également une adhésion aux règles sanitaires, même si c’est à des degrés divers : plus de 79 % des Flamands et 74 % des francophones affirment continuer à respecter les mesures. L’enquête indique clairement un enthousiasme à l’égard de la vaccination. Une large part des répondants (81,9 % des Flamands et 73,9 % des francophones) désirent se faire vacciner ou a déjà reçu ses doses. A noter que, selon les réponses livrées par Régions, c’est à Bruxelles que le degré d’adhésion demeure le moins élevé, où il atteint 66,5 %. La Flandre se montre enfin plus favorable à vacciner les adolescents dès l’âge de 12 ans. L’idée y recueille 59,5 % d’avis positifs, contre 44,5 % auprès des francophones.
5. Un effet de génération…
Parmi les jeunes interrogés, près d’un sur deux indique s’être senti « bien moins bien que d’habitude » ou « moins bien que d’habitude ». En chiffres, cela donne cet état des lieux : 45,3 % chez les 18-24 ans, 40,5 % chez les 25-34 ans et 41,5 % chez les 55-64 ans (peut-être les parents des premiers et des deuxièmes). C’est, en prime, au sein des 18-24 ans que la proportion de sondés se disant, au contraire, « bien mieux que d’habitude » ou « mieux que d’habitude » est la plus élevée, soit 14,2 %, contre 6,8 % des répondants. Sans doute que pour ceux-là, le confinement, paradoxalement, avait de nombreux aspects rassurants. D’où ce « syndrome de la cabane » décrit dès le déconfinement espagnol en avril 2020 : la peur, après des mois de solitude, de se confronter au monde extérieur, symbole de tous les dangers.
Les plus jeunes sont significativement aussi les plus soucieux. Plus d’un tiers des 18-24 ans (34,3 %) et des 25-34 ans (33,9 %) s’inquiète des effets de la crise sur leur situation ou sur leur emploi. Cette inquiétude se tasse à 20,8 % chez les 45-54 ans et à 16,4 % chez les 55-64 ans. Les points de vue divergent également sur les décisions qui ont été prises pour éviter la saturation de l’appareil hospitalier et circonscrire la circulation du virus. De fait, dans les tranches 18-24 ans et 2534 ans, 11,3 % et 15,8 % estiment que « le couvre feu était une mesure justifiée. » L’adhésion augmente avec l’âge, puisque 35,7 % des 45-54 ans, 38,1 % des 55-64 et 37,7 % des plus de 65 ans approuvent tout à fait la mesure. Parmi les 18-24 ans, 36,2 % considèrent que les jeunes auraient dû bénéficier de davantage de libertés (contre 18,1 % des 5564 ans et 13,1 % des 65 ans +). Ils sont seulement 35,3 % à se rallier à l’affirmation « les personnes vaccinées doivent jouir de plus de libertés que les personnes non vaccinées ». Un scénario qui grimpe à un sur deux chez les plus de 65 ans. Ils sont encore 47,4 % chez les 18-24 ans et un sur deux chez les 25-34 ans à considérer le « coronapass » comme un vecteur de discriminations, contre à peine 23,2 % chez les plus de 65 ans. C’est, chez eux, enfin, que l’adhésion aux mesures se révèle la plus fragile : 31,5 % des 18-24 ans et 27 % des 25-34 ans disent encore respecter tout à fait les mesures, contre 44,3 % des sondés. Quant à la vaccination, l’enthousiasme diminue avec l’âge : 45,4 % des 18-24 ans et 50,4 % des 25-34 ans y adhèrent, là où 75,6 % des 55-64 ans et 80,6 % des plus de 65 sont tout à fait en faveur des vaccins.
6. …chez les présidents de parti aussi ?
La question de la popularité des présidents de parti anime souvent les conversations. Les réponses des 420 francophones sondés n’y manquent pas. Elles installent Paul Magnette en président dont l’action est appréciée par le plus grand nombre de sondés (26,8 % contre 18,2 % pour Georges Louis Bouchez, 13,4 % pour Jean-Marc Nollet, à peine 10,8 % pour Rajae Maouane, que beaucoup déclarent ne pas connaître, et 20 % pour Raoul Hedebouw, qui n’est pas président de son parti). Mais il semble que les deux plus jeunes présidents soient ceux qui mobilisent le plus d’opinions défavorables, puisque, parmi les sondés francophones qui les connaissent, respectivement 51,9 % et 53,3 % déclarent ne pas trop ou ne pas du tout vouloir qu’à l’avenir Rajae Maouane (31 ans) et Georges-Louis Bouchez (35 ans) exercent un rôle en vue. Les deux benjamins de la classe présidentielle sont les seuls à dépasser la moitié d’opinions défavorables. Ils ont une longue carrière pour s’en remettre.
Ce sondage a été réalisé en ligne par le bureau d’études Kantar, entre le 2 et le 8 juin, auprès de 1 006 belges de 18 ans et plus (586 Flamands et 420 francophones).
Sa marge d’erreur est de 3,1 %.
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