Pollution à Zwijndrecht : « C’est le cinquième gouvernement flamand pour lequel l’environnement n’est pas prioritaire »
À Zwijndrecht, dans la province d’Anvers, les travaux d’infrastructure ont révélé une pollution au PFOS, de l’acide perfluorooctanesulfonique classé comme perturbateur endocrinien et polluant organique persistant, liée à l’usine 3M.
Le bourgmestre Groen de la localité a fait procéder à des analyses d’échantillons de sol et d’eau souterraine. Celles-ci révèlent que les valeurs en PFOS sont 7 à 27 fois plus élevées que la normale.
Une réunion des ministres flamands a débouché lundi sur des mesures « temporaires et préventives ». L’agence flamande en charge de la santé (Agentschap Zorg en Gezondheid) a rapidement élaboré une série de mesures, après l’annonce du cabinet du ministre-président Jan Jambon (N-VA) : dans l’immédiat, les habitants d’un rayon d’1,5 km autour du site de 3M devraient s’abstenir de consommer oeufs et volaille de production locale, ou de boire de l’eau venant de réserves souterraines.
Éviter les légumes cultivés à la maison
Les enfants de moins de 12 ans et les femmes enceintes ou allaitantes devraient même éviter les légumes cultivés à la maison. Dans un rayon un peu plus large (5 km), il est aussi recommandé de ne pas manger les oeufs de ses propres poules, et, jusqu’à 10 km, on demande d’en limiter la consommation à maximum un par semaine.
Les ministres flamands se sont spécifiquement réunis ce lundi sur ce dossier, avec également des représentants de l’OVAM, la société flamande de gestion des déchets. Ceux-ci devaient répondre aux questions sur ce qui a été fait par le passé et sur la manière dont les informations ont circulé. Qui savait quoi, et qu’a-t-il été fait? L’OVAM aurait fait une présentation, ce lundi, mais ne souhaite pas en dire davantage. Cela a en tout cas permis d’éclaircir certaines zones d’ombre, indique le cabinet Jambon. La société de gestion des déchets apportera dans les prochains jours des réponses aux questions qui restent ouvertes.
Prélèvement sanguin
Les mesures annoncées sont une précaution pour limiter l’exposition des habitants à la pollution, a commenté Wouter Beke. On ne sait pas combien de temps elles resteront en vigueur. « Elles seront limitées ou renforcées en temps, espace et contenu en fonction des données et connaissances qui se feront disponibles », indique-t-il. On attend par exemple les résultats de l’enquête auprès de la population, dont on en sait désormais un peu plus: les habitants d’au moins 12 ans, des 3 km autour du site incriminé, pourront se porter volontaires pour un prélèvement sanguin. Le but est de commencer ces prélèvements au plus tard à la mi-juillet. Les résultats seront analysés avec des toxicologues.
Une pollution connue depuis 20 ans
La pollution des sols au PFOS autour de la fabrique 3M, qui a entre-temps cessé il y a de nombreuses années la fabrication de cette substance chimique, est en réalité déjà connue depuis près de 20 ans, a révélé la presse flamande récemment. Il y a eu ensuite plusieurs signaux d’alerte sur l’étendue de la pollution, dont on savait qu’elle n’était pas circonscrite au site industriel, mais avait aussi atteint des zones naturelles et des quartiers résidentiels. Mais la question de l’ampleur de la pollution est réellement revenue à l’avant-plan ces derniers mois avec les travaux de la liaison Oosterweel (NDLR : ring d’Anvers) et les articles au sujet des dangers de la réutilisation des sols souillés déplacés par le chantier.
Interrogé par Knack, Pieter Leroy, professeur en sciences de l’environnement à l’Université de Radboud aux Pays-Bas, souligne la responsabilité du gouvernement flamand. « C’est le cinquième gouvernement flamand consécutif pour lequel la politique environnementale n’est pas une priorité, avec un accord de coalition qui ne prévoit pas de ressources ou de personnes supplémentaires », déclare-t-il.
Pour le professeur, la mise en place d’une commission parlementaire, tel que la demande la ministre flamande de l’Environnement Zuhal Demir (N-VA) ne résoudrait rien. Il faudrait selon lui une commission parlementaire beaucoup plus large, et éloignée de la politique, qui élimine les défaillances de système de la politique environnementale.
Manque de responsabilité sociétale
« L’utilisation de permis individuels pour l’évacuation de certaines substances est une politique environnementale démodée. Une bonne politique environnementale fait exactement le contraire. Par exemple, vous décidez de la qualité d’eau que vous voulez dans l’Escaut, et vous adaptez tous les permis d’évacuation de toutes les entreprises individuelles en conséquence. Soyez sûrs que cela entraînerait des normes beaucoup plus strictes », explique-t-il à notre confrère de Knack. Il dénonce également le manque de responsabilité sociétale dans la vie d’entreprise et prône une meilleure transmission de la science vers la politique.
« Nous vivons dans un système capitaliste, et la politique environnementale arrondit certains angles – rien de plus. Je ne me fais guère d’illusions, mais là où nous le pouvons, nous devons améliorer la politique. Toutes les personnes concernées savent ce qu’il faut faire. Mais personne ne le fait », conclut-il, amer.
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