« Pour ceux qui espèrent une belle pension, la situation s’annonce corsée »
Au retour des vacances, les partis du gouvernement De Croo se profilent dans le dossier des pensions. Pour tous ceux qui espèrent profiter d’une belle pension, la situation s’annonce corsée.
« Ma carrière n’a pas encore commencé, mais pour être honnête, je pense souvent à plus tard : y aura-t-il de l’argent pour ma pension ? J’espère qu’il restera quelque chose lorsque j’aurai travaillé pendant quarante ans ou plus. Je ne pense pas que la pension légale sera suffisante, donc à partir du moment où je gagnerai vraiment de l’argent, j’épargnerai pour plus tard ».
C’est là le témoignage d’Amir Bachrouri, qui paraîtra dans un livre de Michaël Van Droogenbroeck et d’Ewald Pironet (l’auteur de cet article) sur l’importance des choix que l’on fait dès le plus jeune âge en matière d’argent. Bachrouri, âgé de 19 ans, est président du Conseil flamand de la jeunesse. Il est conscient qu’il vaut mieux commencer à épargner le plus tôt possible en vue de la vieillesse, car la pension légale ne suffira pas. En outre, le gouvernement envisage d’imposer un impôt supplémentaire sur l’épargne constituée via un régime de pension complémentaire et de l’épargne-pension.
C’est clair depuis un certain temps : les pensions légales sont trop faibles, et en même temps elles risquent en même temps de devenir inabordables. Une combinaison fatidique. C’est pourquoi il y a vingt ans, le gouvernement violet de Verhofstadt a lancé le Fonds de vieillissement. Celui-ci devait être une tirelire contre les coûts croissants du vieillissement, mais il s’est avéré être une coquille vide. En 2013, la Commission de réforme des retraites a suivi, mais rien n’a été fait des propositions des professeurs concernés. Entre les deux, en 2011, il y a eu la mascarade tragi-comique du ministre des Pensions Michel Daerden (PS) au Sénat : beuglant, il a parlé d’un » livre vert » pour les pensions qui déboucherait sur un » livre blanc « . Comme vous pouvez le voir sur YouTube, c’étaient littéralement des paroles d’ivrogne.
Il était donc grand temps que le gouvernement De Croo se penche sur ce dossier. L’accord de coalition stipule que « le gouvernement s’attachera à rapprocher les différents régimes – salariés, fonctionnaires, indépendants – tout en respectant les droits acquis. Il se donne aussi pour objectif de relever la pension minimale et les pensions les plus basses « . Notez les termes « s’attacher à » et « se donner pour objectif », il n’y a pas d’obligation de résultat. Il stipule également que la ministre des Pensions soumettra « une proposition concrète au Conseil des ministres d’ici le 1er septembre 2021 ».
Alors que la ministre des Pensions Karine Lalieux (PS) termine sa réforme des retraites, les tensions entre les partenaires de la coalition s’accentuent. La semaine dernière, Egbert Lachaert, président de l’Open VLD, a déclaré que les personnes qui bénéficient d’une pension minimale « doivent avoir travaillé effectivement pendant au moins 20 ans ». Le mot « effectivement » est important, car aujourd’hui, il faut avoir une carrière de 30 ans pour obtenir une pension, mais les « périodes assimilées » telles que la maladie, le chômage et le crédit-temps motivé comptent également. Et pour un salarié belge, environ un tiers de sa carrière est constitué de périodes assimilées. Le PS a qualifié la déclaration de Lachaert de « provocation » : « C’est une proposition injuste qui pénalise deux fois les gens pour des périodes de soins familiaux ou de chômage, qu’ils n’ont pas choisies », a déclaré le vice-premier ministre Pierre-Yves Dermagne. Il reste à voir comment le gouvernement va se sortir de cette situation.
En outre, il faudra voir ce qu’il adviendra de la pension complémentaire (le deuxième pilier de la pension) et de l’épargne-pension (le troisième pilier). Aujourd’hui, de nombreuses personnes se constituent une épargne pour plus tard, afin de compléter la pension légale (premier pilier), qui est insuffisante. La ministre Lalieux a déjà annoncé qu’elle voulait réduire les avantages fiscaux qui s’y appliquent. Cela signifie que l’épargne pour plus tard deviendra moins attrayante. Les jeunes comme Bachrouri seront heureux de l’entendre.
Le dossier des pensions n’est qu’un des dossiers délicats sur lesquels le gouvernement De Croo doit prendre des décisions de toute urgence. Il y a aussi la sortie du nucléaire, la réforme fiscale et le budget. Mais aucune question ne touche autant les jeunes et les moins jeunes que leurs pensions. Ce n’est pas parce que les gouvernements précédents ont été irresponsables par rapport à l’avenir de nos pensions que le gouvernement De Croo peut se permettre de faire de même. Au contraire.
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