Anne-Sophie Bailly
Penser après-demain (édito)
Il reste trois mois à la Belgique pour rendre la version définitive de son plan de relance à l’Europe. Ne ratons pas l’occasion. L’édito d’Anne-Sophie Bailly, rédactrice en chef du Vif.
La Belgique a remis un premier « brouillon » de son Plan de relance et de résilience aux instances européennes qui, contrairement à l’après-2008, lorsque l’austérité avait été choisie comme stratégie de sortie de crise, consacrent désormais le choix de la dépense et de l’investissement pour redonner des couleurs à l’économie du Vieux Continent. Avec un joli pactole à disposition de chaque Etat membre.
Alors, que trouve-t-on dans la version belge de ce plan? Des chiffres, évidemment. Comme 7,7 milliards d’euros, soit la facture totale du financement des projets sélectionnés, montant qu’il va falloir raboter pour arriver aux 5,925 milliards alloués par l’Europe à la Belgique. 89, le nombre de dossiers soumis à l’examen européen. 5, le nombre d’années au terme desquelles ces projets devront avoir abouti.
Les choix posés, aussi. Outre les prescrits européens (digitalisation de l’ économie, transition énergétique…), c’est l’ infrastructure qui recueille la part belle du plan de relance belge. 60% du budget total y sont consacrés. Avec un objectif: restaurer le pouvoir d’achat en actionnant le levier des offres d’emploi. Classique.
Cette première ébauche laisse également transparaître des questions sans réponse. Pourquoi les investissements en infrastructure sont-ils six fois plus importants que ceux consacrés à la recherche et à la formation? Quel sera l’effet multiplicateur des projets choisis sur les investissements privés?
Elle prouve aussi que certains écueils n’ ont pu être évités. Pour le secrétaire d’Etat à la Relance, Thomas Dermine, lier subsides et qualité des projets, peu importe leur provenance, était une évidence. Mais sa louable intention s’est muée en une clé de répartition à l’ancienne. Il n’ a pas davantage pu échapper à l’utilisation d’une partie des subsides européens pour financer des projets toujours hors budget – rénovation du palais de justice du Bruxelles ou financement du tram de Liège.
Il reste trois mois u0026#xE0; la Belgique pour rendre la version du0026#xE9;finitive de son plan de relance u0026#xE0; l’Europe. Ne ratons pas l’occasion.
On a, enfin, des occasions manquées. Comme parier sur la résilience ou la justice sociale. Augmenter le remboursement des soins mentaux, accentuer la lutte contre les inégalités, établir un test de résilience pour les entreprises afin de vérifier leur capacité à endurer un choc, lier aides ou réductions d’impôts à la baisse des coûts externes sur les finances publiques des opérateurs économiques… Des solutions out of the box émises par une douzaine de chercheurs et que Le Vif a choisi de mettre en lumière. Pour penser la reprise autrement.
Manquée aussi, l’occasion d’inclure dans ce plan les recommandations européennes, ô combien récurrentes et fondamentales pour l’avenir de la Belgique, sur l’efficacité des dépenses publiques, la nécessaire réforme du marché du travail ou celle du régime des pensions.
Il reste trois mois à la Belgique pour rendre sa copie définitive aux instances européennes. Pour que relance et résilience aillent vraiment de pair. Pour penser après-demain. Ne ratons pas l’occasion. Ne gâchons pas 5,925 milliards.
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