Claude Demelenne
Les socialistes bruxellois enverront-ils le PS en enfer ? (carte blanche)
A Bruxelles, le PS n’est plus que l’ombre de lui-même, estime l’essayiste Claude Demelenne. L’après Moureaux-Picqué-Onkelinx se vit mal. Pour retrouver des couleurs, une seule piste : remplacer le ministre-Président, Rudi Vervoort – usé par près d’une décennie au pouvoir – par Philippe Close, l’actuel bourgmestre de Bruxelles-Ville.
Le PS bruxellois est un grand malade. Le diagnostic ne date pas d’ aujourd’hui. Lors des élections régionales de mai 2019, les socialistes bruxellois ont perdu un peu plus de 20% de leur électorat, conservant de justesse leur place de premier parti dans la région de Bruxelles-Capitale. Le reflux est encore plus cruel au scrutin législatif, également en mai 2019 : dans la circonscription de Bruxelles-Capitale, le PS (20%) perd son leadership au profit d’Ecolo (21,6%).
Depuis le rendez-vous électoral de 2019, le PS plonge. A chaque sondage, il boit la tasse. Selon le dernier Grand Baromètre Ipsos-Le Soir-RTL-Het Laatste Nieuws-VTM, publié ce 26 mars, les socialistes ne pèsent plus que 15,1%, à Bruxelles. Ils dégringolent au rang de 4eme parti, devancés par Ecolo (20,3%), le MR (19,9%) et le PTB (16,4%).
Des lendemains qui déchantent
Si le PS bruxellois ne se ressaisit pas, les conséquences seront lourdes pour ce parti. En 2024, il perdra la ministre-présidence, au profit d’un libéral ou d’un écologiste. Même si le PS se maintient mieux en Wallonie, il se prépare, là aussi, des lendemains qui déchantent. Le MR de Georges-Louis Bouchez fera tout pour écarter son rival historique, fragilisé par une performance catastrophique à Bruxelles.
Un PS bruxellois à côté de ses pompes compliquera la tâche des socialistes wallons. A cause de la faiblesse de son aile bruxelloise, le PS de Paul Magnette risque de tout perdre. Les socialistes le savent mais à ce jour, ils n’ont toujours pas trouvé la parade. Le PS bruxellois continue à vivoter. Pas de leadership fort, aucun grand débat interne ou projet mobilisateur. Une ministre-présidence molle, ronronnante. Une ambiance de fin de règne. Rudi Vervoort est un honnête homme, un socialiste sincère, tout le contraire d’un cynique. Mais au PS, rares sont ceux qui estiment qu’il est toujours l’homme de la situation.
Pour remonter la pente à Bruxelles, le PS a besoin d’un souffle nouveau. Il est douteux qu’il réussisse dans sa mission sans porter à la tête du gouvernement régional, un socialiste offensif, soucieux de marquer de son empreinte la gestion régionale. Pas seulement un gestionnaire affable comme Vervoort dont la principale qualité consiste à arbitrer – l’homme possède de réels talents de diplomate – les bisbrouilles au sein de sa majorité, surtout avec les écologistes.
Les débats à la trappe
Si le PS bruxellois poursuit en traînant les pieds son petit bonhomme de chemin jusqu’aux élections de 2024, la note pourrait être salée. C’est pourtant ce chemin cool que le PS a suivi ces deux dernières années, avec les résultats que l’on connaît. Rudi Vervoort a évité le pire – une crise politique majeure et le chaos, à Bruxelles. Mais cela ne suffit pas pour redorer son blason.
Qui, dès lors, pour doper le socialisme bruxellois ? Sans doute pas le président de la Fédération bruxelloise, Ahmed Laaouej. Branché prioritairement sur les dossiers fédéraux, la fiscalité et l’économie en général, celui-ci n’a pas redynamisé le PS bruxellois. Depuis de longs mois, il promet l’organisation de vrais débats, mais les militants ne voient rien venir. Même la grande réflexion sur la laïcité, que Laaouej voulait mettre sur orbite sans tarder, semble tombée à la trappe.
La piste Close
Pas simple de trouver, parmi les faiseurs de voix du PS – Rachid Madrane, Jamal Ikazban, Catherine Moureaux, Caroline Désir… – une personnalité dont le profil colle avec la fonction de ministre-président. La piste la plus crédible mène à Philippe Close, l’actuel bourgmestre de Bruxelles-Ville. Populaire, proche de la base, Close est un social-démocrate ouvert au compromis. Il est clairement étiqueté ‘laïc’, mais n’est pas un « bouffeur de curé (ou d’imam »). Il fait partie d’une gauche que l’on appellera « sécuritaire », dans le bon sens du terme – la sécurité est le premier droit de l’homme et l’électorat populaire y est plus encore que tout autre, fermement attaché.
Philippe Close gère d’une main de fer, avec sa police, pas moins d’un millier de manifestations par an sur le territoire de sa ville. Généralement sans problème. Mais lorsque des extrémistes – ultras de droite ou de gauche, hooligans… – s’infiltrent dans les manifestations pour tout casser, l’actuel bourgmestre de Bruxelles-ville n’a pas d’état d’âme : il réprime. Pour la bonne cause, il en est convaincu. Parfois, la cause est moins bonne : Close n’a pas d’état d’âme non plus, quand il mène une peu glorieuse chasse aux travailleuses du sexe du quartier bruxellois de l’Alhambra. Pas vraiment une posture progressiste, mais ceux qui le connaissent bien affirment qu’il peut évoluer, quand on lui démontre qu’il a tort.
L ‘an dernier, quelques ‘camarades’ ont discrètement sondé Philippe Close. Avec un message simple : le bateau coule. Il faut un puncheur à la ministre-présidence. Serait-il prêt pour prendre le relais de Rudi Vervoort courant 2022 ? L’affaire ne s’est pas conclue. Elle pourrait revenir sur le tapis. Loin des micros, bon nombre de socialistes répètent en boucle que le PS bruxellois, dans sa configuration actuelle, est un boulet pour le PS tout entier. Une chose ne fait guère de doute : si le PS bruxellois ne se remet pas rapidement en ordre de marche, il risque d’envoyer le PS tout entier en enfer.
Claude Demelenne, essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche
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