Les dossiers chauds de la rentrée politique: migrations, des tensions mais pas de rupture
En pleine crise humanitaire, ce thème ultrasensible qui a fait chavirer la suédoise sera le baptême du feu de Sammy Mahdi au sein de la Vivaldi.
Melchior Wathelet Jr (CDH), l’un des prédécesseurs de Sammy Mahdi à l’Asile et la Migration (CD&V), l’avait mis en garde: « Au début, tu vas être testé. Si tu te montres trop ouvert, tu seras vite débordé. » D’où sa fermeté à l’égard des 475 sans-papiers occupant l’église du Béguinage et des espaces de l’ULB et de la VUB, à Bruxelles, jusqu’à la grève de la faim. Le jeune secrétaire d’Etat s’en est tenu à l’accord de gouvernement de la coalition Vivaldi qui ne prévoit pas de régularisation collective ni de critères de régularisation, lesquels ouvriraient ipso facto une nouvelle filière légale d’immigration. Sa détermination et le soutien du Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), ainsi que l’intervention d’un médiateur, le directeur du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), ont évité de justesse un malheur. « La grève de la faim n’aurait pas duré aussi longtemps (NDLR: jusqu’au 21 juillet) si le gouvernement avait parlé d’une seule voix », a balancé Sammy Mahdi, dans Knack, visant implicitement le PS et Ecolo qui avaient mis leur démission dans la balance en cas d’issue fatale. Les verts suggéraient depuis des semaines, disent-ils, l’ envoi d’un médiateur.
Nouvel incident en juin, quand le secrétaire d’Etat veut remettre sur le tapis les visites domiciliaires destinées à renvoyer plus facilement les personnes en séjour illégal et les demandeurs d’asile en fin de procédure. Alexander De Croo a ramené le calme dans ses troupes, mais sans trancher sur le fond. De fait, jusqu’à présent, le gouvernement a réussi à éviter le clash sur un sujet sensible – la migration – qui avait provoqué la chute de son prédécesseur, à la suite de la ratification du Pacte de Marrakech dont la N-VA ne voulait pas.
L’Europe, forteresse ou passoire?
L’instauration d’un régime islamiste à Kaboul et l’exode continu des Afghans fait craindre à l’Europe un remake de la crise de 2015-2016, pendant la guerre de Syrie. Un million de personnes avaient alors été propulsées dans l’espace Schengen, dont 890 000 en Allemagne, provoquant une hausse de l’extrême droite dans plusieurs pays, des tendances séparatistes (Brexit), ou charriant quelques faux réfugiés missionnés par l’Etat islamique pour commettre des attentats. L’essai choc de 2018, La Grande Migration et l’Europe, de Raffaele Simone (Gallimard, 2018), qui analysait l’impact sociétal de ces événements vient justement de paraître en français, d’une troublante actualité.
Face à une opinion publique réticente, l’Union européenne ne dispose pas d’une politique d’asile commune, ce qui fait peser l’accueil des migrants sur les pays frontaliers, Italie, Grèce, Espagne et, maintenant, Lituanie et Lettonie. La proposition de la Commission d’une répartition plus équilibrée et de retours sponsorisés reste lettre morte. L’Union poursuit donc sa politique d’accords migratoires dûment financés, hier avec la Turquie et la Libye, demain avec le Pakistan et l’Iran, pour retenir un maximum de migrants dans leur aire de voisinage. Les déplacements ont déjà commencé. Entre janvier et juillet de cette année, 2 093 ressortissants afghans sont entrés illégalement dans l’Union européenne (UE) via la route des Balkans occidentaux (+ 79%). Entre janvier et mai dernier, ils représentaient le tiers des 11 500 migrants interceptés par l’agence européenne Frontex aux frontières sud-est de l’UE. Depuis trois ans, ils figurent dans le top 3 des demandeurs d’asile en Belgique. Les 23 centres d’accueil gérés par la Croix-Rouge (francophone) hébergent actuellement 5 862 personnes, parmi lesquelles 1 088 personnes de nationalité afghane (18%).
La réputation de fermeté de Sammy Mahdi, acquise dans le dossier des sans-papiers, ne risque pas de pâtir de la séquence humanitaire à laquelle il participe.
Face à cette nouvelle crise humanitaire et migratoire, les membres de la coalition serrent les rangs. Le Premier ministre a annoncé que la Belgique prendrait sa part de l’évacuation et de l’accueil des Afghans en danger. Des centaines de personnes ont déjà été rapatriées: des Belges, des membres afghans de familles belges, des représentants d’ONG de défense des droits humains, des interprètes ayant servi l’armée belge… Un screening de sécurité est opéré à plusieurs niveaux. Les étrangers pourront, soit demander le regroupement familial, soit l’asile. La Croix-Rouge de Belgique et la Rode Kruis ont activé 220 places d’accueil: 160 en Wallonie, 60 en Flandre.
Le 5 août, Sammy Mahdi insistait pour renvoyer chez eux des Afghans en séjour illégal ou déboutés du droit d’asile. Avec ses cinq homologues allemand, néerlandais, autrichien, danois et grec, il écrivait à la Commission européenne pour qu’elle demande à l’Etat afghan de reprendre ses ressortissants, bien que celui-ci ait décrété une suspension temporaire des réadmissions. L’indignation du PS et des associations de défense des étrangers est devenue sans objet après la prise de Kaboul, le 15 août. La réputation de fermeté de Sammy Mahdi, acquise dans le dossier des sans-papiers, ne risque pas de pâtir de la séquence humanitaire à laquelle il participe, même si ses partenaires de gauche tiennent à l’oeil ce jeune chien pas si fou que ça.
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