Les dossiers chauds de la rentrée politique: l’explosif clivage sur la sortie du nucléaire
Dans moins de trois mois, la Belgique devra décider de prolonger ou non deux de ses sept réacteurs nucléaires au-delà de 2025, à supposer qu’il en soit encore temps. Débats houleux en vue, singulièrement entre libéraux et écologistes francophones.
La Commission européenne a annoncé ce jeudi 27 août son feu vert au mécanisme de rémunération de capacité (CRM) que la Belgique compte mettre en place pour réaliser la sortie du nucléaire. L’exécutif européen avait entamé une enquête approfondie sur ce nouveau système, craignant des entorses aux règles européennes sur les aides d’Etat pour la protection de l’environnement et l’énergie. Après plusieurs mois d’enquête, la Commission conclut que le « CRM » reste bien dans les clous. Une nouvelle qui réjouit la ministre de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen), qui a défendu avec ardeur ces dernières années le développement du renouvelable et une sortie rapide et complète du nucléaire.
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L’ heure du verdict va sonner. Dix-huit ans après sa première loi fixant la sortie progressive de l’utilisation d’énergie nucléaire pour produire de l’électricité, la Belgique est dos au mur. Dans son accord de gouvernement, la coalition Vivaldi s’était engagée à respecter le calendrier légal de fermeture d’au moins cinq des sept réacteurs des centrales de Doel et de Tihange, entre octobre 2022 et décembre 2025. L’ultime (et tardive) inconnue porte sur la prolongation éventuelle des deux réacteurs les moins anciens, Tihange 3 et Doel 4. Tout dépendra des conclusions d’un rapport prévu pour novembre prochain, qui doit identifier les risques potentiels en matière de sécurité d’approvisionnement ou de hausse démesurée des prix de l’électricité. La sortie du nucléaire sera en effet compensée par un mécanisme de rémunération des capacités (CRM). Celui-ci vise à soutenir des unités de production alternatives, essentiellement des centrales au gaz, pour pallier les 3,6 GWh qu’il manquera annuellement à la Belgique après l’arrêt de ses centrales nucléaires.
Fin 2020, Engie avait indiqué que la décision de prolonger Tihange 3 et Doel 4 ne serait plus faisable si elle n’était prise qu’en novembre 2021. Par ailleurs, en juillet dernier, la Province du Brabant flamand a refusé d’octroyer le permis pour la construction d’une nouvelle centrale au gaz à Vilvorde. Les débats s’annoncent donc particulièrement houleux si le rapport de novembre épingle des problèmes. Mais ils le seront dans tous les cas entre libéraux et écologistes francophones. « Le calendrier fait que ce sera un dossier chaud, puisqu’une décision doit désormais être prise, confirme Jean-Benoit Pilet, professeur de sciences politiques à l’ULB. Ecolo et Groen espèrent une solution claire pour la sortie du nucléaire, avec le maintien de capacités alternatives suffisantes. A l’inverse, d’autres formations font le pari que les offres soumises dans le cadre du CRM ne permettront pas de rencontrer les besoins futurs. »
Un clivage francophone
C’est le cas du MR, dont la position sur le sujet a changé depuis les élections de mai 2019. A l’époque, la création de « centrales au gaz pour préparer la sortie du nucléaire en 2025 » figurait bien parmi ses propositions de campagne. Mais c’était avant que Georges-Louis Bouchez n’en devienne le président, fin 2019. « Par rapport à la question environnementale, le MR défend une ligne que l’on peut qualifier de protechnologies, poursuit Jean-Benoit Pilet. En Belgique, c’est la N-VA qui l’avait adoptée pour la première fois. Elle consiste à dire qu’il faut certes lutter contre le changement climatique, mais en essayant que cela ait le moins de poids sur l’économie et sur nos comportements, grâce aux technologies bas carbone dont le nucléaire fait partie. Le MR assume pleinement ce changement de ligne. C’est surtout dû au fait que ses fers de lance, sur ce dossier, ne sont plus les mêmes. Lors de la campagne de 2019, on entendait peu Georges-Louis Bouchez sur cette question. Et David Clarinval, lui, plaide depuis longtemps pour la construction de nouvelles centrales nucléaires. Chez les libéraux, le débat est donc mené par des personnes bien plus en faveur du nucléaire qu’en 2019. »
Pourquoi cet affrontement essentiellement francophone? « Le CD&V et l’Open VLD optent pour une autre stratégie, complète le professeur de l’ULB. Face à un enjeu qui profitera plutôt à un autre parti et qu’il est difficile de lui voler, ils jugent préférables de ne pas en parler. » Dans l’opposition à la Chambre mais dans la majorité en Région flamande, la N-VA, elle, maintient sa ligne pronucléaire. « Abolissons la sortie du nucléaire et concentrons-nous pleinement sur une politique énergétique durable, fiable et abordable avec l’énergie nucléaire », tweetait encore son président, Bart De Wever, en juillet dernier.
La flambée actuelle des prix de l’électricité et du gaz pourrait attiser d’autant plus les braises du dossier de la sortie du nucléaire. Indispensable pour les uns, prématurée ou contreproductive pour les autres, alors que la Belgique s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55% pour 2030, elle constituera l’un des principaux clivages de la rentrée politique.
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