Les communes de Verviers et d’Anderlues, ingérables?
Procédure disciplinaire engagée à Anderlues, temporisation à Verviers. Le PS aux prises avec des élus rebelles qui paralysent la gestion de leur commune.
Adeux extrémités de la Wallonie, Verviers (55 000 habitants) et Anderlues (12 000) causent bien du souci à la direction du PS, où le conseiller spécial du président Paul Magnette, Laurent Pham, fait office de secrétaire général en lien avec les fédérations. Directeur des ressources humaines, en somme. Il n’a pas souhaité s’exprimer directement, mais le porte-parole du PS national a fait brièvement le point pour Le Vif sur ces deux crises municipales (lire l’encadré ci-dessous). Le PS a explosé sur fond de conflits de personnes, rendant les deux communes pratiquement ingouvernables.
Le disciplinaire pour Anderlues
Le porte-parole du PS a répondu aux questions du Vif. « Verviers: il n’y aura pas d’expression du PS national dans l’immédiat. La tutelle a été levée. Les acteurs locaux du PS bénéficient de la pleine confiance du parti. Ces derniers font régulièrement rapport de l’évolution des discussions. Chacun sait que l’exercice est difficile. Le PS ne doute pas qu’une solution sera trouvée dans les meilleurs délais, dans l’intérêt des Verviétois. Il y a d’ailleurs un accord du collège sur le projet de budget 2021, ce qui témoigne de la bonne volonté des élus socialistes. En ce qui concerne Anderlues, la Commission nationale de vigilance a été saisie. Agissant de façon indépendante, ce sera donc à elle de statuer. »
La plus petite d’abord. En octobre dernier, le député fédéral Philippe Tison a renoncé au poste de bourgmestre d’ Anderlues qu’il occupait depuis quinze ans, lâché par quatre des 14 membres du PS local, dont deux échevins privés ensuite de leurs attributions. Il a été remplacé par Virginie Gonzalez, sa compagne à la ville. Logique au regard du Code wallon de la démocratie locale: l’ex-députée wallonne et présidente de la fédération du PS de Thuin a fait le 2e score de la liste PS aux élections communales de 2018. De son côté, l’opposition AJC (neuf membres) a formé une alliance inédite avec les socialistes dissidents et, début 2020, retiré au collège la délégation de signature. Conséquence: toute décision, de la plus grande à la plus petite, doit être prise en séance publique par le conseil communal. « Lors du dernier conseil, le budget n’a été voté que pour l’ordinaire, confie une source locale. Des fonds Feder risquent de nous échapper. Le chaos est total. Des plaintes pour harcèlement ont été déposées. » La situation est tellement critique que, lors du prochain conseil communal, l’opposition proposera une motion demandant un retour aux urnes. L’idée a toutefois peu de chance d’aboutir.
Les plaques tectoniques pourraient lentement bouger pour décider de ne pas bouger.
La bourgmestre avait lancé des appels au secours, tant en direction du PS national que du ministre wallon des Pouvoirs locaux, Christophe Collignon (PS). D’après le cabinet de celui-ci, « dans le contexte actuel, l’envoi d’un commissaire spécial du gouvernement n’est pas à l’ordre du jour ». En revanche, le PS a décidé de mettre les mains dans le cambouis pour départager les socialistes locaux. Son instance disciplinaire, la Commission nationale de vigilance, a été saisie.
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Malik Ben Achour ou Muriel Targnion
La situation à Verviers est également très compliquée. Bloqué depuis novembre dernier par le PS qui exigeait au préalable la mise sur pied d’une « majorité stable », le budget 2021 vient enfin d’être adopté par le collège communal. Il doit encore être voté au conseil communal du 23 mars. L’amorce d’un apaisement? Huit mois de blocage autour de la personne de Hasan Aydin (PS), 2e score en voix de préférence aux élections communales de 2018 (2 400 voix), juste après Muriel Targnion (3 000 voix), n’ont pas encore trouvé leur épilogue, mais le vote du budget est interprété positivement. La bourgmestre exclue du PS est toujours en place. Petit rappel. Après avoir cru assurer ses arrières en s’adressant au secrétaire général du PS, Jacques Braggaar, Muriel Targnion avait tenté, en juin 2020, de bouter Aydin de la présidence du CPAS, avec l’appui quasi unanime de sa majorité. Puis, dans un second temps, contre l’avis formel du PS, inquiet des retombées électorales de cette manoeuvre, elle avait tenté d’élargir sa majorité au CDH, les défections se multipliant dans son camp. D’où son exclusion, puis sa remise en selle par le Conseil d’Etat statuant en extrême urgence, le 9 octobre dernier. La décision sur le fond est toujours attendue.
La logique électorale aurait voulu que Hasan Aydin lui succède à la tête de Verviers, mais il est vite apparu que ce dernier ne faisait pas l’unanimité dans son propre parti et que ce doute était partagé par le MR et Nouveau Verviers, plus enclins à céder aux avances du député fédéral Malik Ben Achour, 3e score socialiste aux dernières élections communales. Aujourd’hui, sur les dix élus socialistes, quatre seraient fidèles à Hasan Aydin, soutenu activement par Ecolo qui appelle à respecter « le choix des électeurs ». Un suppléant doit encore se positionner. Trois conseillers proches de l’appareil sont pour Ben Achour. Le compte n’y est pas.
Sous les radars
Pour ajouter à la complexité, le PS et le MR se seraient entendus au niveau provincial pour le faire gagner contre Hasan Aydin. Pierre-Yves Jeholet, probable successeur de Daniel Bacquelaine à la tête de la coupole provinciale du MR et président du MR de l’arrondissement de Verviers, a participé à une réunion d’élus verviétois le samedi 6 mars au petit matin pour faire passer le message.
Tous derrière Malik? Le revers du 9 octobre dernier devant le Conseil d’Etat a nui à l’image de la politique et des partis. Le personnel politique est conscient que s’il recourt de nouveau à la technique hasardeuse de la motion mixte pour éliminer le prétendant naturel au maïorat, cela risque d’irriter encore plus l’opinion publique. Quant à Hasan Aydin, il a promis de ne pas se laisser faire.
Les guerres picrocholines d’ Anderlues peuvent passer sous le radar, celles de Verviers, non. Les plaques tectoniques pourraient lentement bouger pour décider de ne pas bouger. Muriel Targnion et Hasan Aydin resteraient dans la même barque jusqu’en 2024. C’est l’une des solutions sérieusement envisagées au PS, mais pas la seule.
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