Verviers: victoire pour Muriel Targnion au Conseil d’Etat
Dès demain, la bourgmestre exclue du PS, Muriel Targnion, et l’échevin Alexandre Loffet retrouvent leur place au collège communal de Verviers. Une défaite pour le PS canal historique emmené par Malik Ben Achour.
Chacun retenait son souffle, à Verviers, jusqu’à ce que tombe, ce midi 9 octobre, la décision du Conseil d’État, saisi en extrême urgence par l’ancienne bourgmestre, Muriel Targion, exclue du PS au terme d’une procédure de la commission de déontologie que d’aucuns ont qualifiée de stalinienne. Son ancien échevin, Alexandre Loffet, était privé, lui, de tout mandat interne pendant deux ans (il avait suspendu de lui-même son affiliation au PS). Les deux parias ont donc gagné face au chef de file des socialistes canal historique, Malik Ben Achour, conseiller communal verviétois et député fédéral, que tous les témoins ont dit être à la manoeuvre, investi de la confiance du président du PS, Paul Magnette. Cette victoire est cependant provisoire. Le Conseil d’État a seulement suspendu la motion mixte constructive qui, le 21 septembre dernier, a installé Jean-François Istasse (PS) comme bourgmestre et promu une majorité PS-MR-Nouveau Verviers élargie au CDH. Le tribunal administratif doit encore se prononcer sur le fond et annuler la délibération du 21 septembre, en tout ou en partie.
Le Conseil d’État a jugé l’extrême urgence établie. « En introduisant la demande de suspension d’extrême urgence moins de dix jours après la notification de l’acte attaqué, les requérants ont fait preuve de la diligence requise. En ce qui concerne l’imminence du péril, il ressort des articles de presse déposés par les requérants que la situation politique au sein de la commune de Verviers est extrêmement tendue. Même s’il a déjà été porté atteinte à la réputation des requérants avant l’adoption de l’acte attaqué, la motivation de ce dernier qui juge la première requérante inapte à exercer la fonction de bourgmestre ainsi que son dispositif qui prive les deux requérants de leur place au collège communal a des conséquences d’une gravité plus importante sur leur situation personnelle et sur leur réputation. Une contestation portant sur les personnes devant exercer les fonctions de bourgmestre et d’échevins au sein du collège communal est de nature à perturber le bon fonctionnement de la commune au détriment de ses habitants et justifie que la demande de suspension puisse être examinée selon la procédure d’extrême urgence. »
Le moyen présenté par Jean Bourtembourg, l’avocat de Muriel Targnion et d’Alexandre Loffet, a été jugé comme sérieux. « À la différence de la motion individuelle concernant Hasan Aydin (NDLR : président du CPAS), la motion individuelle dirigée contre Sophie Lambert (NDLR : échevine) n’indique pas expressément qu’elle vise la fonction de bourgmestre et sa motivation formelle ne le précise pas non plus. Une telle motion ne peut, par conséquent, être considérée comme « dirigée contre le bourgmestre » au sens de l’article L1123-14, § 2, du CwaDEL(NDLR : Code de la démocratie locale et de la décentralisation). Il en résulte, d’une part, que Sophie Lambert ne peut être assimilée à un « bourgmestre contre qui une motion de méfiance vient d’être votée », et, d’autre part, que la désignation d’un bourgmestre élu sur la même liste avec moins de voix (NDLR : Jean François Isatesse, 7e score de la liste PS aux communales de 2018 ) ne peut s’interpréter, dans son chef, que comme une renonciation à exercer ladite fonction. Il en découle que l’interdiction prévue par l’article L1123-4, § 3, du CwaDEL est ainsi d’application. En désignant cette personne comme quatrième échevine, l’acte attaqué méconnaît cette disposition. »
L’arrêt du Conseil d’État est important car il met fin aux velléités de détricoter le Code de la démocratie locale et de la décentralisation qui avait été adopté au début des années 2000 par le Parlement wallon pour rapprocher la politique du citoyen. Il contient, en effet, un mécanisme qui pénalise (exclut du conseil communal) l’élu qui, bien qu’ayant été placé dans les trois premières places d’une liste aux élections communales, se dérobe à sa responsabilité d’éventuel bourgmestre. A Verviers, l’éviction de Muriel Targnion était légale, puisqu’une majorité était d’accord pour qu’elle s’en aille. Mais il aurait alors fallu désigner Hasan Aydin bourgmestre, deuxième sur la liste et deuxième score en voix de préférence, ou, à défaut, l’échevine Sophie Lambert, troisième sur la liste, sous peine que ceux-ci doivent quitter le conseil communal. C’est pour leur éviter ce sort et conserver leurs précieuses voix que le PS a opté pour Jean-François Istasse bourgmestre, en tordant le coup à l’esprit et, le voilà maintenant démontré, à la lettre du CDLD.
Pour mémoire, à la fin du mois de juin, 20 des 23 membres de la coalition au pouvoir à Verviers avaient signé le bon de sortie du président du CPAS pour des faits présumés de non-respect de règles budgétaires et autres, dont l’élémentaire courtoisie. Le boulevard de l’Empereur avait stoppé net le processus en mettant l’union socialiste communale et la fédération de Verviers sous tutelle. La crainte de perdre l’électorat turc de Charleroi et de Bruxelles ? Il y avait eu une forte mobilisation des communautés, et même une manifestation en faveur de Hasan Aydin, dont l’éviction programmée était perçue comme « anti-musulmans ».
Retour, donc, à la case départ. C’est-à-dire la solution soufflée à Muriel Targnion par deux barons régionaux du PS, Marc Goblet et Yvan Ylieff, juste avant le passage de celle-ci devant la commission de déontologie du PS : enterrer la hache de guerre, se remettre au travail. Il se dit que certains, dans la majorité, se contenteraient de ce statu quo ante, tant est grand l’écoeurement qu’ils perçoivent dans la population et qu’eux-même éprouvent peut-être. Même au sein du PS verviétois, l’ambiance n’est pas glorieuse. Les initiateurs du montage suspendu n’auraient pas informé complètement leurs camarades de parti et partenaires de majorité des réticences que contenait l’avis rendu préalablement par l’avocat Eric Lemmens, dont ils ont appris l’existence par la RTBF. L’absence de confiance réciproque ne va pas aider à reconstruire une majorité en attendant que le Conseil d’État se prononce sur le fond. Il reste quatre ans pour tirer cette « grande ville » du trou.