Jürgen Conings toujours introuvable: « Toutes les pistes restent envisagées », selon le parquet

Caroline Lallemand Journaliste

Une semaine après sa fuite, Jürgen Conings, le militaire en cavale fiché par l’OCAM qui a menacé de s’en prendre aux structures de l’État et à plusieurs personnalités, dont le virologue Marc Van Ranst, demeure introuvable. Le point sur la situation.

Après une semaine de recherches intenses, notamment dans le parc national de Haute Campine qui ont été stoppées ce week-end, les autorités n’ont pas encore retrouvé la trace du militaire Jürgen Conings. Ce dernier est poursuivi pour « tentative d’assassinat dans un contexte terroriste ». Retour sur les derniers jours de cavale et sur les différentes hypothèses avancées.

Le fugitif qui s’est évanoui dans la nature.Il n’a plus été vu depuis lundi matin, lorsqu’il a quitté son domicile situé à Dilsen-Stokkem et s’est rendu au travail, selon un avis de recherche diffusé par la police fédérale. Après que sa compagne a découvert lundi une lettre pouvant ressembler à un message d’adieu, l’armée s’est ensuite aperçue de la disparation d’armes, y compris de gros calibre. L’Ocam a fixé le niveau de menace concernant l’individu à 4, tout en le maintenant à 2 en général. L’homme est fiché comme « extrémiste potentiellement violent ». Il est également recherché à l’international.

Un important déploiement policier a eu lieu ce dimanche soir à la gare de Bruxelles-Nord aux alentours de 20h, rapportent RTL. Un témoin aurait cru avoir aperçu Jürgen Conings. La gare a également été brièvement évacuée. Finalement, après enquête, aucune trace du fugitif n’a été trouvée, a indiqué la police fédérale. Le trafic ferroviaire a finalement pu reprendre normalement un peu plus tard dans la soirée.

Le procureur fédéral a appelé Jürgen Conings à contacter quelqu’un en qui il a confiance. Frédéric Van Leeuw a fait cet appel pendant les journaux télévisés de la VRT et de VTM. Frédéric Van Leeuw a aussi demandé à la population à rester sereine. Il souligne qu’il n’y a pas eu de victime dans les recherches ces derniers jours et que la sécurité de tous, « y compris de celle de Jurgen Connings » était assurée.

Toutes les pistes restent ouvertes

Les enquêtes relatives à Jürgen Conings se poursuivent et sont élargies après les recherches infructueuses menées dans le parc naturel de Haute Campine (Hoge Kempen) dans le Limbourg, a indiqué dimanche la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden, interrogée sur le plateau de VTM. « Il n’y a pas de raison de paniquer », a-t-elle ajouté. La ministre s’est montrée discrète en raison du secret de l’instruction à propos des perquisitions qui ont été menées en lien avec cette affaire. Elle a toutefois reconnu que les lettres d’adieu laissées par le militaire en fuite montraient qu’il s’était bien préparé, tout en se montrant prudente sur l’interprétation de telles lettres.

Dans l’enquête pour retrouver le soldat radicalisé d’extrême droite Jürgen Conings, « toutes les pistes restent ouvertes et envisagées« , a indiqué lundi la porte-parole du parquet fédéral Wenke Roggen.

La police reçoit chaque jour des dizaines d’informations, qu’elle prend très au sérieux. L’appel sans précédent lancé dimanche soir par le procureur fédéral au fugitif n’a donné lieu à aucune réaction à ce stade. Le parquet tient par ailleurs à démentir certaines fausses informations apparues sur les réseaux sociaux. « Des rumeurs affirment que les armes découvertes dans le véhicule de Jürgen Conings étaient factices. Ces affirmations sont fausses », a précisé la porte-parole du parquet. « La voiture contenait bien des armes légères antichars. Et je répète qu’en Belgique, il n’y a pas de ‘permis de tuer. La police interviendra de manière adéquate et réagira en cas de légitime défense », a-t-elle ajouté.

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Les marches de soutien au militaire se multiplient

La ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden s’est également dit « totalement surprise » par les marques de soutien exprimées au militaire aux sympathies d’extrême-droite affichées et qui avait pour projet de s’en prendre à des virologues ou, selon certaines informations, à une mosquée. Des pages Facebook ont en effet fleuri ces derniers jours rassemblant des milliers de personnes qui soutiennent le militaire. Aux yeux de la ministre de l’Intérieur, il faut s’interroger sur les motifs des frustrations qui s’expriment mais également suivre de près les personnes à l’origine de ces manifestations de soutien car la liberté d’expression a des limites, a-t-elle souligné.

Une marche de soutien à Jürgen Conings a notamment été organisée ce dimanche à Maasmechelen. Quelque 200 personnes y ont participé. Tout comme la veille, la manifestation s’est déroulée dans le calme. Quelques participants arboraient le logo de la Légion flamande, une unité composée de volontaires qui s’étaient engagés aux côtés des Allemands durant la 2e guerre mondiale.

Une centaine de personnes participent ce lundi à la troisième marche de soutien au militaire en fuite, Jürgen Conings, à Maasmechelen. Le groupe est parti vers 14h15 en direction du Parc national de Haute Campine, où les recherches pour retrouver le fugitif sont désormais terminées.

Pas de dégâts trop importants dans la réserve naturelle

Les recherches intensives se sont principalement focalisées dans le parc de la Haute Campine, qui a été fermé aux visiteurs. De nombreux véhicules de l’armée ont traversé la réserve naturelle (Hoge Kempen), ce qui peut faire croire à des dégâts dans cet endrot d’habitude préservé. L’Agence pour la nature et les forêts a annoncé que les dégâts dans le parc ne semblent pas trop importants.  » L’impact de l’opération en termes de perturbation des oiseaux nicheurs est impossible à estimer pour le moment », a, par ailleurs, déclaré Jeroen Denaeghel, porte-parole de l’ANB. Sur certains chemins, les traces de pneus sont clairement visibles, mais selon Denaeghel, les véhicules n’ont pas laissé de traces lourdes. Dimanche, la réserve était de nouveau accessible aux randonneurs et cyclistes.

Il n’y a pas de  » permission de tuer  » pour Jürgen Conings, a également souligné la ministre Verlinden, faisant référence à certaines déclarations dans les médias et sur les réseaux sociaux. « Une ‘permission de tuer’ en cas de confrontation n’existe pas dans notre système, c’est quelque chose qui existe seulement dans les films », a-t-elle déclaré. « Mais la police agira de manière appropriée dans ce cas et répondra en état de légitime défense« .

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Onze militaires écartés

Onze militaires suivis par les services de renseignement en raison de leurs opinions radicales et de leurs accointances avec l’extrême-droite ont été écartés des dépôts d’armes et n’ont plus accès à des lieux et des informations sensibles, a indiqué dimanche la ministre de la Défense, Ludivine Dedonder, sur le plateau de « C’est pas tous les jours dimanche » (RTL-TVi).

A la suite de l’affaire Jürgen Conings, la ministre a demandé au Chef de la Défense (CHOD), Michel Hofman, de prendre des mesures immédiates à l’encontre des militaires qui sont suivis par le Service Général du Renseignement et de la Sécurité (SGRS – renseignement militaire). Samedi soir, l’amiral a confirmé à la ministre que ces mesures avaient été prises.

Le parc National de Haute Campine rouvert au public

Les fouilles infructueuses dans le parc de Haute Campine ont été abandonnées. La police et la protection civile ont commencé à quitter progressivement ce week-end les abords du parc national de Haute Campine où s’étaient focalisées les recherches du militaire ces derniers jours. Jos Lantmeeters, le gouverneur du Limbourg, a décidé de rouvrir le parc national. « Les recherches intensives dans le parc sont terminées », a-t-il annoncé.

Dimanche matin, les forces de l’ordre étaient toutefois encore présentes en nombre dans les rues de Eisden et Maasmechelen. Des policiers lourdement armés étaient également présents aux abords de la mosquée, potentielle cible du militaire en cavale. « La surveillance policière se poursuit pour le moment de même que les recherches mais de manière moins visible. Je peux garantir que les enquêteurs travaillent dur », ajoute le gouverneur Lantmeeters.

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Quatre hypothèses classées de la moins probable à la plus probable

L’expert en sécurité Claude Moniquet, tente d’élaborer quatre hypothèses.

1ère hypothèse : Cunings s’est suicidé ou va se suicider. « C’est évidemment possible mais peu probable: cela ne cadre ni avec les caractéristiques mentales que l’on peut déduire de sa formation ni avec la préparation du passage à l’acte (accumulation des armes, etc). Toutefois si l’importance du déploiement de forces qui le traquent rendait sa « mission » impossible ou s’il était cerné et dans l’incapacité de s’échapper, cette possibilité deviendrait très réelle, mais il est alors probable qu’il choisirait la solution du « suicide par policier » (« suicide by cop », voir hypothèse numéro 3) . »

2ème hypothèse : Il est déjà passé à l’étranger. « C’est peu probable: son ancrage est en Belgique, de même que les cibles qu’il semble vouloir atteindre. A prendre en compte toutefois si l’étranger est une solution de repli de courte durée avant de revenir pour passer à l’action. »

3ème hypothèse: Il est effectivement retranché dans sa région et y attend les forces de l’ordre en vue d’un « baroud final » qui équivaudrait, pour lui, à un « suicide par cop ». « L’ hypothèse est crédible. »

Lire aussi Jürgen Conings, un sniper potentiellement dangereux: profilage et hypothèses

4ème hypothèse : Il est resté dans la région ou non et s’apprête à passer à l’acte contre une cible choisie. Comme Marc Van Ranst, placé sous protection, n’est plus une option, il pourrait se replier sur une cible « symbolique » (politique ou autre, depuis la scène belge à l’Union européenne, honnie par l’ultra droite) ou « naturelle » (pour les extrémistes de droite) : communauté musulmane communauté juive, milieux « alternatifs », etc. Il aurait, alors, laissé sur place des indices pour « fixer » ses poursuivants afin que les recherches se focalisent sur la région, lui donnant toute latitude de se déplacer.

Dans l’intérêt de l’enquête et de la protection de la sécurité publique, c’est cette hypothèse qu’il convient, jusqu’à preuve du contraire, de privilégier.

Reste deux éléments à peser, ajoute l’analyste: activement recherché dans un pays densément peuplé, sa photo et son signalement ayant été largement diffusés, Cunings sait qu’il doit agir vite ou, au contraire, trouver un point de repli et y attendre que la tempête se calme avant d’en sortir pour frapper.

Mais cette dernière possibilité impliquerait presque certainement qu’il ait un complice capable de l’héberger (et donc partageant ses idées), il aurait ainsi, symboliquement formé ou reformé le « binôme » avec le spotter qui est peu sa famille à lui. Dans ce cas, il ne peut s’agir, vu les caractéristiques qui ressortent de son profilage, que d’une personne dans laquelle sa confiance est absolue, ce qui réduit le champ des investigations.

Olivier Mouton

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