La Belgique ne remplit pas toutes les conditions de l’OMS pour sortir du confinement
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) impose six conditions aux pays qui envisagent un assouplissement de leur politique de confinement. A la veille d’une première phase de déconfinement ce 4 mai, comment notre pays se situe-t-il à l’échelle de l’OMS ? Le journal De Morgen a fait le point.
1. La propagation du virus doit être maîtrisée
Le nombre d’admissions à l’hôpital continue de diminuer, mais il est encore trop élevé. Selon le virologiste Marc Van Ranst (KU Leuven), il devrait être entre 50 et 100 pour pouvoir envisager sereinement un déconfinement. Ce mercredi, 174 nouvelles admissions ont été dénombrées. Le nombre de lits occupés en soins intensifs par des patients atteints du Covid 19 devrait également diminuer pour atteindre environ 450 d’ici le 4 mai, contre 797 hier. Le nombre d’infections signalées est également en baisse.
A la lecture de ces chiffres, on pourrait penser que la propagation du virus est sous contrôle, alors que ce n’est pas le cas. « Le taux de reproduction est maintenant inférieur à un, ce qui est une bonne chose, mais le maintenir ainsi est un défi« , déclare l’épidémiologiste Pierre Van Damme (UAntwerp) dans De Morgen.
« Aujourd’hui, nous ne remplissons pas la première condition« , déclare la virologue et épidémiologiste Anne-Mieke Vandamme (KU Leuven). « Cela signifierait que toute personne infectée sait d’où vient l’infection afin d’être capable d’en arrêter la propagation. Cela n’est pas possible pour l’instant car le groupe de personnes infectées est encore trop important pour être contrôlé. Beaucoup d’entre elles n’ont même pas été testées ».
2. Il faut tester, localiser, isoler
Pour maintenir ce seuil minimum de propagation du virus après le déconfinement, il est essentiel de remplir la deuxième condition émise par l’OMS : tester, tracer et isoler.
C’est d’autant plus important que selon certaines études, jusqu’à 80 % des personnes infectées ne présentent aucun symptôme ou seulement des symptômes légers. A l’heure actuelle, on estime que 4 à 5% de la population a été contaminée par le Covid-19 et serait donc immunisée.
La capacité de tests doit être augmentée en Belgique. Elle sera portée à 25 000 par jour d’ici le 4 mai, puis à 45 000, a annoncé le Conseil national de sécurité. Pour le moment, 15 000 tests sont réalisés par jour, y compris des personnes qui ont été testées automatiquement parce qu’elles travaillent dans un hôpital, par exemple, explique De Morgen.
Ces 25 000 ou 45 000 par jour, suffirait-il ? En période où il n’y a ni rhume, ni grippe, cela devrait être suffisant estime le virologue Marc Van Ranst. « Mais pas quand ces maladies reviennent et que vous voulez tester tous ceux qui signalent des symptômes légers. »
Des « détecteurs corona » ou « contact tracers » devraient aussi entrer dans la danse. La Belgique va recruter 2000 enquêteurs chargés d’identifier les citoyens potentiellement contaminés. L’idée est de faire en sorte que ce call center soit opérationnel pour le 3 mai, soit la veille de la mise en place du plan de déconfinement progressif. Mais ce recrutement, qui passe par les États fédéré, n’a pas encore commencé et présente quelques couacs.
On peut aussi se demander si 2000 enquêteurs seront suffisants pour couvrir tout le pays ? « Cela dépend de la courbe« , souligne l’épidémiologiste Pierre Van Damme.
« Pour effectuer une recherche complète de contacts, il faut quatre à cinq inspecteurs qui y travaillent pendant trois jours« , rapporte de son côté Andy Slavitt, ancien directeur des centres de services médicaux du ministère américain au site ProPublica, un site américain de journalisme d’investigation. Une comparaison : Wuhan, qui comme la Belgique compte 11 millions d’habitants, a déployé 9 000 enquêteurs.
Deuxième défi : Il est crucial d’isoler pendant quinze jours les personnes qui peuvent ou non avoir été infectés. Dans la pratique, cela est souvent impossible, sauf pour les personnes ayant une grande maison et deux salles de bain. Une piste est évoquée en Europe : mettre à disposition des hôtels pour accueillir les personnes infectées qui doivent être séparées de leur famille pendant leur quarantaine.
3. Le risque de contamination dans les « hotspots » vulnérables doit être minime
Les « hotspots » sont des endroits où de nombreuses personnes vivent ensemble et où les groupes à risque sont réunis, comme des prisons, ou des institutions pour jeunes, en passant par les hôpitaux et les maisons de retraite.
Dans les hôpitaux, la transmission du virus a été bien évitée. Le risque dans les centres d’hébergement n’a pas été maîtrisé à temps. Et la gestion de l’épidémie dans les maisons de repos a été hors de contrôle.
4. Des mesures préventives à respecter dans les écoles, les lieux de travail et autres lieux essentiels
Le Conseil national de sécurité a lié toute une série de mesures préventives à la sortie progressive du confinement dans différents secteurs. Le télétravail reste la norme, les entreprises et les magasins peuvent rouvrir leurs portes dans des conditions strictes, dans les transports publics les masques buccaux deviennent obligatoires,…
En réalité, toutes ces mesures demandent énormément d’efforts de la part de toutes les parties concernées. Dans les écoles, c’est le branle bas de combat pour s’organiser afin de respecter au maximum les règles sanitaires édictées. Les entreprises prennent aussi le maximum de mesures d’hygiène. Les experts semblent toutefois garder espoir pour que la rentrée scolaire et le retour dans les bureaux se passent pour un mieux.
5. Une bonne gestion du risque de nouveaux cas importés
Ce point-ci ne pose pas de problème pour l’instant, car les frontières sont fermées. Quand les frontières rouvriront, des mesures de mise en quarantaine pourraient être envisagées.
6. La population doit être informée et motivée pour adhérer à « son nouveau quotidien »
Une communication claire et régulière venant des autorités est le seul moyen d’obtenir l’adhésion de la population.
Pourtant, la saga des masques, la fuite dans la presse du plan de déconfinement, la polémique pour la rentrée scolaire,… tous ces couacs montrent que le gouvernement est face à un immense défi et ne gère pas bien sa communication.
Cette transparence est d’autant plus nécessaire qu’il semble que la motivation des citoyens face à leur nouveau quotidien se soit relâchée ces derniers temps. Une enquête de l’UGent révèle que la motivation à suivre les directives s’effrite dans la population belge. Le message reste à ce jour le même : évitez de vous approcher trop près des autres, restez chez vous, lavez-vous les mains.
La population doit aussi comprendre que le déconfinement se passe en plusieurs phases ce qui suite à la communication chaotique du dernier Conseil de sécurité national n’a pas été très clair pour tout un chacun.
Conclusion
La conclusion est qu’actuellement, la Belgique ne remplit pas toutes les conditions pour sortir du confinement. Elle n’est « pas prête » selon Erika Vlieghe (UZA), infectiologue et présidente du Groupe d’experts en charge de la sortie du confinement (GEES), citée par De Morgen.
Deux visions circulent. La première, c’est de remplir avant tout déconfinement officiel ces 6 conditions requises par l’OMS afin de réduire au maximum les risques de repropagation du virus qui reste peu connu et contrôlable.
La deuxième vision est de remplir au maximum ces conditions tout en les rendant socialement et économiquement viables. Si la situation se détériore, des ajustements doivent alors être réalisés.
« C’est ce que le Conseil national de sécurité propose maintenant« , conclut Pierre Vandamme au Morgen. « Ce n’est pas une sortie totale, mais un plan contrôlé et détaillé, étape par étape, dans lequel nous essayons de rendre les mesures plus supportables, car il se peut que ce ne soit pas avant septembre que nous remplissions ces six conditions et que l’on puisse planifier la sortie effective ».
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici