Anne-Sophie Bailly
L’édito d’Anne-Sophie Bailly: le scandale Orpea questionne plus que jamais notre rapport à la vieillesse
Depuis une dizaine de jours, un livre choc (Les Fossoyeurs) met en lumière des traitements maltraitants et des défauts de soins dans les maisons de repos. La pandémie a déjà aggravé le conflit générationnel au sein de la société, qui a du mal a reconnaître la valeur de l’argenté.
Il y a presque deux ans, la Belgique découvrait, médusée, la surmortalité liée à la pandémie de coronavirus dans les maisons de repos, la détresse des résidents et leur isolement, les pénuries de main-d’oeuvre et de matériel.
Il y a un an, un conflit générationnel divisait la société. Fallait-il priver de liberté les jeunes et empêcher l’économie de tourner pour protéger les aînés?
Depuis une dizaine de jours, c’est le livre de Victor Castanet, Les Fossoyeurs (Fayard, 400 p.), qui crée une onde de choc. Les témoignages de rationnement, de maltraitance, de défaut de soins dans les maisons de repos affluent de partout, en masse. A Grammont, un établissement a été contraint de fermer ses portes. Les inspections se multiplient à Bruxelles et en Wallonie. En France, le groupe Korian fait, lui aussi, l’objet d’une plainte.
Qu’il s’agisse des pratiques inacceptables en vigueur dans le groupe Orpea ou du débat autour de la protection des plus vulnérables, c’est notre rapport au grand âge qui est questionné aujourd’hui, plus que jamais. Comment le repenser? Quelle orientation privilégier? Par où commencer? Le problème est d’autant plus complexe qu’il concerne tout le monde et tous les pans de la société.
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En premier lieu, évidemment, les aînés. Comment concilier un éventuel besoin d’encadrement et la préservation des droits humains? Comment balayer ce reproche latent d’improductivité associé aux plus âgés? Que faire pour redonner aux maisons de repos et de soins le sens premier de leur appellation? Du repos et du soin. Quelles normes prendre en compte dans le contrôle de ces établissements ? Comment pérenniser un modèle économique viable pour les acteurs du secteur mais abordable pour les résidents? Quels moyens accorder au personnel pour que les cadences millimétrées laissent davantage d’espace à l’humain?
Pour les familles, quel équilibre trouver entre devoir de vigilance et liberté d’autodétermination de leurs proches? Comment ne pas laisser des choix, souvent douloureux, être pollués par une insupportable culpabilité – celle de ne pas avoir pu trouver une autre solution, celle d’envisager les visites avec davantage d’appréhension que de joie?
Ces questions ne trouveront pas une réponse simple, mais elles méritent qu’on s’y attarde longuement. Car comme le pointe le philosophe Raphaël Enthoven, la pandémie nous a rappelé salutairement « la valeur incalculable d’une vie à laquelle il reste parfois quelques jours. »
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