Kurt De Loor
« Une vieillesse sereine, un luxe réservé à une élite ? »
« Nos vieux jours sont devenus un marché porteur, riche en opportunités. Les lits de maison de repos représentent un investissement de rêve » écrit le parlementaire flamand Kurt De Loor (sp.a). « Cependant, l’état peut se retrouver vite dépassé. Notre modèle de soins actuel risque de se transformer en modèle commercial ».
Armonea, une société de maisons de repos et de résidences, vient de reprendre Soprim@ et devient ainsi le leader incontesté du marché privé. L’entreprise belge comptera pas moins de 5 000 employés et 10 000 séniors. On ignore quelle somme Armonea a déboursée pour racheter Soprim@, mais le tout nouveau CEO Chris Cools (anciennement AB InBev) n’y va pas par quatre chemins : Armonea confirme son statut de leader du marché et voit son chiffre d’affaires augmenter de 250 à 320 millions d’euros. Cette reprise est significative. Dans le contexte européen, Armonea est même un petit joueur. Orpea, une entreprise française cotée en bourse également active en Belgique, atteint un chiffre d’affaires vertigineux de 1,9 milliard d’euros. Nos vieux jours sont devenus un gros business. Les lits de maison de repos représentent un investissement de rêve. Avec un taux d’occupation de 97%, le succès est garanti.
L’état risque d’être dépassé par les évènements. Les finances communales ne sont pas au beau fixe et les propositions commerciales pour ces services deviennent de plus en plus alléchantes pour les administrations publiques. La commercialisation des soins aux personnes âgées n’est pas une fable, mais une réalité. Combien la vieillesse peut-elle coûter à l’actionnaire qui ne pense qu’à son « retour sur investissement » ? Que vaudra encore la qualité des soins ?
Ne vous leurrez pas. Les promoteurs et les actionnaires veulent engranger un maximum de bénéfices. Ils n’hésiteront pas à économiser sur le personnel et à lésiner sur la qualité. Soyons honnêtes, ils ne vous soignent pas pour vos beaux yeux, mais pour mettre leurs propres vieux jours et ceux de leurs actionnaires à l’abri.
Prix plus élevés dans les maisons de repos privées
Les nantis bénéficieront de soins, mais les autres n’ont pas intérêt à tomber malades ou à vivre trop vieux
Les prix dans les maisons de repos, tant les ASBL que les résidences commerciales sont nettement plus élevées que dans les homes publics. Là où la commercialisation prend le pas sur le service public, les inégalités se creusent entre ceux qui sont capables de payer la facture et ceux qui ne le sont pas. Les nantis bénéficieront de soins, mais les autres n’ont pas intérêt à tomber malades ou à vivre trop vieux.
Politique de l’autruche
On vit à une époque où chacun est censé s’occuper de soi (et de ses proches). Si les intervenants de proximité méritent une statue à leur gloire (et une politique sur mesure), l’état ne peut se contenter de quelques bravos et fuir ses responsabilités en évitant d’investir dans les soins (pour personnes âgées). Cette politique de l’autruche remet en question notre modèle de soins solidaires, aujourd’hui l’un des meilleurs du monde. Souhaitons-nous vraiment un modèle où seule une élite privilégiée bénéficiera de soins et d’une vieillesse sereine? Où les actionnaires se servent de notre santé pour spéculer? La commercialisation de notre modèle de soins bénéficiera uniquement aux grands groupes commerciaux et à leurs actionnaires. Il est grand temps d’ouvrir le débat ! Les soins sont un droit et pas une marchandise !
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