Guerre en Ukraine: quatre impacts probables pour les Belges
Les bombes peuvent bien pleuvoir à l’autre côté de l’Europe, la guerre en Ukraine aura aussi un impact direct sur la Belgique. Réponses à quatre questions.
La Belgique va-t-elle rentrer en guerre ?
Si l’on peut avoir l’impression que l’Ukraine est fort loin de la Belgique, il s’agit surtout d’une question de perspective. Le conflit se déroule en réalité à moins de 2000 kilomètres à vol d’oiseau, soit à une distance à peu près égale à celle qui nous sépare du sud de l’Espagne. Dit comme ça, cela semble directement plus proche, surtout lorsqu’on écoute les analystes qui affirment que la menace militaire qui pèse en ce moment sur l’Europe est aussi importante, sinon plus, que pendant la guerre froide.
Ce double constat ne signifie cependant nullement que l’on doit craindre que les chars russes débarquent sur Bruxelles via les Ardennes. Il est en effet évident qu’il n’y a aucune volonté de la part des Occidentaux d’intervenir en Ukraine et qu’ils feront tout pour éviter que l’article 5 (qui stipule qu’une attaque contre un membre de l’Alliance est considérée comme une attaque dirigée contre tous les Alliés) soit mis en place, c’est-à-dire qu’un état européen soit attaqué.
Ni les Etats-Unis ni les pays de l’Union européenne n’enverront de troupes en territoire ukrainien. La Belgique, par la voix de la ministre de la Défense Ludivine Dedonder, a annoncé qu’elle livrera à l’Ukraine du matériel militaire, mais pas d’armes. Si l’Otan le demande, notre pays déploiera à bref délai, aux côtés de ses alliés, cinq cents militaires, des F-16 et un navire pour protéger les pays de l’Alliance situés au pourtour de l’Ukraine. La Belgique a actuellement quatre F16 en Estonie, où ils surveillent déjà l’espace aérien et sont en état d’alerte.
Aucun Etat occidental ne veut d’une confrontation militaire directe avec l’armée russe. D’autant plus que Poutine agite, dans ses discours, la menace du feu nucléaire pour prévenir toute éventuelle interférence occidentale dans les opérations militaires russes actuelles en Ukraine.
Un afflux de réfugiés ?
Les premières images venues d’Ukraine montrent que beaucoup d’Ukrainiens cherchent à fuir les combats. Ils seraient déjà plus de 100.000 à avoir quitté leur domicile. A terme, selon Linda Thomas-Greenfield, l’ambassadrice américaine aux Nations Unies, ils pourraient être plus de 5 millions et provoquer une « nouvelle crise migratoire« . Si la plupart d’entre eux choisiront probablement des pays limitrophes comme la Pologne, d’autres chercheront asile ailleurs en Europe. Le secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration, Sammy Mahdi (CD&V) et son administration étudient actuellement la manière de réagir à un possible afflux de réfugiés ukrainiens.
« Pour le moment, la situation est très confuse, mais je pense que nous devons montrer notre coeur et nous montrer solidaires avec l’Ukraine », a commenté M. Mahdi. Celui-ci a répété son souhait d’une coordination européenne en la matière: « les Ukrainiens fuient le chaos dans leur pays. Ils ne doivent pas retrouver à nouveau du chaos en Europe« . Il a également demandé à son administration d’aider la Pologne dans son travail d’enregistrement et d’aide aux réfugiés qui fuient les combats en Ukraine, a-t-il annoncé vendredi lors du journal télévisé de la mi-journée sur la VRT. Pour l’instant, il n’y a qu’une légère hausse des demandeurs d’asile ukrainien en Belgique.
Une cyberattaque massive ?
La Belgique n’a que peu de défense face à une cyberattaque et a encore du mal à se remettre de la dernière en date en décembre. Ce qui fait que le pays risque d’être particulièrement vulnérable dans ce domaine. Très difficile à prévoir, ce genre d’attaque peut mettre en danger le secteur énergétique, financier ou même l’armée et avoir des dégâts collatéraux notables. Par le passé, certaines attaques numériques ont déjà eu des répercussions jusqu’en Belgique, notamment NotPetya en 2017, qui visait initialement un service gouvernemental ukrainien. L’attaque s’était rapidement propagée dans la sphère de l’économie et avait été ressentie jusqu’au port de Rotterdam et dans certaines entreprises belges. Or il n’est pas exclu que la Belgique subisse une cyberattaque si l’Union européenne prend de nouvelles sanctions contre la Russie.
Le Centre pour la cybersécurité Belgique (CCB), indique néanmoins que, pour l’heure, il n’existe aucun élément objectif permettant d’identifier une cybermenace concrète envers la Belgique « Une cyberattaque ayant des conséquences pour les organisations belges ne peut cependant jamais être exclue », souligne l’organisation.
Renforcer la cyber-résilience reste la meilleure sécurité pour les organisations et les entreprises et ce, en toute circonstance, insiste le CCB, qui recommande ainsi aux entreprises et aux organisations d’élaborer, mettre à jour et tester régulièrement un plan d’urgence: « Il est important que chaque employé sache quelle est sa tâche en cas de cyberincident. Tenez à jour vos listes de contacts et conservez-les également sur papier. Demandez, si nécessaire, l’assistance d’un partenaire. Etablissez des conventions à l’avance. Assurez-vous que vos systèmes sont à jour et veillez à toujours disposer d’un système de sauvegarde correct ».
Pour plus de mesures, un « cyberguide » complet peut être consulté sur le site web du CCB, qui assure suivre « constamment la situation » et « publiera des conseils spécifiques si cela s’avère nécessaire ».
Un autre axe d’attaque pourrait être des campagnes de désinformation massive pour tenter de déstabiliser la population belge ou l’influencer en leur faveur. Il s’agit donc de rester critique.
Le prix de certains biens ou services va-t-il exploser ?
L’un des effets les plus perceptibles va cependant avoir lieu dans le portefeuille des Belges. La guerre va avoir un impact sur les prix de l’énergie. Le conflit va aggraver la crise que l’on connaît depuis plusieurs mois et toutes les énergies seront concernées.
On a tendance à l’oublier, mais la Russie génère aussi 10 % de la production mondiale de pétrole. Tous les indicateurs montrent que les prix des hydrocarbures resteront hauts, voire très hauts. On parle aussi beaucoup du gaz parce que l’Europe est dépendante du gaz russe à hauteur de 40 % de son approvisionnement. Le président russe Vladimir Poutine a, certes, déclaré qu’il ne comptait pas interrompre l’approvisionnement en gaz de l’Europe, mais on sait désormais que ses propos ne sont pas fiables. Quarante pour cent de la consommation européenne dépendante du gaz russe et cela ne peut pas être remplacé du jour au lendemain par du gaz naturel liquéfié (LNG), d’autant que ce circuit fonctionne déjà à flux tendu. Ursula Von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a répété à plusieurs reprises que les réserves de l’Europe étaient sécurisées pour la suite de l’hiver, mais s’il y avait une rupture de cet approvisionnement, cela provoquerait, dans la durée, un problème majeur. S’il est impossible pour la Russie, du moins pour le gaz, de trouver d’autres acheteurs du jour au lendemain, faute d’infrastructures suffisantes, elle pourrait réduire son approvisionnement ponctuel. Elle l’a déjà fait, d’ailleurs, l’Agence internationale de l’énergie parle d’une chute de 25 % par rapport à l’année dernière. Vladimir Poutine pourrait aussi brandir cette arme en réduisant pour une courte période l’approvisionnement, afin de mettre l’Europe sous pression.
Le prix de certaines denrées alimentaires risque aussi d’augmenter. La Russie et l’Ukraine étaient connues comme le grenier de l’Europe. A eux deux il représentait 40% du blé au niveau mondial. Mais, tempère Etienne de Callataÿ, chief economist d’Orcadia Asset Management, en l’état, l’Ukraine en tant que telle est anecdotique à l’échelle de l’économie mondiale. Elle n’est plus le grenier à blé qu’elle fut d’antan. Si elle venait à disparaître de la planète économique, cela ne changerait pas le PIB mondial. D’autant que la Russie a déjà mis la main basse sur sa région la plus riche : le Donbass. Quant à la dimension russe, si l’on ne tient pas compte de l’énergie, nos relations commerciales sont limitées. Exprimé de façon caricaturale : on peut continuer à vivre sans vendre des pommes et des poires à la Russie, ce sont des secteurs qui ont déjà été affectés et qui pourraient être aidés – ce n’est pas de la dimension de la crise du Covid. A un échelon plus global, la Russie a un PIB comparable à celui de l’Espagne. Ce n’est pas non plus un pays où ont lieu des productions vitales pour nos économies. Ce n’est pas la Chine : ce serait bien plus préoccupant s’il y avait un problème avec Taiwan, il y a un monde de différence entre les deux. Cependant la guerre provoque de nombreuses turbulences économiques, qui se font déjà sentir sur les marchés boursiers. Sans parler des entreprises belges actives en Russie (Bekaert, Solvay ou Beaulieu) ou encore des entreprises russes actives dans notre pays (par exemple Lukoil ou Eurochem).
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici