Anne-Sophie Bailly
« Face à une colère qui gronde, les gouvernements européens tentent de jauger au mieux ce que la population peut encore accepter » (édito)
Un vent de contestation et de révolte souffle sur l’Europe. Les nouvelles mesures font ressortir la colère de la population qui a peur. Cette colère est alimentée par un certain scepticisme alimenté par les anti-masques et covidsceptiques. Voici l’edito d’Anne-Sophie Bailly, rédactrice en chef du Vif/L’Express.
A Madrid, le week-end du 1er novembre, des centaines de manifestants ont bravé le couvre-feu et rejoint la Gran Via pour y scander « Libertad! ». Une manifestation a priori pacifique pour protester contre les dernières mesures prises par le gouvernement espagnol mais qui a viré au combat de rue. Des scènes similaires ont été observées à Barcelone ou Burgos, alors que l’Espagne a été déclarée en état d’urgence sanitaire jusqu’en mai 2021.
A Rome, Turin, Milan ou Naples, ce sont des échauffourées qui, depuis plusieurs jours, dégénèrent en heurts avec la police. Les manifestants dénonçant « une guerre contre les pauvres ».
En France, les petits commerçants sont vent debout contre la fermeture de leurs enseignes et dénoncent une concurrence déloyale qui fera le bonheur des grandes plateformes d’e-commerce et des chaînes de supermarchés.
D’un bout à l’autre de l’Europe, la population aborde ce deuxième confinement avec au mieux de la lassitude, au pire de la colère.
Une colère qui couvait bien avant la crise du coronavirus mais qui remonte désormais à la surface, avec intensité.
Face u0026#xE0; une colu0026#xE8;re qui gronde, les gouvernements europu0026#xE9;ens avancent u0026#xE0; pas feutru0026#xE9;s et tentent de jauger au mieux ce que la population peut encore accepter.
Une colère qui cache une peur évidente et légitime. Celle d’un demain plus dur encore, quand à l’urgence sanitaire viendront se substituer ses conséquences socio-économiques. Une peur qui étreint avec violence les oubliés de la crise, ceux privés de leur source de revenus, ceux qui ne voient plus qu’un horizon complètement bouché.
Une colère sous-tendue aussi par un certain scepticisme à l’égard de l’efficacité ou de la pertinence des mesures prises par les autorités publiques pour lutter contre cette pandémie. Un scepticisme alimenté par les antimasques et les covidosceptiques, toujours plus nombreux, qui inondent de leurs théories les réseaux sociaux. Arguments, rhétoriques, affirmations que nous décodons et que nous confrontons aux chiffres disponibles dans un grand fact-checking afin de remettre l’objectivité au coeur du débat (lire page 46).
Lire également: Covid: les anti-masques ont-ils raison?
Face à cette colère qui gronde, les gouvernements avancent à pas feutrés et tentent de jauger au mieux ce que la population peut encore accepter. Pour ne pas perdre l’adhésion, pour éviter l’embrasement.
En Belgique, le confinement automnal s’avère un peu moins strict que celui du printemps dernier avec une volonté affichée de limiter autant que faire se peut l’isolement des personnes et les dégâts sur la scolarité des enfants. Avec, également, quelques concessions et une liste des commerces pouvant rester ouverts un peu plus longue que celle de mars dernier.
Et, tout récemment, cette annonce d’une mesure symboliquement forte pour l’opinion publique: l’instauration d’une taxe sur les comptes-titres dont la valeur dépasse le million d’euros – rebaptisée pour l’occasion « contribution de solidarité » – et qui doit « soutenir financièrement le secteur des soins de santé ». Une manière de faire contribuer à l’effort commun « ceux qui disposent des épaules financières les plus larges ».
Le tout pour alléger un cocktail qui, s’il n’est pas encore explosif, est néanmoins déjà bien corsé.
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