Covid : « On est actuellement dans la même situation qu’en mars »
La forêt brûle à nouveau en Belgique. Faudra-t-il en passer par un nouveau confinement pour éteindre l’incendie ? « C’est déjà le cas », nous affirme l’épidémiologiste de l’ULB, Simon Dellicour. « Nous sommes condamnés à reprendre le contrôle sur le virus ».
La situation est-elle grave ?
Oui. Il y a de nouveau le feu à la forêt. On n’est plus en train de surveiller des petits départs de feux par-ci, par-là. Nous ne sommes plus dans une gestion du risque. Nous sommes, comme en mars-avril, dans une gestion de crise. Pour éviter de saturer les hôpitaux, on est donc « condamnés » à reprendre le contrôle de l’épidémie.
Quelle est la stratégie à mettre en place selon vous ?
Dans un premier temps, il faut stopper la croissance de l’épidémie et du nombre d’hospitalisations en minimisant un maximum les contacts et les situations où le virus pour se transmettre facilement. Comme en mars, on doit à tout prix éviter la saturation des hôpitaux et les situations de sur-accidents qui y seront liées.
Ensuite, il faudra repasser à un taux de reproduction effectif inférieur à 1. Dans cette situation, une personne infectée contamine en moyenne moins d’un autre personne. Ce qui veut dire que l’épidémie est sous contrôle. Il s’agit d’une situation où on a l’initiative sur l’épidémie et où on peut tenter de minimiser un maximum l’impact des mesures sur la société et l’économie.
C’est un retour à la case départ ?
Oui. On est globalement dans la même situation qu’en mars. On est obligé de prendre des mesures que ne sont loin d’être idéales, mais on n’a pas vraiment d’autres alternatives à ce stade.
Si on arrive à passer cette deuxième vague aussi bien que la première, c’est-à-dire sans saturer le milieu hospitalier, et qu’on revient à une situation de contrôle, il va falloir plus que jamais garder à l’esprit que ce n’est pas parce qu’on voit moins de cas et moins d’hospitalisations qu’on peut relâcher tout à fait la pression. À ce moment-là, il sera important de garder une forme d’effort collectif pour éviter que ça s’emballe à nouveau.
Que pensez-vous de la décision de ne plus tester les personnes asymptomatiques ?
Ce n’est pas idéal, mais ils n’ont pas le choix. L’idéal c’est évidemment de tester toutes les personnes qui ont été en contact avec une personne positive. Parce qu’on sait que certaines personnes asymptomatiques peuvent transmettre le virus. Aujourd’hui, l’outil est saturé.
Si les gens ne respectent pas les mesures, alors on va dans le mur. C’est aussi simple que ça.
Il est difficile de demander à des personnes asymptomatiques de rester en quarantaine sans test. Va-t-on être obligés de confiner tout le monde ?
Différents facteurs ont mené à cette deuxième vague. La diminution de l’adhésion de la population en est un. Il faut absolument que tout le monde prenne conscience que la situation est vraiment critique.
Si les gens ne respectent pas les mesures, alors on va dans le mur. C’est aussi simple que ça. C’est certain que tout le monde en a marre, mais cette crise c’est un marathon, pas un sprint.
Comment faire pour garder l’adhésion de la population ?
Quand on aura repris le contrôle, en espérant que ce soit le plus vite possible, il faudra trouver une configuration de société où l’on arrive à tenir jusqu’à un vaccin et/ou une solution thérapeutique.
Ce point d’équilibre, c’est une situation où il y a certaines restrictions qui sont le moins pénibles possible pour la société, l’économie, etc. tout en gardant le contrôle de l’épidémie.
L’enjeu, c’est vraiment de trouver ce point d’équilibre, et on y arrivera qu’avec un maximum d’adhésion de la population, d’où la nécessité cruciale de communiquer au mieux avec toutes les sphères de la population afin que les différentes mesures, souvent évolutives, soient le mieux décrites et justifiées possible.
Un deuxième confinement sera-t-il aussi long ?
Tout dépend ce que l’on entend par confinement. Dans une certaine mesure, on est déjà en train de confiner. La différence avec mars, c’est que les écoles sont encore ouvertes. Et ce serait dramatique de devoir les fermer à nouveau, mais c’est une vanne qui pourrait malheureusement être fermée si la situation ne s’améliore pas.
Le problème, c’est qu’on n’aura peut-être pas le luxe d’attendre dix jours pour observer si une diminution du temps de doublement des hospitalisations a lieu ou pas. Aujourd’hui, le politique est face à un choix difficile qui est : « est-ce qu’on ferme encore des vannes aujourd’hui par principe de précaution ? »
Les politiques n’ont-ils pas failli dans la mise en place du testing ?
La mise en place d’un dépistage massif est très compliquée d’un point de vue logistique. En Belgique on ne teste pas nécessairement moins que chez nos voisins européens Dans la stratégie, le testing doit rester une priorité politique et logistique. C’est vraiment important. Or ce qu’on voit aujourd’hui, c’est que le système est saturé.
Un autre souci est le délai pour avoir les résultats. Cela dépend d’une optimisation logistique qui doit être améliorée encore et encore. Honnêtement, c’est difficile de jeter la pierre sur qui que ce soit parce que c’est un énorme défi. Je préfère regarder le problème d’une manière constructive. C’est sûr qu’il y a eu un problème d’anticipation sur l’organisation du testing en Belgique. Mais maintenant, ce qui reste crucial, c’est d’améliorer et continuer à optimiser l’ensemble du système.
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