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Coronavirus: faut-il revoir la manière de communiquer les chiffres ?

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

La communication des chiffres faite par Sciensano est loin de faire l’unanimité. Alors que l’Institut de Santé publique délivre des moyennes sur 7 jours, certains préféreraient que d’autres données soient mises en avant pour suivre l’épidémie.

Il faut dire que la communication de Sciensano a changé plusieurs fois. Au début de l’épidémie, une conférence de presse avait lieu quotidiennement et les chiffres étaient donc donnés chaque jour. Lorsque les cas ont diminué, ces conférences de presse ont été supprimées et les chiffres étaient alors communiqués sur une base moins régulière.

Lorsque les cas ont à nouveau augmenté pendant l’été, Sciensano a de nouveau délivré des chiffres quotidiennement, mais cette fois-ci sur base de moyenne sur 7 jours, avant de réinstaurer une conférence de presse pour donner un contexte à ces chiffres trois fois par semaine. De quoi créer la confusion chez certains citoyens, mais éveiller les critiques chez certains experts.

Taux de positivité

Vaut-il mieux donner des chiffres quotidiens, des tendances évolutives sur 7 jours ou un taux de positivité ? Selon Bernard Rentier, ancien recteur de l’ULiège, le « trop-plein » de données, qui fusent souvent dans tous les sens, instaure un climat anxiogène. « Ça amène à l’impression qu’on est en train d’avoir une explosion. Tout le monde parle de deuxième vague alors qu’on ne la voit pas à l’horizon », confirme-t-il sur le plateau de la RTBF.

Pour lui, l’augmentation est en partie due à un testing plus large et c’est plutôt le taux de positivité qu’il faudrait mettre en avant, c’est-à-dire le nombre de tests positifs sur le nombre de tests réalisés. Contacté par nos soins il y a quelques semaines, Sciensano nous avait indiqué de ne pas prévoir l’ajout de cette donnée dans ses chiffres. Mais force est de constater que cette donnée, qui est notamment utilisée en France, fait son chemin. Ce taux est d’ailleurs de plus en plus communiqué par le Centre de crise, lors de ses conférences de presse, notamment pour permettre une comparaison entre les différentes zones géographiques touchées.

Chiffres bruts ou tendance sur 7 jours ?

Or, les deux sont importants : les chiffres bruts et la comparaison des tendances, réplique Christian Léonard, directeur de Sciensano, également à la RTBF. « Si on ne donne pas la valeur relative, c’est-à-dire l’augmentation en pourcentages, les gens ont l’impression que ce n’est rien. Les pourcentages indiquent qu’il y a une tendance à la croissance qu’il faut surveiller. » Une tendance qui est réelle, mais qui donne l’impression d’être plus marquée lorsque l’on est confronté à des petits chiffres.

Il rappelle par ailleurs que tous les chiffres sont disponibles et que chacun est libre d’aller voir les données qui l’intéressent : données brutes, comparaison de périodes, régions ou communes, nombre de tests… Des chiffres qui sont à lire avec précaution, car ils ne sont complets, « consolidés », qu’à J-3. C’est l’une des raisons pour lesquelles Sciensano ne délivre plus les chiffres bruts quotidiennement, comme nous expliquait Yves Coppieters il y a quelques semaines : « Avec ces retards, ou des notifications en bloc, cela n’a pas de sens de donner des chiffres tous les jours. C’est pour cela qu’ils préfèrent lisser leurs données sur 7 jours. »

« Il est intéressant d’avoir les deux : la tendance de 7 jours pour voir si c’est à la hausse, en plateau ou à la baisse, mais aussi les données quotidiennes. Avoir les chiffres des 24 heures précédentes est aussi un indicateur de la dynamique de l’épidémie, qui montre par exemple s’il y a un foyer ou s’il y a un changement en nombre absolu », nous expliquait-il encore.

Induire un comportement citoyen

Les chiffres, bien qu’à la hausse, ne représentent pas une deuxième vague. Plutôt un rebond, dont la hausse se stabilise depuis plusieurs jours, en termes de nouveaux cas. Mais outre les chiffres, la communication de Sciensano a également un autre objectif : continuer à conscientiser les citoyens, et éviter un relâchement des gestes barrière. « Il faut rester vigilants. (…) Ce virus, nous ne l’avons jamais vu, il ne ressemble pas du tout à ses congénères. Nous ne savons pas du tout comment ça va se passer », explique encore Bernard Rentier, qui reconnait volontiers que la balance entre les deux discours est complexe.

Avec toutefois une autre crainte : celle de faire le jeu des adeptes des théories du complot : « La délicate mission que je me suis donnée, c’est d’essayer de faire passer un discours qui calme un peu le jeu, sans qu’on récupère ce discours » à des fins complotistes.

« Les chiffres quotidiens sont là pour informer les professionnels et en même temps sensibiliser le grand public pour qu’il respecte les gestes barrières », rappelle à son tour le directeur de Sciensano.

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