L’Ukraine veut devenir le « pays le plus numérique du monde »
L’Ukraine veut devenir le « pays le plus numérique du monde », pour que son Etat et ses services publics continuent à fonctionner même en pleine guerre, a expliqué le vice-premier ministre Mykhaïlo Fedorov lors de la conférence sur la reconstruction du pays à Lugano (Suisse).
Que veut faire l’Ukraine ?
Avant la guerre, l’Ukraine se voulait déjà à l’avant-garde du numérique, et son plan actuel n’est qu’une accélération de ces efforts.
En effet, « les services numériques ne peuvent pas être détruits par les missiles, spécialement si les données sont stockées chez Amazon ou Microsoft » dans des centres de données à l’étranger, a indiqué M. Fedorov.
L’Ukraine veut en particulier accélérer le remplacement de ses services d’accueil du public par des applications sur smartphone.
Enregistrement d’une propriété foncière, d’une voiture, création d’une entreprise ou déclarations aux douanes, les Ukrainiens devront pouvoir faire toutes leurs tâches administratives sans formulaires papier, ni se rendre à des bureaux.
Les fonctionnaires, privés de rôle avec cette réorganisation, seront formés pour de nouveaux rôles mieux adaptés à « la nouvelle économie », a indiqué M. Fedorov. Mais le but est d’aller bien plus loin que la transformation des services de l’Etat.
M. Fedorov et le président ukrainien Volodymyr Zelensky veulent aussi se débarrasser de l’argent liquide et le remplacer par de la monnaie numérique, en excluant toutefois les cryptomonnaies. Ils veulent également développer l’éducation ou les services de santé en ligne autant que possible, le tout protégé par une autorité de défense cyber.
Qui va construire l’Etat numérique ?
S’exprimant simultanément dans plusieurs villes européennes sous forme d’hologramme, le président Zelensky avait lancé début juin un appel direct « aux principales entreprises tech mondiales » pour l’aider à bâtir un Etat numérique.
Lundi, M. Fedorov n’a pas mentionné ces géants de la tech, mais plutôt émis un appel général aux financements et aux équipements, en rappelant que l’Ukraine disposait d’un bon socle sur lequel construire.
C’est le premier pays à accepter des passeports et des cartes d’identité entièrement numériques, et il dispose déjà d’une application publique pour smartphone, Diaa, utilisées par des millions de personnes pour leurs relations avec les administrations.
Quand cet Etat numérique prendra-t-il son envol ?
Le calendrier est différent selon les sujets.
Certains sont plus urgents que d’autres. L’éducation, par exemple, doit se numériser d’ici à un an, pour faire face notamment aux besoins des 4,2 millions d’enfants ukrainiens exilés par la guerre.
Le gouvernement veut distribuer ordinateurs, tablettes et autres équipements pour construire cette éducation par le numérique, a expliqué M. Fedorov.
D’autres objectifs sont à plus long terme, comme la société sans argent liquide, la santé numérique, ou la révision des procédures douanières, prévues dans un horizon de 3 ans.
Des réserves sur ce plan ?
Certains projets peuvent susciter des inquiétudes, comme l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le système judiciaire.
L’Ukraine a déjà expérimenté un système d’intelligence artificielle capable de produire des rapports avant procès et avant condamnation, pour évaluer le risque qu’un suspect récidive.
Pour M. Fedorov, l’intelligence artificielle peut notamment être utilisée dans les juridictions commerciales pour proposer « un environnement attractif pour les investissements et les entreprises », et renforcer la confiance dans le système judiciaire.
La pratique de l’évaluation du risque de récidive par intelligence artificielle a été dénoncée par l’ONG Fair Trials dans un rapport l’an dernier. Une telle pratique « affaiblit les droits fondamentaux de personnes présumées innocentes » et doit être interdite, selon l’ONG.
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