Fausses images créées avec Midjourney : pourquoi cette intelligence artificielle pourrait faire « beaucoup de dégâts »
Ces derniers jours, plusieurs images de célébrités ont circulé sur les réseaux sociaux, provoquant le buzz. Construites par des utilisateurs grâce à l’intelligence artificielle Midjourney, elles posent plusieurs questions. Le Vif les a posées à Axel Legay (UCLouvain), expert en cybercriminalité, et Laura Calabrese (ULB), spécialiste du discours politique sur les réseaux sociaux.
Donald Trump arrêté par des policiers, le pape François vêtu d’une doudoune blanche, Emmanuel Macron en éboueur… Le point commun entre ces trois images ? Loin d’être des photographies, elles ont été construites de toute pièce grâce à l’intelligence artificielle Midjourney. Ces derniers jours, de telles images ont circulé massivement sur les réseaux sociaux. Si certains défauts sont encore visibles à l’oeil nu, il est assez bluffant de voir à quel point elles se rapprochent de la réalité.
« Le phénomène paraît assez soudain, indique Axel Legay (UCLouvain), expert en cybercriminalité. Il s’inscrit dans la lignée de l’évolution des intelligences artificielles de ces dernières années ». Après ChatGPT, voici donc l’émergence de Midjourney. « Ces intelligences artificielles ont le même fonctionnement. Elles se basent sur une séquence d’informations, que ce soit du texte ou des images, pour créer de nouveaux textes ou de nouvelles images ».
D’après Axel Legay, on assiste à une véritable révolution dans le domaine de l’intelligence artificielle. « Celle-ci n’est pas technique mais se joue au niveau de l’accessibilité. Les utilisateurs disposent d’une meilleure expérience et accèdent plus facilement à ces logiciels, qui se démocratisent. J’ai d’ailleurs l’impression que de plus en plus de personnes lambda s’y intéressent ».
« L’objectif de ces images n’est pas de tromper »
Certaines des images réalisées grâce à l’intelligence artificielle Midjourney peuvent porter à confusion. Comme celle qui met en scène le pape, qui semble plus vraie que nature. Ou encore l’arrestation de Trump, événement rendu presque crédible par le journaliste d’investigation de Bellingcat Elliott Higgins, qui avait partagé sur Twitter plusieurs de ces fausses images.
— Eliot Higgins (@EliotHiggins) March 21, 2023
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« Pour le moment, je ne pense pas que le but de ces images soit de propager des fake news », considère Laura Calabrese (ULB), spécialiste de la propagande sur les réseaux sociaux. Le Vif lui a envoyé plusieurs images réalisées avec l’aide de Midjourney pour analyse. « J’y vois davantage un exercice de fiction, dans lequel on imagine des réalités alternatives, qui sont autres que la réalité politique véhiculée par les médias traditionnels. Les utilisateurs refont l’actualité à leur sauce. Le fait que ça porte à confusion s’explique par le fait que ces réalités pourraient tout à fait advenir. On pourrait très bien voir Trump en prison ou Macron éboueur pour montrer sa solidarité avec les travailleurs. »
Si l’objectif initial de ces images n’est pas de tromper, le message qu’elles véhiculent pourrait être mal interprété. Mais pour Laura Calabrese, ce n’est pas l’intelligence artificielle Midjourney qu’il faut critiquer. « Blâmer la technologie, c’est se tromper de combat. En elle-même, elle n’est pas le souci: tout dépend de la manière dont on l’utilise et à quelles fins. Puis la manipulation d’images existait déjà avant l’arrivée des nouvelles technologies. La propagande de la Première Guerre mondiale s’est faite avec des affiches. Hitler est arrivé au pouvoir grâce à la radio ».
« Midjourney pourrait être utilisée pour la propagande »
La plupart des utilisateurs en sont seulement au stade de la découverte de l’intelligence artificielle Midjourney. Dans un futur plus ou moins proche, Laura Calabrese estime possible, voire probable, que l’outil soit utilisé à des fins de propagande. « Cela pourrait faire beaucoup de dégâts. Certains pourraient décider de l’utiliser à des fins de propagande car il y a des vides institutionnels et des conflits sociaux qui font qu’on se détourne des sources fiables d’information pour aller vers des sources alternatives ».
« D’autant que l’outil va encore s’améliorer, complète Axel Legay. Nous n’en sommes qu’aux balbutiements de cette technologie. A l’avenir, il deviendra compliqué d’identifier les fausses images à l’oeil nu. » Pour l’instant, plusieurs images comportent encore des défauts : des mains comportant plus de cinq doigts, des bouches avec plus de trente-deux dents. Il y a fort à parier que Midjourney arrivera un jour à les corriger, pour permettre de produire des images qui, elles, ressembleront dangereusement à des images réelles.
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