Anne-Sophie Bailly

Comment l’IA tronque plus que jamais la réalité (et pourquoi il lui faut des garde-fous)

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

2023 a vu l’avènement d’une révolution technologique majeure: la mise à disposition d’outils d’intelligence artificielle (IA) au service de l’utilisateur final. Et un véritable tournant dans l’appréhension de la distorsion de la réalité.  2024 devra être l’année de la mise en place de garde-fous.  

Comme en 2022, l’actualité qui a dominé l’année 2023 fut intense, complexe, inquiétante, déstabilisante: déclenchement de la guerre entre le Hamas et Israël, enlisement du conflit en Ukraine, défi migratoire criant et lutte contre le réchauffement climatique toujours plus urgente. En Belgique, c’est la perspective des prochaines élections et l’importance du succès des extrêmes qui alimentent les conversations.

A côté de toutes ces inquiétudes, 2023 restera aussi l’année de l’avènement d’une révolution technologique majeure, marquante tant par son ampleur que par les incertitudes qu’elle suscite pour l’avenir, celle de la mise à disposition d’outils d’intelligence artificielle (IA) au service de l’utilisateur final.

Depuis le lancement d’une première version de ChatGPT en novembre 2022, les applications faisant appel à l’IA se sont multipliées au pas de course et ont gagné toutes les sphères d’activités, professionnelles comme privées: générateurs de codes, d’images, de musique, de voix, de vidéos, d’écriture… Le meilleur, le plus drôle et le plus pratique côtoyant désormais le pire et le plus inquiétant. Les fans des Beatles ont ainsi pu découvrir un morceau du groupe resté en friche. Les internautes se sont amusés de la doudoune Balenciaga du pape François. Les électeurs belges ont visionné un clip du CD&V mettant en scène un Jean-Luc Dehaene ressuscité pour les besoins d’une campagne électorale.

2023, l’année de la distorsion de la réalité, 2024 celle de la mise en place des garde-fous.

Derrière ces exemples notoires, des questions. Comme celle de savoir à quel point la conscience que la machine livre des semblants de vérités est ancrée dans les esprits. Que l’IA pioche dans toutes les sources possibles mises à sa disposition, même les non fiables, même les non pertinentes, pour établir une réponse seulement vraisemblable. De savoir à quel point les utilisateurs affichent, ou pas, une confiance excessive dans les résultats fournis par ces robots conversationnels. De savoir, également, à quel point est intégré le fait que ces outils sont aussi sciemment utilisés pour tronquer la réalité. Et que cette distorsion est présentée comme une nouvelle vérité.

Graphique dézoomé, cliché photoshoppé, avancer une représentation tronquée de la réalité ne date pas d’hier. Mais ces pratiques connaissent une accélération si massive qu’elles brouillent définitivement les frontières entre le vrai et le faux, entre la réalité et la fiction. Le risque de manipulation n’a jamais été aussi prégnant. Le rôle de la presse et des régulateurs aussi fondamental.

Si 2023 fut marquée par un véritable tournant dans l’appréhension de la distorsion de la réalité, 2024 devra, à cet égard, être l’année de la mise en place de garde-fous.

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