Une technologie permettrait aux rideaux et papiers peints de jouer un rôle dans l’éclairage des foyers
Tentures et papiers peints pourraient bientôt jouer un rôle dans l’éclairage de nos habitations. Et ce, grâce à l’inclusion esthétique de la technologie Oled, brodée à l’arrière des matériaux textiles.
Nos bâtiments sont énergivores. Pour réduire leur appétit électrique, les chercheurs du projet Luminoptex planchent sur la conception de textiles photoniques (émetteurs de lumière) offrant un éclairage d’ambiance autonome. Leur mission est d’intégrer au tissu – la technologie est transposable au papier, au plastique ou au verre – des fonctionnalités permettant de capturer de l’énergie (grâce à des antennes) et de la stocker dans des batteries. Puis, d’émettre une lumière ambiante par l’intermédiaire de diodes organiques électroluminescentes (Oled).
On peut comparer une Oled à une encre lumineuse que l’on appliquerait sur une surface. Il ne s’agit donc pas d’une source de lumière ponctuelle comme les Led. Une Oled est une sorte de « sandwich » optoélectronique composé de plusieurs couches de matériaux, chacune épaisse d’une dizaine de nanomètres ; un nanomètre étant équivalent à un millimètre divisé par un million, c’est dire la finesse de ce dispositif lumineux. « Chaque couche joue un rôle particulier. Certaines sont des électrodes: situées de part et d’autre de ce « sandwich », elles injectent des charges positives et négatives à travers des couches d’injection organiques et semi-conductrices. Quand les charges positives et négatives se retrouvent au coeur de la structure, elles se recombinent de façon radiative pour émettre de la lumière », détaille Pascal Viville, responsable du projet Luminoptex et coordinateur scientifique de l’unité de chimie des matériaux nouveaux au sein de Materia Nova, un centre de recherche montois spécialisé dans la fabrication des Oled.
Le textile photonique est sans danger, il ne s’enflamme pas.
Deux tissus prototypes
A cause de la pandémie, Luminoptex a dû réduire ses ambitions. Initialement, les Oled devaient être alimentées en électricité par des batteries stockant l’énergie résiduelle des ondes Wifi et GSM environnantes captées par des antennes. « Mais après quatre ans de recherche, la puissance récupérée par cette technologie n’était que de l’ordre des microwatts. Or, pour alimenter une Oled, il faut des milliwatts », précise le chercheur. Dans ces conditions, il était impossible d’intégrer les trois technologies (antennes, batterie et Oled) au sein du même textile. Dès lors, le projet a accouché de deux tissus prototypes distincts. Le premier équipé d’antennes, le second doté des Oled alimentées par batteries souples. « En face arrière du textile, on a brodé des batteries minces et souples, ainsi que toute une circuiterie électrique pour les alimenter », ajoute Pascal Viville.
Si la plupart des batteries actuelles, comme celles des GSM, peuvent fuir et s’enflammer, c’est parce qu’elles contiennent un électrolyte liquide à base de lithium très réactif à l’air. Au contraire, celles visées ici sont composées d’un électrolyte solide, bien moins dangereux. D’une forme similaire à celle d’un domino, « ce sont des éléments de stockage relativement flexibles, facilement intégrables aux tissus ». Et donc, sans danger. Si de la recherche scientifique est encore, nécessaire pour rendre mature le textile photonique, la validation en laboratoire de la faisabilité de l’idée a, elle, été couronnée de succès.
Une technologie sensible
L’ objectif avoué des constructeurs d’Oled est d’atteindre une efficacité d’éclairage capable de concurrencer les Led. Et ce, tant en matière d’éclairage résidentiel qu’urbain, dans les transports (voitures, trains) et pour la signalétique. « Cette technologie, si elle est attractive, reste encore chère, reconnaît Pascal Viville, responsable du projet Luminoptex. Et ce, à cause du coût élevé des matériaux qui la composent. Mais aussi car ces derniers étant sensibles à l’eau et à l’oxygène, ils se dégradent rapidement et exigent dès lors des conditions drastiques de production. Pour empiler les différentes couches de matériaux constituant les Oled, impossible de travailler à l’air libre. Il faut le faire dans une boîte à gants. »
Celle-ci est une enceinte étanche permettant des manipulations dans une atmosphère particulière. Des gants montant jusqu’aux épaules, fixés à une des parois, permettent aux scientifiques d’accéder à l’intérieur sans que le confinement cesse. « Une fois les couches de l’Oled empilées, et avant de les sortir de l’enceinte, il faut encore les encapsuler pour les protéger. Cela peut être dans du verre (comme dans les téléviseurs Oled) ou, et c’est le cas dans ce projet, dans un empilement de couches barrières très imperméables à l’oxygène et à l’eau. » Le tout en veillant à garder les propriétés de flexibilité du tissu.
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