Une note d’espoir dans une année pourrie: une machine pour voir l’invisible
Depuis le 25 août, la communauté scientifique a accès à la source de rayons X la plus intense au monde: l’ESRF-EBS, un synchrotron de 4e génération, installé à Grenoble. Cet accélérateur de particules produit une lumière 10 000 milliards de fois plus brillante que celle produite par les scanners hospitaliers.
Rendre visible l’invisible. Percer les secrets de la matière condensée et de la matière vivante, afin de comprendre le monde qui nous entoure: telle est la raison d’être du synchrotron européen ESRF-EBS (pour European Synchrotron Radiation Facility – Extremely Brilliant Source). De manière non destructrice et non invasive, cette machine-labo peut, entre autres, étudier un encéphale dans son entièreté et ainsi permettre la réalisation de la première cartographie neuronale complète du cerveau humain, jusqu’au niveau des synapses. Une première. Cette technologie, capable de tout étudier sans rien abîmer (momies, tableaux de maître, organes humains, moteurs d’avion, végétaux, etc.), la communauté scientifique en rêvait depuis longtemps. En 2020, l’ESRF-EBS est entré au Panthéon de l’imagerie.
Scanner-miracle
La machine-laboratoire, installée à Grenoble, a des allures de vaisseau spatial. De forme circulaire, le synchrotron pèse 2 000 tonnes et mesure 844 mètres de circonférence. A l’instar de la cinquantaine d’autres synchrotrons qui existent, il produit des rayons X en faisant circuler des électrons de haute énergie dans un anneau de stockage équipé d’aimants, à une vitesse folle, proche de celle de la lumière. Mais en passant d’un engin de 3e génération à une installation de 4e génération, grâce à un projet de mise à jour entamé en 2015, l’ESRF-EBS constitue aujourd’hui la source de rayons X la plus intense du monde.
Jugez plutôt: ses capacités ont été multipliées par cent, il produit désormais des rayons X 10 000 milliards de fois plus brillants que ceux utilisés en radiographie hospitalière soit une lumière dix milliards de fois plus brillante que celle du soleil!
Trouver la clé du coronavirus
Sans surprise, depuis le 25 août, ça se bouscule au portillon: des centaines d’expériences y sont menées. Et pour cause, ce labo extraordinaire dispose de trois à dix ans d’avance sur ceux développés par les Américains, les Japonais et les Chinois, notamment. Et, avant même son ouverture, l’ESRF-EBS a participé à l’effort de recherche sur le fonctionnement du Sars-CoV-2 et de ses mécanismes d’infection, en étudiant des poumons et des reins de personnes décédées de la Covid-19. Le physicien Francesco Sette, directeur général de l’ESRF-EBS, ne cache pas son enthousiasme: « Nous avons vu des choses époustouflantes! Nous avons pu analyser, dans l’infime détail, en 3D, comment certaines parties des organes sont détériorées par ce virus, avec une résolution subcellulaire des tissus. » Les résultats, encore sous embargo, devraient être rendus accessibles à la communauté scientifique mondiale très bientôt.
Le projet avait été lancé en 1988 par vingt-deux pays européens. Investissement: 150 millions d’euros sur la période 2015-2022. La France est le plus gros contributeur, à concurrence de 27,5% La Belgique et les Pays-Bas y contribuent à hauteur de 5,8% à travers le consortium BeneSync.
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