Télescope James Webb: c’est juste le début du voyage
Le lancement dans l’espace du télescope spatial James Webb s’est déroulé parfaitement, mais il lui reste une série de manoeuvres critiques à accomplir avant de pouvoir fonctionner dans quelques mois.
« Je suis heureux, excité, soulagé mais j’appréhende la suite, ça n’est pas terminé, ce n’est que le début », a déclaré à l’AFP Thomas Zurbuchen, le responsable de l’exploration scientifique à la Nasa, quelques minutes après la séparation du télescope de l’étage supérieur de la fusée Ariane 5 samedi.
Une joie d’autant plus grande que dans les minutes suivant la séparation, effectuée après 27 minutes de vol et à environ 1.400 km d’altitude, les panneaux solaires du télescope se sont déployés sans encombres, sous les tonnerres d’applaudissements des ingénieurs et du public au Centre de contrôle Jupiter, à Kourou.
C’était la première étape cruciale, car le télescope ne peut fonctionner sans cette source d’électricité. Et il a encore du chemin à faire, 1,5 million de km à couvrir en un mois, avant d’atteindre le point de Lagrange 2, à quatre fois la distance séparant la Terre de la Lune.
Pour atteindre ce poste d’observation final, le James Webb a effectué la première, et la plus importante, de trois corrections de trajectoire. La grande impulsion que lui a fournie la fusée pour atteindre son but a été sciemment minimisée pour éviter que l’instrument, qui ne peut freiner sa course, dépasse son objectif, sans véritable espoir de retour.
« Succès », a tweeté la Nasa samedi soir, avec l’annonce que les petits moteurs du télescope avaient parfaitement fonctionné pendant 62 minutes. Ils seront de nouveau sollicités pour l’approche, puis l’injection finale en orbite autour du point de Lagrange 2.
La prudence de M. Zurbuchen n’était pas feinte, car si la Nasa a une grande habitude de ce genre de manoeuvres, elle va tenter une première: déployer un instrument de très grande taille dans l’espace.
Plié pour tenir dans la coiffe d’Ariane 5, comme une chrysalide d’un peu plus de 4 mètres de diamètre, l’engin fabriqué par Northrop Grumman doit déployer un miroir primaire de 6,5 m, et un bouclier thermique souple de 14 mètres sur 20, l’équivalent d’un court de tennis.
Sans espoir de sauvetage si les choses tournent mal, à cause de la distance.
La semaine qui vient va s’avérer cruciale. Environ deux jours et demi après le lancement et une deuxième correction de trajectoire, les ingénieurs du centre de contrôle du télescope, à Baltimore, vont superviser le relâchement des deux « palettes » contenant le bouclier solaire.
Cet empilage de cinq grandes voiles d’un tissu aussi fin qu’un cheveu, est la condition sine qua non au bon fonctionnement du James Webb et de ses instruments, dont la température de travail demande un froid minimum de -230°C.
Le mât télescopique portant les miroirs, encore repliés, et les instruments, va alors se dresser pour laisser la place aux deux palettes de s’ouvrir. « Notre bouclier est très similaire à un parachute, il doit être plié parfaitement pour se déployer parfaitement », expliquait, avant le décollage, Crystel Puga, ingénieure systèmes du Webb chez Northrop.
L’opération, consistant à déplier puis tendre et enfin suspendre les cinq voiles, va durer plusieurs jours et démarrer juste après le passage de la Lune. Elle implique 140 mécanismes de libération de la toile, huit petits moteurs, environ 400 poulies et 90 câbles.
Dans la deuxième semaine après le lancement, le tripode au bout duquel se tient le miroir secondaire, qui concentre la lumière du miroir primaire avant de la diriger vers un troisième miroir et les instruments, va se déplier à son tour. Laissant la place au miroir principal, plié en trois, de s’ouvrir.
Si tout s’est bien passé, viendra alors, une fois arrivé au point de Lagrange 2, la phase de réglage qui prendra quelques mois.
Elle nécessitera notamment d’aligner les 18 hexagones du miroir primaire, pour en faire l’équivalent d’une surface uniforme, avec une précision de l’ordre du dix millième de l’épaisseur d’un cheveu.
Et aussi de calibrer les instruments qui pourront alors dévoiler des choses encore jamais vues sur l’Univers. Avec un premier rendez-vous prévu en juin, six mois après le décollage.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici