Pourquoi certaines cultures ne valorisent-elles pas le sourire ?
Sourire à outrance n’est pas spécialement bien vu dans toutes les sociétés. Dans certaines circonstances, certaines cultures considèrent même le sourire comme un geste déplacé, témoignant d’une faiblesse de l’esprit ou d’une forme d’hypocrisie.
Nous vivons dans une société où garder le sourire en toute circonstance est élevé au rang de qualité quasi-absolue. De nombreuses études rapportent que les personnes souriantes sont perçues comme plus attirantes, plus compétentes, plus heureuses, voire plus intelligentes. Au point que l’absence de sourire chez une personne peut, à terme, susciter l’inquiétude chez ses proches, qui pourrait y voir un signe de détresse morale. Mais ces travaux ne prennent pas nécessairement en compte les différences qui peuvent exister entre différentes sociétés, faites de codes culturels différents.
Dans certains pays sourire à tout bout de champ ne vous vaudra pas d’être considéré comme une personne chaleureuse, ouverte, ou respectueuse. Mais plutôt comme un imbécile heureux. Ou pire encore : comme un fourbe mal intentionné. Si vous avez déjà voyagé dans des pays comme la Russie, le Japon, ou certains pays scandinaves, c’est peut-être quelque chose dont vous avez été averti.
Pour tenter de comprendre ce phénomène, le magazine américain The Atlantic déterre une enquête menée ces cinq dernières années par Kuba Krys, chercheur en psychologie sociale à l’Académie des Sciences de Varsovie, et qui a tenté de démontrer les différences de perception du sourire qui peuvent exister entre plusieurs cultures. Il a demandé à 5216 participants, appartenant à 44 cultures différentes, de donner leur avis sur l’intelligence et l’honnêteté de personnes souriant ou non sur des photos.
Première conclusion : dans des pays comme l’Allemagne, la Chine, la Suisse ou la Malaisie, les personnes souriantes sont considérées de manière significative comme plus intelligentes que les gens au visage fermé. A l’opposée, les Japonais, les Indiens, les Iraniens, et les Russes tendent à voir les personnes souriantes comme moins intelligentes.
Pour Kuba Krys, il y a une corrélation à faire avec le fait que ces derniers pays partagent ce qu’il appelle un faible niveau de « contrôle de l’incertitude », et le fait qu’on y sourit peu. Ce facteur décrit dans quelle mesure une culture se sent menacée par une situation inconnue ou un évènement inattendu. Dans un pays où le niveau de contrôle est bas, le futur est considéré comme incertain. C’est pourquoi sourire peut être considéré comme un comportement incohérent, et donc comme une preuve d’inintelligence.
Il faut toutefois prendre ce résultat avec des pincettes, car le classement des pays en fonction du « contrôle de l’incertitude » utilisé pour cette recherche est partiellement contesté. Et un autre classement existe, qui pourrait éventuellement remettre en cause le lien entre ce facteur et la perception du sourire.
L’autre conclusion, c’est que le sourire serait en berne dans les pays où le niveau de corruption est plus élevé, comme l’Argentine, l’Inde, ou les Maldives. « Cette recherche indique que la corruption au niveau sociétal pourrait affaiblir la signification d’un signal important comme le sourire, écrit Kuba Krys.
Mais il existe d’autres facteurs à qui peuvent influencer l’expression des émotions dans certaines cultures. Par exemple, le niveau de hiérarchisation d’une société. Ou son niveau de masculinité. Enfin, le bonheur n’est tout simplement pas une valeur hautement évaluée dans certains pays.
Par A.S.
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