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Parler pour atténuer la douleur des prématurés

Des scientifiques de l’université de Genève ont mis en évidence l’effet positif de la voix maternelle sur le seuil de douleur et le développement des prématurés. Une voix qui apaise.

Dans la revue La Recherche, Manuela Filippa, docteure en psychologie à l’université de Genève, expose le point de départ de ses travaux: «Il y a quinze ans, j’ai subi une césarienne d’urgence, ma fille Sofia est née prématurément, plus de deux mois avant terme. On me l’a immédiatement enlevée.» Elle évoque les raisons médicales et les risques pour l’enfant, dont les organes ne sont pas encore totalement développés. Le nouveau-né est installé dans une couveuse et soumis à une série de procédures qui peuvent être douloureuses et provoquer un état de stress. «A la clé, une possible altération à court et/ou à long terme de son développement neurocognitif, social et moteur, et des troubles, comme une sensibilité majorée à la douleur et au stress.»

Quand la mère parle ou chante, le petit devient plus stable, il subit moins d’épisodes critiques.

Pour réduire cet isolement et ces facteurs de stress, le Centre interfacultaire en sciences affectives de l’université de Genève s’est mis à chercher des solutions. En investiguant une hypothèse particulière: la voix. «Le contact vocal précoce est une stratégie de soins qui vise à réduire les conséquences à long terme de l’hospitalisation néonatale, à minimiser les effets négatifs de la naissance prématurée et à favoriser le développement positif du cerveau», précise Manuela Filippa. Cette stratégie consiste à tisser un lien entre les parents et le nouveau-né prématuré en les incitant à lui parler.

Tout comme la voix, le peau-à-peau fait partie des soins de développement bénéfiques pour les nouveau-nés.
Tout comme la voix, le peau-à-peau fait partie des soins de développement bénéfiques pour les nouveau-nés. © getty images

La recherche scientifique a prouvé que le nouveau-né est capable de reconnaître le timbre de la voix de sa mère parmi d’autres et que la présence des parents pendant la prise en charge médicale de l’enfant est une source d’apaisement.

Soulager sans médicaments

L’ équipe scientifique a observé vingt bébés prématurés à un moment précis et a effectué une prise de sang chaque jour dans leur talon. L’expérience compare trois phases: une piqûre avec absence de la mère, une autre où celle-ci parle et la dernière où la mère chante. Le tout sans contact physique. Résultat: la douleur du bébé diminue en présence de la mère et à l’écoute de sa voix. Elle passe de 4,5 à 3 sur une échelle de 21 points. Les modulations de la voix de la mère lui permettent d’adapter le ton qu’elle utilise et d’offrir des émotions différentes à l’enfant, en fonction de ses réactions. «Quand la mère parle ou chante, le petit devient plus stable, il subit moins d’épisodes critiques cardiaques ou respiratoires, commente Manuela Filippa. Il présente aussi moins d’apnées et passe plus de temps dans un état d’éveil calme, indispensable pour son apprentissage sensoriel.»

Un autre indice observé chez les nourrissons est leur taux d’ocytocine, une hormone liée à la réduction de la douleur et du stress. L’ étude confirme l’augmentation du taux de cette hormone lorsque la mère parle à son nouveau-né, de 0.8 pictogrammes par millilitre à 1.4.

L’ étude de l’université de Genève montre l’importance de la présence des parents lors du développement du nouveau-né prématuré en soins intensifs. Leur réunion et les interactions vocales permettent de réduire les réactions à la douleur et au stress de l’enfant. Une manière de l’apaiser sans avoir recours à un traitement médicamenteux et d’offrir aux parents une présence active dans le développement de leur bébé.

Les bienfaits des soins de développement

D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), environ quinze millions d’enfants naissent chaque année prématurément dans le monde. Un nouveau-né est prématuré lorsqu’il voit le jour avant 37 semaines de grossesse ou d’aménorrhée, c’est-à-dire d’absence de règles chez la mère. Les médecins parlent de grande prématurité lorsque l’enfant naît entre 28 et 32 semaines, et de prématurité extrême avant 28 semaines.

Dans la plupart des cas, les enfants sont séparés de leur mère dès la naissance pour leur assurer des soins en couveuse. Mais il existe des approches qui permettent de réduire la séparation. Parmi elles, les soins de développement, une série de stratégies non médicamenteuses pour permettre à l’enfant d’évoluer dans le meilleur confort possible.

Les soins de développement préconisent d’agir sur l’environnement: réduire l’intensité des sources lumineuses, diminuer le niveau sonore des espaces qui entourent le bébé. L’idée est simple: atténuer les stimulations excessives qui nuiraient au nouveau-né.

Ces soins impliquent directement les parents et atténuent les effets de la séparation. On citera, par exemple, le peau-à-peau, qui a un impact bénéfique à long terme et renforce l’intensité du lien affectif entre la mère et l’enfant. Mais aussi l’écoute prolongée de la voix des parents ou l’enveloppement du nouveau-né avec les mains pour l’aider à s’endormir.

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