Maryam de Nazareth, la femme derrière la légende
« Sois mère et tais-toi. » Tel semble être le mot d’ordre associé à Marie, mère de Jésus. Elle n’est pourtant pas que la « bonne petite maman » qui aide son fils à trouver sa voie.
Bénie entre toutes les femmes » (Luc 1, 42), Marie – Maryam en araméen – occupe une place essentielle dans les cultes catholique et orthodoxe. » Sainte Vierge « , » Notre Dame « , » Mère de Dieu « , elle est l’héritière des fonctions des déesses païennes Isis et Cybèle. La dévotion extraordinaire dont elle est l’objet et les traditions qui la concernent reposent surtout sur des textes apocryphes tardifs. En revanche, sa présence dans les Evangiles canoniques est très ténue. » Dans les années 50-60, Paul ignore son identité « , constatent Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, auteurs de la série d’émissions Corpus Christi (Arte) et de Jésus après Jésus (Seuil). » Il relève simplement que Jésus est « né d’une femme » (Galates 4, 4). Marie est nommée pour la première fois chez Marc, par référence à son fils : « Celui-là, n’est-il pas le charpentier, le fils de Marie ? » (Marc 6, 6). »
La mère de Jésus prend un relief légendaire dans la merveilleuse enluminure du grand prologue de Luc. L’Eglise et toute la tradition chrétienne en ont surtout retenu les phrases » je suis la servante du Seigneur » et » elle gardait toutes ses choses dans son coeur « . La première valorise les vertus féminines d’humilité et d’obéissance, la seconde assigne aux femmes un rôle muet. Mais cette image de femme soumise et silencieuse ne correspond pas vraiment à la Marie qui, dans l’Evangile de Marc, mène le » commando de Nazareth » : Marc raconte que la mère et les frères de Jésus descendent de leur village jusqu’à la ville de Capharnaüm où réside souvent Jésus, pour tenter de le ramener à la maison.
Un encombrant prophète
» L’encombrant prophète se fait remarquer et risque d’attirer l’attention des autorités à la fois sur lui et sur tout le clan « , explique Christine Pedotti. Sa famille considère que c’est un illuminé : » Il est hors de sens « , » il a perdu la tête » (Marc 3, 21). Mais le » commando » se heurte à une terrible fin de non-recevoir : Jésus dit à sa mère et à ses frères que sa vraie famille, c’est la foule » assise en rond autour de lui « . La véritable parenté est celle de l’esprit.
» Ce petit épisode a pour lui l’argument d’authenticité le plus fort, relève l’exégète suisse Daniel Marguerat : celui qu’on appelle »l’embarras ecclésiastique ». L’histoire a gêné les premiers chrétiens, qui songeaient plutôt à magnifier la mémoire de leur maître. Or, ils l’ont conservée. »
Chez Jean, la mère de Jésus, dont il ne donne pas le nom, apparaît deux fois : aux noces de Cana et au pied de la croix. La première scène ouvre la vie publique du Galiléen, la seconde la referme : au signe de Cana répond celui de la croix dans la construction du rédacteur. Lors des noces, Jésus dit rudement à sa mère, qui le sollicite, que son heure n’est » pas venue « . Son heure sera celle de la croix : » Quand son heure fut venue de passer de ce monde à son Père… « . » Nous sommes bien loin des commentaires habituels sur les noces de Cana, qui placent Marie dans le rôle d’une « bonne petite maman » qui aide son fils à trouver sa voie, commente Christine Pedotti. On trahit les écritures lorsque la figure de Marie est brandie sous le nez des femmes avec pour mot d’ordre « sois vierge et tais-toi », ou « sois mère et tais-toi ». A ceux qui jugent mon regard partisan, je réponds qu’il faut bien cela pour rééquilibrer tant de siècles de lectures masculines des écritures ! »
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