L’oiseau le plus intelligent du monde
Les corbeaux et les perroquets ont un comportement que l’on peut qualifier « d’intelligent ». Ils font parfois des choses que les tout-petits enfants ou les chimpanzés ne sont pas capables de faire.
La liste des dix espèces d’oiseaux les plus intelligentes est bien établie. Elle compte cinq corbeaux dans le sens large du terme : corneille, geai, grand corbeau, choucas et pie. Et cinq perroquets, menés par le kéa néo-zélandais, un grand oiseau à la personnalité exceptionnellement curieuse. Si vous regardez les yeux des choucas et du perroquet jaco, vous remarquerez que ces oiseaux sont plus intelligents que la plupart des animaux, y compris les animaux domestiques.
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À quel point les corbeaux sont-ils intelligents ? Pour répondre à cette question, des expériences scientifiques sont régulièrement menées. Elles sont généralement liées à une autre question : qu’est-ce que l’intelligence ? Alors que nous considérons généralement l’intelligence comme une capacité propre à l’être humain et à certains singes, certains scientifiques n’ont aucun problème à l’associer aux éléphants, aux dauphins et aux oiseaux. La plupart des gens sont indéniablement beaucoup plus intelligents, mais cela n’empêche pas qu’une certaine forme d’intelligence puisse se cacher chez les autres animaux.
Autre question brûlante : comment mesurer cette intelligence ? Beaucoup d’expériences sont basées sur des tâches dans lesquelles les humains sont particulièrement bons, mais qui ne peuvent pas être réalisées au niveau des singes ou des oiseaux. Cela peut se faire autrement. Il existe des vidéos fascinantes de chimpanzés qui, devant un ordinateur, accomplissent des tâches complexes pour tester leur mémoire spatiale de manière étonnamment insouciante. Des tâches qu’aucun être humain ne serait capable d’accomplir normalement. Le cerveau des chimpanzés est mieux adapté pour de tels exercices.
Les corbeaux et les kéas peuvent faire des choses que beaucoup de gens n’attribueraient pas aux oiseaux. Les corbeaux peuvent compter jusqu’à cinq, fabriquer des outils, partager des informations et reconnaitre des visages humains. Des observations anecdotiques montrent qu’ils savent repérer qui est un chasseur parmi les gens qu’ils voient régulièrement. Et une étude de la revue Ethology montre qu’ils peuvent résoudre un conflit interne. Si un corbeau a eu un conflit avec un « étranger », un ami corbeau peut le réconforter. Les kéas peuvent attendre d’un partenaire qu’il accomplisse une tâche complexe avec lui. Ils excellent également dans la recherche d’objets cachés.
Dans la littérature spécialisée, on peut régulièrement lire que l’intelligence des corbeaux et des kéas est comparable à celles des tout-petits ou des chimpanzés adultes. Leur cerveau est également exceptionnellement grand par rapport au reste de leur corps. Le cerveau d’un ara a la taille d’une noix, tandis que celui du macaque à la taille d’un citron. Pourtant, les aras ont deux fois plus de neurones dans la partie antérieure de leur cerveau. Leurs cellules cérébrales sont beaucoup plus rapprochées. La densité du réseau qu’elles forment est beaucoup plus importante pour le développement de l’intelligence que le volume du cerveau – c’est également le cas chez l’Homme.
Une étude intrigante publiée l’an dernier dans Scientific Reports a montré que le cerveau des perroquets et des singes subissait une « évolution convergente », dans laquelle des espèces non apparentées développent les mêmes propriétés. Au cours de l’évolution, les oiseaux et les mammifères ont acquis une structure particulière du cerveau, qui est responsable de l’échange d’informations entre deux zones principales du cerveau, le cortex et le cervelet. Mais ce lien est complètement différent chez les oiseaux. Chez les perroquets, cette connexion particulière est de deux à cinq fois plus importante que chez les autres oiseaux. Et chez les singes, elle est plus développée que chez les autres mammifères. La capacité de recueillir l’information est un paramètre important de ce que nous définissons comme l’intelligence.
Une grande mémoire
Les corbeaux de Nouvelle-Calédonie réussissent à fabriquer des hameçons à partir de fils ou de brindilles qu’ils trouvent dans leur habitat naturel. Une analyse de ce phénomène a été publiée dans Current Biology. Les corbeaux utilisent des hameçons pour « pêcher » des insectes et d’autres aliments dans des endroits difficiles d’accès. Pour certaines tâches plus difficiles, ils ont besoin de crochets plus complexes. Ils connaissent ce procédé, mais ne l’utilisent qu’en cas de besoin. Dans leur analyse, les scientifiques soulignent sans hésitation que les enfants jusqu’à l’âge de huit ans éprouvent de grandes difficultés à fabriquer de tels outils.
Les corbeaux peuvent-ils faire des projets pour l’avenir ? Cette question fait débat parmi les scientifiques. Le grand corbeau est traditionnellement associé aux sorcières et autres personnages maléfiques. Mais regardez ses yeux et étudiez son comportement, et vous le traiterez avec plus de clémence. En 2017, la revue Science publiait une étude montrant que les corbeaux peuvent se tourner vers l’avenir et anticiper. Ils l’ont fait dans des conditions de laboratoire, avec des tâches qu’ils n’auraient jamais faites dans la nature. Une flexibilité mentale qui, une fois de plus, s’approche voire dépasse celle des petits enfants. Les corbeaux peuvent, par exemple, sélectionner un objet qu’ils pourront utiliser comme monnaie d’échange pour obtenir quelque chose des chercheurs plus tard, comme de la nourriture. Les animaux puisent cette connaissance dans leurs expériences antérieures : ils utilisent le passé pour se préparer à l’avenir.
Les corbeaux sauvages, tout comme les chimpanzés, peuvent aussi mener une sorte de politique d’alliances pour atteindre (ou maintenir) un statut plus ou moins élevé dans la hiérarchie. Parfois, ils déstabilisent des alliances croissantes entre des concurrents potentiels qui pourraient éventuellement menacer leur position. Ils se souviennent également pendant au moins trois ans des animaux qu’ils ont rencontrés et la relation qu’ils entretiennent avec eux.
Une pie dans le miroir
Un chercheur suédois vient jouer les rabat-joie. Les corbeaux (ainsi que les chimpanzés) sont peut-être capables de planifier, mais ils n’ont pas besoin d’un grand esprit pour le faire. Dans Royal Society Open Science, il soutient cette thèse par des simulations informatiques sans planification à long terme. Les corbeaux et chimpanzés ‘simulés’ peuvent stocker des objets grâce à des expériences d’apprentissage, sans pour autant être conscients de leur utilisation future. Cela illustre combien il est difficile pour les scientifiques d’accepter que les animaux affichent une forme d’intelligence. On décrit des situations, aussi bien sur le terrain que dans des conditions expérimentales, d’où l’on peut presque conclure que certains oiseaux sont exceptionnellement intelligents. Les geais, par exemple, enterrent durant l’automne des stocks de noix et de glands pour l’hiver. Lorsqu’ils découvrent qu’il y a des animaux à proximité susceptibles de piller leurs réserves, ils organisent de fausses séances d’enfouissement pour les duper.
Les pies, oiseaux dénigrés par beaucoup, sont connues pour se reconnaitre dans le miroir. Les rouges-gorges ne s’en aperçoivent pas et se déchaînent violemment contre leur reflet, car ils pensent avoir un adversaire devant eux. Les pies auraient donc une forme de conscience de soi – une indication d’une intelligence croissante. Les tout-petits ne prennent eux conscience de leur propre existence qu’entre deux et trois ans. C’est peut-être pour ça que tant de gens détestent les pies : ils ne supportent pas d’avoir une forme d’intelligence non humaine dans leur environnement. Mais ils vont devoir apprendre à vivre avec les oiseaux. Une étude de Marc Herremans et Karin Gielen de Natuurpunt montre que les pies ont tendance à faire leurs nids près des bâtiments. De nos jours, elles préfèrent se reproduire dans les parcs et le long des routes plutôt que dans les zones agricoles et les forêts. Ce n’était pas le cas il y a un demi-siècle. Les pies semblent avoir appris qu’elles sont moins poursuivies qu’avant et qu’il est plus facile de vivre près des humains. Elles sont – et restent – les bienvenues.
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