L’odorat, un sens primordial pour nos expériences sensorielles
L’odorat est sans doute l’un des cinq sens les plus dénigrés chez l’être humain. Bien qu’il soit inférieur à celui d’autres animaux comme l’éléphant ou le chien, le système olfactif de l’Homme est plutôt bien développé. Il sert à s’orienter en identifiant différentes odeurs, mais il est également responsable de nos expériences sensorielles.
La société actuelle est davantage tournée vers le visuel. Or, nos expériences quotidiennes sont vécues, parfois inconsciemment, grâce à nos cinq sens. L’expérience de la nature est un exemple parfait. Une balade en forêt est expérience multisensorielle : les couleurs vives, le chant des oiseaux, le vent sur la peau, mais aussi l’odeur des arbres et plantes mettent tous nos sens en alerte. « Nos rapports avec l’environnement naturel répondent en effet à un processus complexe impliquant nos organes des pieds à la tête » développe Minh-Xuan Truong, chercheur post-doctorant au Muséum national d’histoire naturelle (France).
Truong explique que l’expérience olfactive est particulière, car inévitable : « on peut détourner le regard ou fermer les yeux pour éviter une image, on peut se boucher les oreilles pour se protéger d’un son. Mais on peut très difficilement s’extraire d’une odeur ». Partant de ce constat, le chercheur a tenté de comprendre l’expérience olfactive en interrogeant 600 usagers de plusieurs parcs de la région parisienne. Il leur a demandé de décrire ce qu’ils ressentaient en se concentrant sur l’olfaction. Leurs réponses ont ensuite été comparées à celles de personnes se promenant en ville à qui on a posé la même question.
L’étude montre un véritable contraste entre l’expérience olfactive des personnes qui se promènent en milieu et celles qui préfèrent les parcs. Pour les personnes interrogées en ville, la pollution et la difficulté à respirer revenaient le plus souvent. Les seconds soulignent par contre le rôle de « poumons verts » qu’on attribue souvent aux parcs et jardins urbains. « Les répondants parlent d’un véritable bien-être, d’une sensation de se trouver hors de leur quotidien citadin ». Ils ont l’impression de mieux respirer et oublient les odeurs de la ville.
La description de l’expérience olfactive diffère selon le type de paysage et l’usage de l’espace. Ainsi, dans un parc où le visiteur à la possibilité de s’asseoir dans l’herbe, les impressions du corps jouent également un rôle. « L’expérience se fait donc plus incarnée, vécue à travers la sensation du corps dans son intégralité ». En outre, lorsqu’un parc ou jardin permet au visiteur de s’installer dans un endroit plus isolé, l’expérience devient plus intime.
Une des conclusions de Minh-Xuan Truong est que lorsqu’on décrit une expérience olfactive de la nature, des facteurs supplémentaires aux variables environnementales interviennent comme des éléments plus personnels (souvenirs, émotions, sensations). Cela s’explique par le fait que l’odorat est intimement lié à notre mémoire. Lorsque l’on inhale, le message chimique du produit odorant se transforme en message nerveux pour qu’il puisse être « lu » par le cerveau. L’information est collectée par la cellule « mitrale » pour être envoyée dans le cortex olfactif du cerveau. Celui-ci fait partie du système limbique : lorsque l’inhalation passe par le cortex olfactif, les amygdales, qui traitent les émotions, et l’hippocampe, qui rappelle les souvenirs, sont stimulés. C’est la fameuse madeleine de Proust.
Pour le chercheur, l’expérience olfactive doit être davantage prise en compte par ceux qui souhaitent se reconnecter à la nature. Truong encourage la création de « bulles sensorielles » dans les milieux urbains avec une variété plus importante de plantes odorantes et une multiplication des lieux favorables au bien-être et à l’introspection.
Loreline Dubuisson
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