L’Europe joue sa place sur l’échiquier spatial mondial
L’agence spatiale européenne (ESA) doit décider ce jeudi de ses futurs investissements, lors d’une réunion décisive pour le Vieux continent qui entend rester un géant de l’espace sur une scène internationale bouleversée par l’apparition des nouveaux acteurs et une montée en puissance américaine et chinoise.
L’ESA demande à ses 22 pays membres, dont les ministres en charge du spatial sont réunis depuis mercredi à Séville, une contribution globale de 14,3 milliards d’euros pour financer ses nouveaux programmes, sur une période de trois à cinq ans. Un budget en nette hausse par rapport aux 10 milliards votés lors de la précédente réunion du même type, en 2016.
Cette enveloppe, qui comprend 4,3 milliards d’euros pour les programmes obligatoires (décidés à l’unanimité des Etats), s’ajouterait à la contribution de la Commission européenne déjà votée (16 milliards d’euros sur sept ans).
La France a déjà annoncé un engagement de 2,7 milliards d’euros sur cinq ans et souhaite rester le premier contributeur, devant l’Allemagne et l’Italie, de l’organisation fondée en 1975.
« C’est un niveau d’engagement ambitieux, clairement supérieur à il y a trois ans », explique-t-on dans l’entourage de la ministre française de la Recherche, Frédérique Vidal.
L’investissement demandé aux pays membres de l’ESA doit, selon cette source, « acter une nouvelle histoire en intégrant une nouvelle donne internationale ». En cause, la montée en puissance des Etats-Unis et de la Chine, qui investissent massivement dans l’espace – le budget américain est cinq fois supérieur à celui de l’ESA – mais aussi celle des pays émergents, comme l’Inde.
Pour le CNES, l’agence spatiale française, une « Europe spatiale forte passe d’abord par un accès autonome à l’espace », a plaidé son président, Jean-Yves Le Gall, mercredi à l’ouverture des débats.
Sur ce point, l’enveloppe proposée à Séville devrait permettre selon le CNES d’améliorer la compétitivité des deux lanceurs européens, Ariane et Vega, ainsi que de financer la rénovation du centre spatial guyanais de Kourou (soit 2,6 milliards).
Pesquet commandant de bord ?
Le marché des lanceurs est chamboulé par l’explosion du nombre d’acteurs privés (dont les « GAFA » du spatial, Space X en tête) qui constitue la révolution du « New Space » et s’accompagne de la multiplication des satellites miniatures et leurs applications (météorologie de l’espace, géolocalisation, objets connectés…)
La fusée Falcon 9 du milliardaire américain Elon Musk a réussi à baisser fortement ses coûts notamment grâce à la technologie du réutilisable. La réponse européenne s’appelle la future Ariane 6, dont le lancement est prévu en 2020. Elle prévoit le développement du moteur à bas coûts Promethéus et un démonstrateur d’étage réutilisable, Thémis, permettant de maîtriser les technologies de retour sur terre.
Afin d’éviter des « frictions industrielles » entre Ariane et Vega, un accord a été passé le 20 novembre entre la France et l’Italie pour que les deux lanceurs « restent complémentaires et pas concurrents », a précisé le ministère français de la Recherche.
Autre volet soumis à discussion: les programmes d’exploration (près de 2 milliards d’euros sont sur la table) comme le financement de la station spatiale internationale (ISS), les activités liées à Mars et à la Lune, dans un contexte marqué par les annonces américaines de retour sur la Lune dès 2024.
L’Europe prévoit notamment de développer un module de service pour la future mini station en orbite lunaire, Gateway.
Sur Mars, outre son projet d’exploration Exomars qui devrait partir en 2020, le Vieux continent entend jouer sa partition dans la mission américaine « Mars sample return », qui doit ramener sur Terre des échantillons de la planète rouge. « L’enjeu pour l’Europe c’est de récupérer les échantillons purs », a détaillé à l’AFP Gilles Rabin, directeur de la science au CNES.
Concernant l’ISS, la France voudrait « acter le retour en vol de Thomas Pesquet le plus tôt possible » et, avec l’objectif qu’il soit cette fois « commandant de bord ».
L’ESA débattra enfin du financement de ses nouveaux projets scientifiques dont Athena (lancement en 2031), qui sondera des lieux de l’univers jusqu’ici inexplorés, et Lisa (2034) sur les ondes gravitationnelles.
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