Le mignon, cette arme insoupçonnée qui pirate notre cerveau
Ne vous êtes vous jamais retrouvé à regarder des vidéos de chats sur YouTube, sans même savoir pourquoi et comment vous en étiez arrivé là ? Des scientifiques des quatre coins du monde ont tenté de comprendre l’influence du » mignon » sur notre cerveau.
Avec plus de 510 millions de publications arborant le hashtag « cute » sur Instagram ou les milliers de vidéos d’animaux circulant sur YouTube et Facebook, le monde n’a jamais autant prouvé sa fascination pour tout ce qui est mignon. Les animaux de compagnie ont même leur propre compte Instagram, attirant des milliers de followers tous plus « gagas » les uns que les autres. À travers diverses études, la Faireparterie, spécialiste du faire-part, s’est intéressée à cette émotion si complexe et pourtant si révélatrice de la psychologie humaine.
Qu’est-ce que le « mignon » ?
« En japonais, le mot kawaii peut être traduit par « adorable » mais se réfère en premier lieu à la pitié. En français, on se laisse attendrir [ou même charmer] et en anglais, l’exclamation aww, inscrite au dictionnaire, fait office de description « , tente de définir l’étude. Difficile de décrire avec des mots l’émotion ressentie en percevant le mignon.
Les dictionnaires additionnent les synonymes et les exemples, pour se rapprocher au mieux d’une tentative de définition. Sans grand succès.
Qui a du charme, une certaine grâce, qui est joliment arrangé, décoré : Qu’elle est mignonne cette petite fille ! C’est mignon chez vous. Familier. Doux, gentil, aimable : Les enfants ont été très mignons ce week-end. – Le Larousse
Déjà en 1949, l’émotion pique la curiosité d’un certain Konrad Lorenz (ethnologue), qui établit alors une théorie sur l’effet du mignon sur notre cerveau. D’après son « Kindchenschema » ou « schéma du bébé« , les humains sont prédisposés à répondre de manière stéréotypée aux caractéristiques juvéniles – généralement un visage rond, le front haut, de grands yeux, un petit nez et une petite bouche – avec un fort désir de protéger. « Il s’agit chez l’humain, comme chez la plupart des animaux, d’un stimuli supranormal : une tendance évolutive à l’attrait vers l’exagération« , explique l’étude.
Le mignon limité dans le temps
Le mignon a pourtant une date de péremption. Le trio de chercheurs Zhu Luo, Hong Li et Kang Lee a en effet déterminé que les nourrissons atteignent leur « pic de mignon » à six mois, et perdent leur « charme » à quatre ans et demi.
Pour leur étude, ils ont demandé à 60 participants de choisir, parmi une sélection de photos d’enfants de la naissance à 6 ans, les bébés qu’ils trouvaient les plus mignons. Ils ont alors observé que la majorité des participants avaient attribué les caractéristiques du mignon aux bébés âgés de 6 mois. Un pic qui serait dû à la boîte crânienne très développée de l’enfant.
Ce stade durerait jusque quatre ans et demi, notamment à cause de la structure faciale du bambin, qui tend à changer, entraînant alors une modification de perspectives chez l’adulte envers l’enfant.
Quelques chiffres
- Les images mignonnes augmentent la productivité de 30 à 50 %
- Le cerveau adulte réagit en 50 millisecondes au son d’un bébé
- La survie des nouveau-nés dépend du fait qu’ils sont mignons : il est prouvé que leur odeur active la zone cérébrale de récompense
- Regarder des vidéos mignonnes sur le web est bon pour le cerveau : elles ont un effet positif sur l’état émotionnel
- On compte moins de 100 études sur le mignon mais plus de 1000 sur la peur
L’agression du mignon
Difficile de résister à l’envie irrépressible de pincer les joues d’un bébé, de mordiller le ventre ou l’oreille d’un chat ou de simplement écrabouiller un chihuahua ? Rassurez-vous, ce phénomène ne fait pas de vous un monstre. Surnommée « agression du mignon », cette réaction est tout à fait normale et plutôt courante.
Ce sont des chercheuses de l’Université de Yale, Rebecca Dyer et Oriana Aragon, qui ont observé en premier ce phénomène. Elles ont dans un premier temps distribué du papier bulle à un groupe de participants, avant de leur montrer différentes images (d’animaux, de bébés ou d’autres sujets moins mignons). Elles ont alors constaté qu’un grand nombre de bulles étaient éclatées lorsque les participants regardaient des images mignonnes.
Si ce sentiment n’a pas encore trouvé d’explication concrète, certains estiment qu’il pourrait s’agir d’une réaction de notre cerveau lorsqu’il est submergé par des émotions positives. Mais attention, cela n’excuse pas la maltraitance animale. Car si le phénomène d’ « agression du mignon » nous donne effectivement l’envie de mordre, de pincer, ou d’écraser, il y a peu de chance de réellement basculer vers une réaction physique négative.
Une productivité augmentée
Lors d’une expérience menée par des chercheurs japonais, on a découvert que les images mignonnes amélioraient la productivité des participants. Pour arriver à une telle conclusion, il a été demandé à deux groupes de jouer à un jeu de dextérité mondialement connu, « le Docteur Maboule ». L’un des deux groupes, confronté auparavant à des images mignonnes et attendrissantes, avait des meilleurs résultats que le second groupe.
Selon les chercheurs, les images mignonnes augmentent l’étendue de notre attention, et c’est ce qui permet donc « de mieux performer à des tâches qui requièrent de la minutie et de la concentration« , résume l’étude de Faireparterie. De la même manière, un objet mignon va transformer l’attitude d’un individu envers celui-ci. Les personnes en prendront généralement plus soin et le considéreront comme plus attirant.
Selon Nathan Uyttendaele, youtubeur qui vulgarise la science, on comprendrait plus facilement un sujet complexe grâce au mignon. »Intégrés dans un contenu, les chats permettent de rendre le sujet plus léger. Les statistiques et les mathématiques en particulier sont particulièrement difficiles à vulgariser. Une équation ne sera jamais aussi spectaculaire qu’une fusée, un animal exotique, une expérience chimique ou un trou noir. Pour moi, ajouter des chats dans le problème aide à arrondir les angles« , explique-t-il.
Les animaux mignons moins menacés d’extinction
Une récente étude australienne va même plus loin : les animaux « moches » seraient plus menacés d’extinction que leurs semblables aux physiques plus attrayants. Les chercheurs ont comparé des études réalisées sur différentes espèces animales et ont observé que les scientifiques portent plus d’attention à des animaux comme les kangourous ou les koalas qu’aux chauves-souris et autres rongeurs (80 % des études leur sont consacrés comparés à 11 % pour les rongeurs).
Autre découverte : les donateurs, lorsqu’ils ont l’occasion de choisir l’espèce qu’ils veulent protéger, préfèrent donner de l’argent à des animaux mignons. Ainsi, les pandas roux attirent toujours plus que la tortue géante à carapace molle. En Angleterre, l’association « Ugly Animal Preservation Society » sensibilise depuis 2012 à l’extinction des animaux moches.
On le remarque, outre la sensation de joie, d’agression positive et une concentration accrue, ce qui est mignon aura tendance à déclencher davantage de compassion chez l’être humain. Et l’arrivée d’Internet et des réseaux sociaux décuple cet effet sur notre cerveau. Les stars du web à quatre pattes, comme Grumpy Cat ou Jiffpom le Pomeranien, reflètent bien notre obsession pour tout ce qui est mignon.
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