La lapidation du Tupperware
A l’heure où sort le documentaire Plastic Planet, très critique pour l’industrie du plastique, le consommateur ne sait plus à quels matériaux se vouer. Est-il dangereux de vivre entouré de plastique ? Pas forcément, répond le toxicologue Dominique Lison.
On ne le voit plus tant il est omniprésent. On en produit pourtant 260 millions de tonnes par an, dont une infime partie est recyclée. Le plastique est partout : dans nos bouteilles, nos voitures, nos brosses à dents, nos ordinateurs, nos vêtements, nos lunettes… Le monde ne peut plus se passer de ce matériau incassable, qui permet tout et qui ne coûte pas cher. Mais à quel prix ?
Le réalisateur allemand Werner Boote livre, dans son documentaire Plastic Planet (1), d’inquiétantes conclusions à ce sujet. Sur la base de témoignages recueillis en Chine, en Autriche, au Maroc, aux Etats-Unis ou encore en Ouganda et d’avis de spécialistes, le cinéaste affirme que les matières plastiques ont un impact réel sur l’état de santé humaine. « Nous possédons tous plusieurs substances issues du plastique dans le sang », lance ainsi Werner Boote.
Des solutions de remplacement existent pourtant comme le verre, certes plus lourd mais recyclable, ou le bioplastique. « Pourquoi ne changeons-nous pas nos habitudes de consommation ? C’est aux consommateurs et aux responsables politiques d’agir, et de pousser les industriels du plastique à modifier leurs comportement », conclut le cinéaste.
« Ce n’est pas parce que l’homme est exposé à des matières plastiques qu’il est forcément en danger », nuance le Dr Dominique Lison, professeur de toxicologie à l’UCL. Interview.
Le Vif/L’Express : Le plastique est-il forcément nocif pour la santé de l’homme ?
Dr Dominique Lison : En lui-même, le plastique est inerte, donc inoffensif. Ce sont les additifs (Bisphénol A, phtalates, cadmium, plomb, nanoparticules) qui peuvent poser problème. Utilisés pour améliorer les propriétés des polymères, ils n’y sont pas toujours fixés et peuvent donc être facilement relâchés. De la même manière, lorsque les polymères sont brûlés, les substances dégagées sont nocives. Les industriels du plastique et la société devraient davantage penser en amont aux implications des choix posés, en termes d’impact sur la santé, sur l’environnement, sur le cycle de vie du produit fabriqué…
Concrètement, quels sont les effets de ces additifs sur la santé ? Le Bisphénol A, par exemple, à très fortes concentrations, peut avoir un effet négatif sur la maturation sexuelle du foetus et engendrer des problèmes de reproduction chez les adultes. Mais les doses doivent être beaucoup plus fortes que celles auxquelles les humains sont normalement exposés. En avoir dans le sang n’est pas forcément grave : tout dépend de la concentration. Cette problématique du Bisphénol A me semble avoir été exagérée. Quant aux phtalates, certains causent des malformations congénitales. Cela a été prouvé en laboratoire, mais, encore une fois, tout dépend de la concentration à laquelle on est exposé. Cela dit, bien sûr, si on peut utiliser des plastiques sans phtalates, faisons-le.
Selon vous, il n’y a donc pas de danger à vivre entouré de plastique ?
Il faut distinguer le danger, qui représente le dommage potentiel qu’une matière peut causer, et le risque que ses effets surviennent, en fonction de la dose avec laquelle on est en contact. Les instances de contrôle gèrent le risque en limitant l’exposition, les composants ajoutés au plastique, etc. Il faut leur faire confiance. Sérieuses, elles fixent des règles sur la base de connaissances scientifiques avérées et revoient leur position en fonction de l’évolution des recherches.
Indépendamment de ces règles, certains poissons que l’on retrouve dans la chaîne alimentaire, absorbent déjà du plastique en mer…
Oui. C’est toute la question du cycle de vie et du recyclage des déchets qui se pose.
LAURENCE VAN RUYMBEKE
(1) Sorti en salle le 20 avril.
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