Instaurer un temps unique mondial pour changer notre rapport au temps
Et si on instaurait un temps unique mondial ? Deux universitaires proposent d’en finir avec les fuseaux horaires. Le but : changer notre rapport au temps et nous simplifier la vie.
Alors que l’on évoque de plus en plus la fin du système de changement d’heure en Europe, des chercheurs proposent d’abolir les fuseaux horaires et d’instaurer un temps universel au niveau mondial. L’idée nous amènerait à repenser complètement notre rapport au temps, sans modifier notre routine. Nous ferions toujours les mêmes choses, dans le même ordre, mais à des heures différentes. Pour les deux hommes, interviewés par le Washington Post, les communications, les voyages et le commerce international en seraient simplifiés. Quant à l’heure locale – le système actuel -, cela « fonctionnait bien, quand toutes les activités étaient locales. Aujourd’hui, la plupart des activités sont mondiales, et il est temps d’établir une heure universelle », argumentent-ils.
Fuseau horaire unique
La petite île de Sommarøy (Norvège) annonçait au mois de juin vouloir abolir le concept de « temps », pour que la vie de ses habitants se laisse bercer par les rythmes naturels du jour et de la nuit. Si cela s’est avéré être un coup de pub touristique, l’idée de revoir complètement les concepts de temps, d’heure et de journée fait son bout de chemin dans certains esprits. C’est ce que Steve Hanke, professeur d’économie appliquée, et Dick Henry, professeur de physique et d’astronomie à l’Université Johns Hopkins s’efforcent de faire en argumentant en faveur d’un « Temps universel », une sorte de fuseau horaire unique pour tout le globe.
D’où viennent les fuseaux horaires ?
Avant l’introduction de l’horloge mécanique, on exprimait le temps en fonction des cadrans solaires. Le temps était donc différent d’une zone à l’autre, parfois même peu éloignées. Les fuseaux horaires ont été créés par un ingénieur d’origine écossaise, Sir Sandford Fleming, à la suite de l’agacement d’un train manqué en Irlande en 1876. Il proposa ainsi une seule horloge de 24 heures pour tout le globe, avec des divisions liées arbitrairement au méridien de Greenwich.
Le temps et la façon de le gérer est parfois historiquement problématique. Certains Etats décident ainsi de changer d’heure, ou de fuseau, ce qui rompt l’harmonie du système. Mais même sans ces changements, les décalages sont présents partout. Ainsi, si la Russie contient 11 heures différents, la Chine n’en a qu’une seule ; l’Espagne suit l’heure d’Europe Centrale (CET) alors qu’elle est géographiquement sur la même zone que le Royaume-Uni. Les fuseaux horaires ont également subi de nombreux changements, pour des raisons politiques ou commerciales. Parmi les exemples, le parti communiste chinois qui a aboli les fuseaux horaires en 1949 pour ne garder que « l’heure de Pékin ».
Aujourd’hui, l’heure mondiale, réglée sur le temps universel coordonné (UTC), est déjà utilisée par différents secteurs : les pilotes de ligne, la finance et le commerce international, pour s’assurer que les transactions sont effectuées en même temps. Et pourquoi pas l’instaurer pour tout le monde ? Concrètement, s’il est 15h à Londres, il sera 15h à Bruxelles, New York ou encore Tokyo. Des pays comme l’Inde et la Chine, grands pays qui n’ont pourtant qu’une seule heure, sont un exemple de ce que cela pourrait donner. Entre les gens à l’Est et à l’Ouest du pays, il y a plusieurs fuseaux horaires. Pourtant, tous sont à la même heure : certains se lèvent pour aller au travail ou à l’école lorsqu’il fait encore nuit, tandis que d’autres quittent le travail quand la nuit tombe.
Heure solaire et rythme circadien
Si les fuseaux horaires ont parfois pris une tournure politique, ils sont surtout associés à de graves conséquences sur la santé. En Inde, tout le monde respecte les mêmes heures de travail, mais le fuseau horaire est unique. Ainsi, ceux qui se trouvent à l’Ouest ont tendance à se coucher plus tard, mais ne se lèvent pas plus tard. Ce rythme décalé perturbe les cycles de sommeil et peut avoir un grand impact sur les personnes ayant besoin de repos, comme les enfants par exemple. Des études ont révélé le même effet à l’ouest des fuseaux horaires aux États-Unis. Dans ces régions, les taux de cancer du sein, d’obésité, de diabète et de maladies cardiaques sont plus élevés. Cela s’explique principalement par la perturbation chronique des rythmes circadiens associée au fait de devoir se réveiller dans l’obscurité, indique Wired.
Le temps unique pourrait-il résoudre certains de ces problèmes ? Selon Hanke, sans les contraintes imposées par un fuseau horaire particulier, les différentes régions seraient libres de modifier leurs horaires de travail et leurs horaires locaux, en se basant par exemple sur le jour et la nuit. « Vous seriez plus en phase avec les rythmes circadiens, parce que les heures locales seraient fixées en fonction du soleil ou des habitudes sociales locales, qui seraient davantage axées sur le soleil que sur les fuseaux horaires », explique-t-il. Si cela apporterait au début son lot de perturbations, de nombreux scientifiques semblent en faveur de de l’heure solaire. Hanke pense que cette option est « inévitable ».
Notre rapport au temps pourrait ainsi être simplifié : plus besoin de calculer l’heure qu’il est à l’autre bout de la planète. Mais cela pourrait tout aussi bien inverser le problème : comment savoir si c’est le matin, le soir ou à midi dans un autre pays ?
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici