Face aux dangers de l’espace, l’ESA imagine des parades
Astéroïdes menaçants, débris spatiaux toujours plus nombreux, éruptions solaires: le ciel au dessus de nos têtes recèle d’importantes menaces que l’Agence spatiale européenne veut mieux observer tout en préparant des parades possibles.
« Il est temps d’agir et de prendre des décisions concernant les menaces que l’espace recèle pour notre planète, la vie sur Terre, nos infrastructures et nos astronautes », souligne Rolf Densing, chef du Centre européen des opérations spatiales (ESOC) à Darmstadt (Allemagne). Le directeur général de l’agence Jan Wörner compte demander aux pays membres de l’organisation une augmentation significative de l’effort consacré à la sécurité de l’espace lors de la réunion du Conseil de l’ESA au niveau ministériel en novembre à Séville. Jan Wörner va proposer de doter ce programme d’une enveloppe globale de 600 millions d’euros sur trois ans, ce qui permettrait de donner un puissant coup d’accélérateur aux efforts de l’ESA dans ce domaine.
L’agence européenne voudrait contribuer à la spectaculaire mission américaine DART, qui consistera à faire s’écraser une sonde sur la Lune d’un astéroïde lointain, Didymos, afin de modifier la trajectoire de celle-ci. La collision avec le satellite naturel, surnommé « Didymoon » est prévue fin 2022. Elle sera observée par des télescopes depuis la Terre. Le but est notamment d’apprendre à dévier d’éventuels astéroïdes qui pourraient menacer un jour la Terre.
Inspecter les dégâts
L’ESA se propose d’envoyer une petite sonde, nommée Hera, un peu plus tard, en 2024, pour constater les effets de l’impact sur « Didymoon » qui mesure environ 160 mètres. Hera, qui arrivera en 2026, sera dotée de caméras mais aussi de nano-satellites « CubeSats », qui se poseront en douceur sur Didymoon. Le budget de la mission se monte au total à 290 millions d’euros pour six ans, précise Ian Carnelli, pilote du projet. A Séville, les Etats membres se verront demander 140 millions d’euros pour trois ans. Les coûts ont été nettement réduits par rapport à une première version de la mission, baptisée AIM. Elle devait arriver sur place avant DART afin d’être aux premières loges lors de l’impact. Mais elle a été retoquée par les Etats membres de l’ESA en 2016.
« Nous sommes très motivés », souligne Ian Carnelli. Reste à convaincre les pays de l’ESA, notamment la France qui pour le moment ne soutient pas le projet. L’ESA travaille également à mieux détecter les astéroïdes potentiellement dangereux pour les Terriens en installant des télescopes « oeil de mouche », qui offrent un très large champ de vision et permettent de surveiller toute la voûte céleste. Un premier va être construit en Sicile. Un second est dans les tuyaux, pour être installé au Chili. L’ESA a signé un accord en ce sens avec l’Observatoire européen austral (ESO) qui opère là-bas, indique Nicolas Bobrinsky, chef du programme de surveillance de l’espace (SSA), qui réunit 19 Etats membres de l’ESA sur 22. Les fonds nécessaires à son financement seront demandés à la ministérielle de Séville. Un troisième télescope est prévu plus tard.
Capturer un satellite
Face à la multiplication impressionnante des débris spatiaux – on en dénombre plus de 20.000 en orbite autour de notre planète – , l’ESA cherche aussi à développer des technologies pour neutraliser les plus dangereux. Elle réfléchit à une mission de désorbitation d’un satellite. Il s’agirait d’envoyer un engin chasseur le capturer avec un bras pour le faire rentrer de façon contrôlée dans l’atmosphère.
L’ESA n’a pas encore choisi la cible. S’agira-t-il d’Envisat, un gros satellite européen d’observation de la Terre qui n’est plus en fonctionnement? L’opération coûterait 350 millions d’euros. Le débat est en cours. « Le plus probable, c’est que nous allons choisir un petit objet, ce qui ramènera le coût de la mission à 30 millions d’euros », souligne Nicolas Bobrinsky.
L’ESA veut également se donner les moyens de mieux surveiller l’activité du Soleil et notamment ses éruptions qui s’accompagnent parfois d’une éjection de matière (des particules accélérées) dans l’espace. Cela peut provoquer de gros problèmes pour les télécommunications et les réseaux électriques sur Terre et mettre en danger les astronautes dans l’espace en raison des fortes radiations. Elle propose une mission de météorologie spatiale à destination du point Lagrange 5, un point virtuel de l’espace, très bien situé pour observer ce qui se passe sur le Soleil. Cela permettrait de repérer plus tôt les événements solaires, un gain de temps précieux pour se préparer. Cet observatoire solaire pourrait être lancé en 2025. Son coût est d’environ 500 millions d’euros, précise Jussi Luntama, chef du bureau de météorologie spatiale à l’ESA.
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