Et si le mystère de l’évolution humaine se trouvait dans le sinus ?
Des paléoanthropologues ont réalisé la première étude d’envergure sur les sinus de la plupart des espèces humaines et grands primates, pour mieux comprendre l’évolution humaine.
Les sinus frontaux « participent à l’équilibre physiologique de la face, en lien avec la respiration », explique Antoine Balzeau, paléoanthropologue au Muséum national d’histoire naturelle. Mais l’origine et l’évolution de ces cavités situées au-dessus des cloisons nasales, tout près du cerveau, reste largement un mystère. L’étude publiée dans Science Advances est la première à recenser la position, forme et taille des sinus de « plus d’une soixantaine de spécimens et pas loin d’une vingtaine d’espèces », souligne M. Balzeau, son auteur principal.
La coopération exceptionnelle d’une large équipe internationale, inhabituelle en anthropologie – domaine où les institutions détentrices de fossiles rechignent souvent à en partager l’étude – a permis d’obtenir les scanners de « quasiment tous les fossiles humains », indique le scientifique.
L’étude établit pour la première fois une distinction très claire entre deux grands groupes. Chez les grands singes – chimpanzés, bonobos et gorilles – mais aussi les premières espèces de la lignée humaine, de « Sahelanthropus tchadensis » (Toumaï) jusqu’aux australopithèques (Lucy) et paranthropes, la taille des sinus frontaux est directement liée à celle de leur boîte crânienne.
Tout change pour la lignée humaine avec le genre Homo, dont Homo erectus, il y a environ deux millions d’années. L’augmentation de la taille de la boîte crânienne des espèces du genre Homo voit alors « les sinus en général devenir plus petits par rapport à la taille du crâne et plus contraints par la forme du visage », dit M. Balzeau. A cela s’ajoutent de fortes variations y compris au sein d’une même espèce, et particulièrement pour Homo sapiens, ancêtre de l’homme moderne. Cette diversité remet en cause bien des hypothèses, comme celle attribuant à Néandertal de grands sinus, censés avoir favorisé son adaptation à un climat froid.
L’étude montre ainsi que chez Sapiens, « ce n’est pas le facteur climatique qui semble influer sur la taille des sinus frontaux« , selon lui. « Cela ne s’est pas fait chez Homo sapiens, donc il n’y a pas de raison que ça se soit arrivé chez Néandertal », selon M. Balzeau. L’étude apporte une nouvelle touche à la description des particularités des groupes humains. Et pose la question de la classification de trois spécimens pour l’instant inclassables du genre Homo (Petralona, Bodo et Broken Hill) dotés de sinus gigantesques, « un truc hyper-particulier », remarque M. Balzeau, dont les travaux aideront peut-être un jour à déterminer à quelle espèce ils appartenaient.