Nouveaux OGM: « Veut-on vraiment qu’ils soient dans notre assiette à notre insu ? »
La Commission européenne veut que les ‘NGT’, nouveau type d’OGM, ne soient plus considérés comme tels. Si la proposition est votée, il ne sera plus possible de savoir que le contenu de votre assiette a été génétiquement modifié.
OGM et NGT : ces deux acronymes en trois lettres désignent les organismes génétiquement modifiés et les ‘nouvelles techniques génomiques’. Ces NGT sont en fait de nouveaux types d’OGM. Afin d’en faire profiter l’industrie agricole à grande échelle, la Commission européenne souhaite que ces NGT ne soient plus concernées par les règles strictes qui s’appliquent aux OGM.
Les organismes génétiquement modifiés doivent respecter certains standards en matière de traçabilité, d’étiquetage, d’autorisation de mise sur le marché et d’évaluation des risques. Une plante issue des NGT ayant subi moins de 20 modifications génétiques ne serait plus concernée par ces règles. Autre garde-fou prévu : les ‘nouvelles techniques génomiques’ seront interdites dans l’agriculture biologique.
Justification de la Commission : les NGT n’introduisent aucun gène étranger dans les végétaux modifiés, au contraire des OGM traditionnels. Les mutations opérées sur les semences via les ‘nouvelles techniques génomiques’ se produisent naturellement, mais moins rapidement. L’objectif est donc de rendre ces mutations génétiques plus efficaces, pour rendre les variétés plus résistantes. « Par exemple, les NGT permettent, en croisant les propriétés de trois variétés de tomates, d’obtenir la tomate idéale », explique Hervé Vanderschuren, professeur de génétique végétale à la KULeuven et Agro-Bio Tech Gembloux.
Quels effets sur la santé et l’environnement ? Les NGT ne font pas l’unanimité
La proposition de la Commission européenne a provoqué une levée de boucliers de la part d’ONG environnementales, ainsi que de la gauche politique. « En tant qu’écologistes, nous sommes opposés par principe aux OGM, qui contreviennent au principe de précaution », indique l’eurodéputée belge Saskia Bricmont (Ecolo).
« Veut-on vraiment que ces nouveaux OGM se retrouvent dans notre assiette à notre insu ? »
Saskia Bricmont (Ecolo)
Pour elle, les NGT posent plusieurs problèmes. « Veut-on vraiment que ces nouveaux OGM se retrouvent dans notre assiette à notre insu ? On ne connait pas encore leurs effets sur l’être humain, la nature et les animaux ». L’eurodéputée écologiste estime que les nouveaux OGM seraient une entrave au droit à l’information. « Avec ces NGT, l’industrie cherche à contourner la législation sur les OGM. Imaginez maintenant qu’un scandale sanitaire éclate à cause des NGT, et qu’on ne puisse en déterminer l’origine ».
Selon Hervé Vanderschuren, cet argument ne tient pas la route. « En 1990, on pointait déjà les dangers de l’arrivée des OGM. Trente ans plus tard, les conséquences sur la santé humaine n’ont toujours pas été démontrées par les scientifiques. L’innovation, ça fait peur ».
« Certains lobbys verts utilisent les OGM pour attiser la peur »
Le ministre de l’Agriculture David Clarinval (MR), est favorable aux nouveaux OGM. « Ils permettraient aux agriculteurs de produire en quantité et qualité, tout en touchant un revenu décent ». Au vu des nombreux défis rencontrés par le secteur agricole, le libéral estime « qu’atteindre ces objectifs ne se fera pas avec des techniques ancestrales ». Et que les NGT – « déjà utilisés dans le reste du monde » – permettront, tout en augmentant le rendement des agriculteurs, d’utiliser moins de pesticides.
Il faut éviter une mainmise des gros acteurs sur les brevets liés à ces NGT
Le ministre de l’Agriculture David Clarinval (MR)
Un argument inaudible pour Saskia Bricmont. « Aux Etats-Unis et au Brésil, l’utilisation massive d’OGM et de NGT a augmenté l’usage de pesticide ». L’eurodéputée écologiste voit dans cette nouvelle technologie le soutien à un modèle d’agriculture intensif et industriel, qui favorise les grandes exploitations.
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Mais selon David Clarinval, des garde-fous existent pour garantir un accès large aux nouveaux OGM. « Il faut éviter une mainmise des gros acteurs sur les brevets liés à ces NGT, afin que le plus d’agriculteurs possible puissent utiliser les semences ». Hervé Vanderschuren rejoint le ministre belge de l’Agriculture. « Les normes actuelles liées aux OGM favorisent les grandes entreprises, alors qu’une régulation moins forte pourrait permettre aux PME d’utiliser les NGT ».
Un premier vote est survenu fin novembre au sein du Conseil des ministres de l’Union européenne. Aucun accord n’a pu être trouvé sur la déréglementation des nouveaux OGM. Lors de ce vote, la Belgique s’est abstenue. En février, le Parlement européen se penchera sur la proposition de la Commission.
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