De l’or dans les égouts bruxellois
Des scientifiques chaussent la casquette des orpailleurs. Pour extraire de l’or des eaux usées qui se déversent dans la station d’épuration de Bruxelles-Nord, ils développent des techniques à base de levures et de nanoparticules.
Pas moins de neuf kilos d’or sont charriés chaque année par les égouts de la capitale. Le projet Sublimus, financé par la Région bruxelloise, s’est donné comme objectif de les récupérer. « De quoi couvrir 50% des importations annuelles d’or par la Ville de Bruxelles », indique Natacha Brion, bioingénieure et responsable du projet de recherche pour la VUB. Mais comment ce métal précieux se retrouve-t-il mêlé aux eaux usées? D’une part, il est excrété dans les urines d’utilisateurs de certains médicaments contenant de l’or, comme ceux traitant les rhumatismes. De l’autre, à chaque fois que l’on prend une douche ou qu’on se lave les mains, nos bijoux s’érodent.
L’étape suivante: faire en sorte que le coût d’extraction soit au minimum égal à la valeur de l’or extrait.
La station d’épuration de Bruxelles-Nord traite les trois quarts des eaux usées de la capitale. Elle est aussi la plus grande usine OVH d’Europe. Derrière cet acronyme se cache un traitement rare et particulier, celui de l’oxydation par voie humide. Il consiste à appliquer de hautes pressions et température aux boues humides, tout en injectant un gaz oxydant, à savoir de l’oxygène pur. En bout de processus, la quasi- totalité (97%) de l’or se retrouve dissous dans les eaux résiduelles, en une concentration de l’ordre de 100 µg/l (0,000001 g/l). « Soit une concentration mille fois supérieure à celles que l’on retrouve dans les eaux usées que les égouts acheminent à la station d’épuration. »
Fixer l’or
S’il s’y trouve davantage concentré, l’or n’est pas le seul métal à être dissous dans cette matrice liquide. Pour l’extraire de manière spécifique, les chercheurs ont élaboré deux techniques, dites « d’adsorption ». C’est-à-dire utilisant des éléments dont la surface a la capacité de fixer l’or de manière provisoire.
La première, exploitant des levures de bière, est le fruit de l’imagination de scientifiques du laboratoire de chimie analytique de la VUB et du Labiris. « Sur leur surface, les levures possèdent des macromolécules chargées positivement qui, tel un aimant, attirent les anions – les ions négatifs – et donc l’or, lequel est sous forme anionique à ce stade du traitement. Les levures à bière sont des gros pièges à or. En les versant dans des échantillons d’eaux résiduelles, l’adsorption d’or est rapide, et on arrive à capter 70% de l’or présent dans la solution », précise la chercheuse. La seconde technique, développée à l’ULB, consiste en des nanoparticules sur lesquelles les chercheurs greffent des molécules organiques attirant les ions négatifs. « Une fois que l’or est attaché aux nanoparticules, on peut facilement l’obtenir purifié. »
Si les deux méthodes fonctionnent, il faut désormais les optimiser. « Nous essayons d’augmenter notre rendement, c’est-à-dire le pourcentage d’or que l’on parvient à extraire des eaux usées initiales. Mais aussi de diminuer la quantité de réactifs chimiques nécessaires. C’est crucial car, actuellement, de très gros volumes de réactifs sont utilisés, avec des répercussions sur les coûts, très élevés. Cependant, il faut que le Neuf . » C’est la condition sine qua non avant toute industrialisation du processus.
Les boues incinérées suscitent aussi la fièvre de l’or
Initialement, l’or se concentre dans les boues des stations d’épuration. Si la station Bruxelles-Nord les traite grâce à la technologie OVH (oxydation par voie humide), laquelle permet de faire passer l’or d’une phase solide à une phase liquide, ce n’est pas le cas de la station Bruxelles-Sud. Ni de la plupart des stations d’épuration belges et européennes. En effet, de par le monde, quelque 90% des boues sont en réalité traitées par voie d’incinération. Face à ce constat, les chercheurs belges développent une autre approche afin d’extraire l’or des boues incinérées. « Ces cendres, il faut tout d’abord les mettre en solution. Et ce, en utilisant des solvants connus pour leur faible impact environnemental. Nous sommes en train de finaliser l’optimisation de cette phase de solubilisation, précise Natacha Brion. D’ici peu, nous lancerons des tests d’extraction de l’or avec les levures de bière et les nanoparticules aimantées. Comme les caractéristiques de ce milieu, notamment en termes d’acidité, sont différentes de celles des eaux résiduelles du traitement OVH, la portion d’or extraite devrait également être différente. » En mieux ou en moins bien? L’ avenir le dira.
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