Ce que le Covid nous a appris: une vision intégrée du système immunitaire
Immunologie, pneumologie, cardiologie, pédiatrie… En deux ans de Covid, la recherche scientifique et l’expérience de la pandémie ont donné lieu à de grandes avancées dans plusieurs domaines. Voici les bonnes nouvelles de la crise sanitaire.
Nous ne sommes pas égaux face au virus. Les études ont révélé quelques surprises et ont poussé les médecins à se questionner davantage sur la manière dont notre système immunitaire active ses lignes de défense et sur celle dont le virus parvient à les contourner.
« La Covid-19 nous a appris que nous nous défendons face au corona grâce à plusieurs mécanismes, intervenant à différents stades de l’infection. Immédiatement après celle-ci, des cellules présentes dans nos voies aériennes supérieures – le nez et le pharynx – produisent des substances antivirales que l’on appelle interférons. Lorsque la production de ces interférons est déficiente pour des raisons génétiques ou lorsque leur activité est entravée, le virus peut se multiplier très rapidement et gagner les poumons où il cause des dommages considérables à l’origine des formes graves de la maladie, retrace Michel Goldman, professeur émérite d’immunologie à l’ULB. Chez les individus vaccinés, les anticorps induits par la vaccination représentent une deuxième ligne de défense très importante car ils empêchent le virus de pénétrer dans nos cellules. Ils limiteront aussi la quantité de virus libérée dans l’air, et donc réduiront le risque de transmission du virus d’une personne à l’autre. Avec l’émergence d’Omicron, il est apparu que les mutations de ce variant lui permettent d’échapper partiellement à l’action neutralisante des anticorps induits par les vaccins. » « Pourtant, poursuit Michel Goldman, la vaccination continue à très bien protéger des formes graves, grâce à une troisième ligne de défense: celle assurée par les lymphocytes tueurs qui détruisent les cellules infectées par le virus. Ces lymphocytes tueurs apparaissent en nombre après la vaccination. Certains se localisent dans les poumons où ils représentent des sentinelles importantes en cas d’infection. »
Marqueurs sanguins
Les recherches ont aussi mis en évidence de multiples marqueurs sanguins corrélés à la sévérité et à l’évolution de la maladie. La traque de ces caractéristiques biologiques n’a rien d’extraordinaire en soi. Elle sert aussi à évaluer la probabilité de la présence de cancers – et leur potentielle récidive – , de maladies infectieuses, inflammatoires ou des fibroses pulmonaires, pour ne citer que quelques exemples. Mais dans le cadre de la Covid-19, elle a donné d’autres clés de compréhension, comme l’explique Julien Guiot, chef de clinique au service de pneumologie du CHU de Liège: nous avons utilisé des biomarqueurs développés précédemment pour l’évaluation de certaines pathologies et évalué leurs potentielles caractéristiques communes avec l’infection par Covid-19. Plusieurs pistes ont pu être dévoilées, permettant d’identifier des marqueurs associés à la sévérité de la maladie, ce qui nous a autorisés à orienter la recherche vers certaines voies pathologiques d’intérêt dans le cadre de la Covid-19. »
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Des études exploratoires ont en effet identifié que, chez certains patients, l’organisme pouvait répondre de façon disproportionnée à la cause de son agression, qui est le virus, alors que chez d’autres, la réponse inflammatoire reste contenue. Cette réponse inflammatoire disproportionnée, appelée « orage cytokinique« , est considérée comme un des mécanismes à l’origine des formes sévères de l’infection.
« A notre niveau, poursuit le Dr Guiot, une des grandes avancées est la transdisciplinarité de l’approche sur la question des tempêtes de cytokines: nous avons utilisé une méthode basée sur la connaissance d’autres maladies et sollicité l’ensemble des spécialistes des organes concernés pour participer à l’effort et pour développer une approche holistique de la situation. »
« Notre système immunitaire est très efficace pour nous protéger contre les infections. Mais il peut aussi nous jouer des tours, rappelle Johan Neyts. C’est ce que nous observons chez les patients atteints de Covid sévère où le système immunitaire devient surmené, ce qui est en fait à l’origine de la pathologie sévère. Une situation plus ou moins comparable a été observée en 1918-1919 avec la grippe espagnole. Là aussi, c’était surtout la réaction excessive du système immunitaire qui causait des maladies graves et la mortalité. »
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