Asexualité : besoin de toi, envie de rien
Les « A », qui s’opposent aux personnes sexuelles, célèbrent leur première journée ce vendredi. Ils revendiquent leur absence de désir sans s’exclure d’une société qui peine à les reconnaître.
Ni abstinents, ni religieux. Les asexuels, ou les » A » célèbrent la première journée de l’asexualité ce vendredi. 24 heures pour se faire connaître dans une société qui ne parle que très peu d’eux. Selon les rares études menées, les asexuels représenteraient 1% de la population. « L’asexualité est encore abordée avec scepticisme, explique Paul, l’un des fondateurs del’Association pour la visibilité asexuelle (Ava). C’est une sexualité comme une autre et nous voulons faire savoir qu’on existe. » Le jeune homme a trente ans, il travaille dans l’édition. Avec trois jeunes femmes rencontrées sur Internet, il a décidé de monter l’association qui organise la journée pour ceux qui « ne ressentent pas d’attirance sexuelle ni le désir d’impliquer la sexualité dans leurs relations avec les autres ».
Ava insiste sur le fait que l’asexualité ne dépend pas d’une décision personnelle, comme l’abstinence. Selon l’association, elle n’est pas non une absence d’émotion, mais une vraie absence de désir. C’est ce qu’explique Julien, qui n’est pas sexuel (« S »). L’informaticien de 27 ans affirme qu’il a déjà eu plusieurs relations amoureuses, avec des personnes « non-A », dont une d’une durée d’un an. Il se pliait aux demandes de sa partenaire, sans prendre d’initiatives. « Nous faisions l’amour deux fois par semaine quand on se voyait le weekend. Tant que la personne en face n’est pas trop demandeuse, ça va. Néanmoins, cela aurait pu poser problème si nous avions habité ensemble », admet-il. Aujourd’hui, il est dans une relation avec une femme asexuelle. Mais tous les « A » ne sont pas aussi consensuels. Solène, 26 ans, a fondé un groupe sur Facebook pour faire connaître l’asexualité. Elle ne fait pas l’amour depuis qu’elle a mis un mot sur sa sexualité. « Avant, je pensais que c’était illégitime de ne pas faire l’amour. Maintenant, j’estime que ça va contre ma nature, donc je ne me force pas. » Néanmoins, elle n’est pas réticente à l’idée de s’engager dans une relation si elle a un bon « feeling » avec quelqu’un, qu’il soit « S » ou « A ».
« C’est encore délicat de se dire asexuel aujourd’hui, tant les autres l’associent automatiquement à des problèmes de comportement, des choix philosophiques ou religieux, explique Paul. Certains estiment même que cela peut relever de la pathologie. » Très compliqué en effet d’expliquer à son partenaire ou à ses proches pourquoi l’épisode de la migraine s’éternise. Sur le site Forum-asexuel. fr, Linoa ironise sur les réactions de son entourage: « Naaaan, mais c’est par ce que tu n’as pas trouvé le bon », rapporte-t-elle. « T’es sûre que t’es pas frigide? », réagit spontanément l’ami d’une autre internaute.
Un « désir sexuel hypoactif »
Selon le sexologue-psychologue Pascal de Sutter, il y a une explication derrière ce désert luxurieux. « Ces personnes ont un désir sexuel hypoactif (DSH), qui peut s’expliquer par toutes sortes de raisons. Elles ne ressentent pas l’envie d’avoir des rapports. Certaines peuvent en souffrir, d’autres non. Cependant, il est un peu absurde de se dire ‘je n’ai pas envie de faire l’amour, donc je suis asexuel' ».
Néanmoins, il est inutile de traiter médicalement des personnes qui vivent bien leur asexualité et qui ne ressentent pas de manque, selon le médecin. Pour Julien, la journée organisée par Ava peut aider les gens, et plus particulièrement les jeunes, à se déculpabiliser quant à leur absence d’appétit charnel. Solène, elle, est plus sceptique, et estime que ces 24 heures n’auront pas un grand impact sur la visibilité de l’asexualité. « Quand on voit les débats sur le ‘Mariage pour tous’, on se rend compte que beaucoup de gens ont des idées très arrêtées sur certains sujets », déplore la jeune femme.
Ann-Laure Bourgeois
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