Une pilule pour contrer la solitude, bientôt une réalité ?
« La solitude tue », annonçait récemment une étude danoise : santé mentale fragilisée, problèmes cardio-vasculaires, diminution de l’immunité, mortalité précoce : face au fléau de l’isolement social, l’université de Chicago peaufine une pilule à base d’alloprégnanolone, une hormone anxiolytique, naturellement présente dans le cerveau humain.
Ce n’est pas un médicament miracle. Ce n’est pas non plus une potion magique qui fera subitement apparaître des amis à la pelle. L’objectif des travaux de la psychiatre et neurologue Stephanie Cacioppo, directrice du Brain Dynamics Laboratory de l’université de Chicago, n’est pas de supprimer la solitude, mais de contrer ses effets néfastes sur la santé et la qualité de vie sociale, en diminuant, grâce à l’administration orale quotidienne de 400 mg d’alloprégnanolone, le pénible sentiment de solitude.
De grands espoirs reposent sur l’alloprégnanolone, un stéroïde neuroactif qui agit sur l’amygdale et l’insula, deux zones du cerveau liées à la détection de la menace, à l’anticipation de réactions désagréables, à la peur… S’ils se sentaient plus détendus, moins anxieux, grâce à cette hormone, ceux qui souffrent de solitude pourraient créer plus facilement de nouvelles relations et briser ainsi le cycle infernal selon lequel plus on se sent seul, plus on a du mal à aller vers les gens. De fait, un cerveau éprouvant un sentiment d’abandon est un cerveau qui nous ment : en stress, il va être en hypervigilance et identifier à tort des stimuli anodins comme étant des menaces sociales.
La solitude noire, le sentiment d’abandon touche, en Belgique, un senior sur dix. Plus globalement, selon la dernière Enquête nationale du bonheur 2018 de l’assureur-vie NN, menée en collaboration avec l’université de Gand, près de la moitié des Belges (46 %) se sentent seuls. Les auteurs de l’étude ont demandé aux présidents de parti politique de réfléchir à un plan d’action pour lutter contre la souffrance liée à la solitude. La situation est si grave, dans notre société occidentale, qu’en Grande-Bretagne, la Première ministre a mis sur pied, en janvier dernier, un ministère de la solitude .
Après des résultats concluants obtenus sur des souris, des tests sont actuellement menés sur des humains en bonne santé, mais souffrant de solitude et de repli social. En juin prochain, l’équipe analysera les résultats. Mais attention, précise la docteure Cacioppo : » Solitude is different from loneliness » (la solitude est différente du fait de se sentir seul) . Si, en anglais, la nuance est évidente, elle l’est bien moins en français, alors qu’elle est pourtant cruciale. Les neurologues soulignent que l’on peut se sentir seul, alors même qu’on est très entouré. A l’inverse, le plus solitaire des ermites pourra, lui, ne jamais se sentir seul et être gai comme un pinson.
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