Solidarité: Music Fund, l’association répare des instruments de musique et les fait voyager
Music Fund ne conçoit pas le monde sans musique pour tous. Alors l’asbl répare des instruments afin de les offrir à des partenaires actifs dans des zones défavorisées. Une mission qui a déjà fait voyager près de 5 000 instruments, et qui vient d’être récompensée.
La liste des lauréats a de quoi impressionner. Ces dernières années, le prix pour la Démocratie et les droits de l’homme du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (PFWB) a, entre autres, été attribué au Musée juif de Belgique, à la militante anti- radicalisation Latifa Ibn Ziaten et au docteur Denis Mukwege, gynécologue dévoué à la cause des femmes victimes de violences sexuelles et Prix Nobel de la paix. En cette période trouble, le jury avait officieusement l’obligation morale de consacrer un acteur qui crée du lien dans une société réduite aux bulles. « Quel est l’outil par excellence qui transcende les identités et forge une communauté d’esprit? » interroge, sans trop laisser de suspense, le président du PFWB Rudy Demotte. « La musique exprime des valeurs sans devoir obligatoirement passer par les mots », exposait-il, le 11 mars, pour justifier le choix de récompenser Music Fund. Créée en 2005, cette asbl récolte, répare puis envoie des instruments de musique dans des pays en développement ou en conflit et organise sur place des initiations à la réparation d’instruments.
En zone de conflit, la culture est presque aussi importante que la nourriture et la santé.
Christian Bertram est luthier de formation. En 2008, convaincu par Lukas Pairon, fondateur de Music Fund et directeur de l’ensemble musical Ictus, il accompagne un chargement d’instruments à Naplouse, en Cisjordanie. « C’est là que j’ai compris qu’en zone de conflit, la culture est presque aussi importante que la nourriture et la santé », rapporte-t-il. Grâce ce voyage, Christian a saisi le rôle que joue la musique pour « participer à la reconstruction d’une société ».
Entre-temps devenu coordinateur des ateliers, le Hennuyer travaille au quotidien avec deux autres salariés sur des projets menés avec des partenaires au Maroc, en RDC, au Mozambique et en Haïti. Guitares, saxophones, flûtes, violoncelles…, les instruments qu’ils réparent proviennent en majorité de dons de particuliers ou d’entreprises qui offrent par exemple des pièces invendables à cause de petits défauts esthétiques. « Pratiquement tous les instruments sont acceptés », sourit le luthier dont l’expérience s’est forgée à force d’envoyer des pianos à queue à l’autre bout du monde.
Depuis quelques années, l’asbl remarque que certains étudiants qui ont pu bénéficier de ses initiatives atteignent un niveau tel qu’ils ont besoin d’instruments plus haut de gamme. « On organise donc des collectes spécifiques et ciblées, pour éviter de se retrouver avec un trop-plein de mandolines dans notre stock à Jemelle. »
Music Fund est subsidié par les trois communautés, des dons privés et, surtout, la ville de Marche-en-Famenne, dont le soutien assure l’existence d’un atelier pour les guitares et d’un autre pour les instruments à vent. « Ça nous permet aussi d’accueillir des élèves d’écoles de lutherie », précise Christian. « On sent que la musique fait du bien. Que ce soit pour un enfant de Gaza ou un adolescent du Sud-Kivu, elle a ce même effet bénéfique indispensable à la (re)construction de chacun. »
Un geste affectif
Music Fund dispose de quatorze points de collecte en Belgique. Une fois passé l’entretien à l’atelier, chaque instrument se voit attribuer un code introduit dans une base de données. « Cela nous permet, par la suite, de préciser au donateur qui a réparé son instrument et où il se trouve désormais », précise Christian Bertram. Il arrive que les donateurs glissent un papier dans la housse: un petit mot gentil, une adresse mail avec l’espoir d’obtenir un retour, ou tout simplement une façon de voyager. « Donner un instrument est un geste affectif, ce n’est pas comme verser cinq ou dix euros dans le pot commun d’une ONG », poursuit le coordinateur des ateliers. « C’est dire: « J’ai eu du plaisir en apprenant cet instrument et il va maintenant servir et faire plaisir à quelqu’un d’autre ». » Par le passé, il a été reproché à l’asbl d’imposer ses instruments et donc sa culture aux projets qu’elle soutient. Ce serait nier la prolifération des plateformes d’écoute qui ouvrent les musiciens du monde entier à tous les styles. « Ce sont les gens qui choisissent les instruments, pas nous », soutient Christian Bertram. « Et puis, la colle et les serre-joints que l’on apporte ne sont pas réservés à nos pièces, ils servent aussi à réparer les instruments locaux tels que le oud en Palestine. »
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