Snowfarming: comment les stations de ski conservent la neige… pour l’année prochaine
Confrontée aux enjeux climatiques, la montagne de sport et de loisirs s’adapte, en favorisant notamment le snow- farming, une technique de production de neige moins énergivore que les méthodes traditionnelles.
Au coeur de l’hiver, les journées les plus froides de l’année arrivent, cela va bientôt être le moment, dans certaines stations de ski, de mettre de la neige de côté… pour la saison prochaine. D’immenses tas rassemblés passeront le printemps et l’été sous une épaisse couche de sciure de bois, avant d’être utilisés pour travailler les pistes à l’automne. Tel est le principe du snowfarming.
Dans la station savoyarde des Saisies, la technique, originaire de Scandinavie, a été utilisée pour la première fois en 2017 afin de créer une spectaculaire piste de ski alpin en plein été, juste à côté du parcours du Tour de France. « Désormais, cela nous permet d’ouvrir le domaine nordique plus tôt et, surtout, de pouvoir annoncer une date avec certitude, car il y a bien entendu les touristes et les locaux qui ont envie de rechausser, mais il existe aussi une vraie demande des clubs et des sportifs de haut niveau » , justifie Michael Tessard, directeur des domaines skiables. Cette saison, la station a donc ouvert une portion de trois kilomètres (y compris devant le pas de tir de biathlon) dès le 11 novembre. Plus d’un mois avant l’ouverture officielle de ses pistes d’alpin.
La technique limite les dépenses d’énergie en produisant de la neige uniquement quand la température est optimale.
« Avec le changement climatique, cela permet en outre de sécuriser les pistes principales tout au long de la saison, complète Frédéric Lahaye-Goffart, qui a mis en place le système à Bessans, en Haute Maurienne, en 2018, lorsqu’il était directeur de la station. Aujourd’hui, il arrive que le thermomètre affiche -20°C le jeudi et 12°C le samedi… Avec cette base d’au moins trente centimètres d’épaisseur, on peut assurer la saison jusqu’à mi-avril, même en cas de pluie ou de températures élevées. »
« Ce n’est pas du recyclage »
N’imaginez pas fouler en novembre une neige tombée du ciel en mars, la plupart du temps il s’agit de neige de culture stockée d’une saison à l’autre. Directement fabriquée au bon endroit, elle est aussi plus dense, ce qui limite considérablement la fonte. « J’entends parfois parler de recyclage de neige, il ne s’agit pas de cela , insiste Fabian Wolfsperger, doctorant au SLF de Davos, qui a réalisé une étude sur l’impact et l’optimisation du snowfarming. D’ailleurs, je ne qualifierais pas la technique de durable. La neige – naturelle ou de culture -, c’est de l’eau dans un air froid. Donc, dans des régions où l’eau est disponible en abondance, recourir à cette technique permet de limiter fortement les dépenses d’énergie en produisant de la neige uniquement quand la température est optimale. »
« Si on se place d’un point de vue écologique, on peut aussi considérer qu’il y a un avantage à permettre aux athlètes de s’entraîner à proximité plutôt que de les pousser à aller chercher de la neige parfois très loin », argumente Frédéric Lahaye-Goffard. Bien implanté dans l’univers du ski nordique, le snowfarming séduit de plus en plus l’alpin. Pas question de gérer tout un domaine comme cela, mais les volumes stockés sont utilisés pour des compétitions et des entraînements (de slalom, notamment), ainsi que pour les pieds de piste, les zones d’apprentissage pour débutants ou encore les croisements particulièrement exposés au soleil.
Du snowfarming en Belgique?
Avant d’être directeur de la station de Bessans puis consultant indépendant, le Belge Frédéric Lahaye-Goffart a été biathlète, impliqué dans la Fédération belge de ski. Le snowfarming pourrait-il, selon lui, être utilisé en Belgique? « Techniquement, oui, affirme-t-il. Au début des années 2000, j’avais publié une étude réalisée avec l’ULiège au Mont Rigi, dans les Hautes Fagnes. Elle démontrait que c’était tout à fait possible. A l’époque, on arrivait à enregistrer jusqu’à 125 jours de gel par an. Ça a un peu changé aujourd’hui. Il faut savoir que dans les Hautes Fagnes, autour du signal de Botrange, on connaît, sur un territoire de 5 km2, un climat proche de ce qui pourrait se passer à 1 200 mètres d’altitude, soit près du double de l’altitude réelle. Il serait donc techniquement envisageable de produire de la neige quand il y a du froid et de la conserver, car une fois la neige protégée par sa coque de sciure, la température peut grimper, elle influence peu la fonte. Le seul problème potentiel est que les Fagnes sont comme une grosse éponge, il faudrait donc avoir suffisamment d’eau pour produire la neige. Un hydrogéologue devrait analyser cet aspect mais utiliser le snowfariming pour les pistes de ski de fond en Belgique devrait être possible. »
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