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Rainergy, la machine qui transforme la pluie en électricité

Rosanne Mathot Journaliste

Et si la drache belge accouchait de lumière ? Et si la pluie pouvait réparer la fracture d’électricité ? En Azerbaïdjan, dans le but d’aider les gens démunis, privés d’électricité et vivant dans des zones à forte pluviométrie, une surdouée de 15 ans a inventé un dispositif qui, dans une batterie, stocke l’énergie issue de la pluie.

C’était l’oeuf de Colomb. Encore fallait-il le trouver. Mais contrairement au navigateur d’origine italienne, qui n’avait que ça à faire, se trimbaler à travers le monde, Reyhan Camalova n’était qu’une ado cantonnée dans sa classe du lycée de Bakou, en Azerbaïdjan, quand elle a eu son épiphanie. Faut croire qu’elle était née avec une clé à molette, un fil électrique et un microscope entre les dents, cette gamine. A 15 ans, en 2017, elle réussit ainsi à mettre au point Rainergy, une machine révolutionnaire, qui transforme en électricité l’eau de pluie, l’une des dernières ressources encore inexploitées dans la nature. Une invention unanimement saluée, dans le monde de l’énergie verte, de l’innovation et de l’entrepreneuriat, comme ayant un impact positif sur la planète.

En belgique, il y a là un potentiel électrique énorme.

Son postulat de départ : si on peut produire de l’énergie avec le vent, avec le soleil, avec le courant des fleuves, pourquoi pas avec de l’eau de pluie ? De fait : quand il pleut, ce sont des milliers, des millions, des milliards de litres d’eau qui peuvent tomber, sur Terre. Rien qu’en Belgique, selon l’IRM (l’Institut royal météorologique), il pleut, en moyenne, 200 jours par an, ce qui équivaut à 70 litres de pluie au mètre carré, tombant sur notre pays, chaque mois. Il y a là un potentiel électrique énorme, si on sait comment faire.

Dans le genre alchimiste 2.0, fulgurée par l’idée de transmutation d’eau de pluie en énergie, Reyhan Camalova se met au boulot avec une défiance farouche et une inventivité sans limite. Même s’il faut saluer le génie de cette jeune fille, il faut aussi rappeler qu’elle n’a pas été la première à avoir eu l’idée de transformer la pluie en électricité : en 2014, déjà, des étudiants mexicains l’avaient précédée, avec leur projet Rain Wild, un concept nettement plus cafouilleux que celui de l’ado azérie. Face à la sécheresse clinique des expériences mexicaines, Reyhan Camalova a opposé un système nettement plus efficace.

Evidemment, dans ses prémices, son projet était rempli de complications. Alors, elle a fouillé, la jeunette. Elle a contrefouillé et elle a trifouillé encore plus. Pour lui prêter main forte, son amie Zahra Gasymzade et trois professeurs ont retroussé leurs manches, jusqu’à ce que – Eurêka ! – Rainergy voie le jour, au bout de quatre mois de boulot.  » Le but principal de notre dispositif est de fournir de l’énergie verte et gratuite au monde entier « , s’enthousiasme l’ado, sur sa chaîne YouTube.

Reyhan Camalova, une alchimiste 2.0 qui a pour ambition de
Reyhan Camalova, une alchimiste 2.0 qui a pour ambition de  » fournir de l’énergie gratuite au monde entier « .© youtube

Comment ça marche ?

Le prototype fait neuf mètres de hauteur et est constitué de quatre parties principales : un collecteur d’eau de pluie, évidemment, un réservoir, un générateur électrique et, enfin, une batterie. Quand il pleut, le collecteur remplit le réservoir. L’eau transite ensuite à grande vitesse vers la génératrice qui produit de l’électricité. L’énergie engendrée par la pluie est stockée dans la batterie, ce qui permet l’utilisation de la machine, même quand il ne pleut pas. Astucieux.

L’engin n’est encore qu’un prototype (décliné sous deux versions), mais il affiche déjà des résultats assez électrisants. Testé sur des panneaux publicitaires, il a ainsi été en mesure de fournir assez d’électricité pour éclairer 22 ampoules LED, pendant presque une minute, avec seulement sept litres d’eau de pluie. Bien sûr, ce n’est pas encore mirobolant : sur une année, la machine pourrait produire 3 626 kWh : on est loin du compte, pour ce qui est de l’alimentation énergétique d’un foyer européen. Ainsi, par exemple, en France, un ménage moyen (un couple et un enfant), vivant dans un logement de 60 mètres carrés, utilise, chaque année, en moyenne, 15 600 kWh, soit quatre fois plus.

Une inventivité bienveillante très remarquée

Ce qu’il faut souligner, c’est le slogan de la jeune fille, un motto gonflé d’empathie :  » Illuminer une maison à la fois, parce que chaque maison illuminée concourt à éclairer le monde.  » Pas question pour elle de s’enrichir. Si elle travaille si dur, c’est pour que le monde soit plus beau.

Si elle travaille si dur, c’est pour que le monde soit plus beau.

Fin 2017, Reyhan Camalova a participé au huitième GES (le Global Entrepreneurship Summit), qui a eu lieu en Inde, un événement de renommée mondiale qui rassemble inventeurs et investisseurs et qui mettait, cette fois-là, les femmes en lumière. L’inventrice a également été remarquée lors de la deuxième conférence nationale sur le modèle de l’ONU à Bakou, qui a rassemblé 250 jeunes proposant des solutions aux problèmes mondiaux. Mais la juvénile ingénieure, issue de cette république du Caucase dont les paysages débordent d’hydrocarbures, a aussi fait des étincelles lors du dernier concours européen ClimateLaunchpad destiné aux start-up, dans le domaine de l’innovation environnementale. Le gouvernement azerbaïdjanais a été si séduit, que c’est lui qui a financé la construction du prototype, à hauteur de 20 000 dollars. Reyhan Camalova figure à présent dans le classement Forbes 2018 des trente personnalités de moins de 30 ans, en Asie.

Quel marché ?

Elle a les yeux des personnes qui regardent loin, Reyhan Camalova. Le regard de ceux qui ne remettent pas l’avenir à demain. Avec son tempérament d’électron libre, l’inventrice qui rêve de faire des études d’astrophysique et d’obtenir, un jour, un prix Nobel, vise un marché global, même si, pour l’heure, il reste cantonné à des pays asiatiques, comme l’Indonésie ou la Malaisie, où les moussons rendent aléatoire le fonctionnement des lignes électriques. Ce qui l’a fait tiquer, c’est le rapport du Global Tracking Framework de 2014 qui souligne que 21 % des Indiens et 11 % des Philippins n’ont aucun accès à l’électricité, alors que ces pays subissent régulièrement des pluies torrentielles. Et vous, votre eau de pluie, vous la prendrez comment ? Mouillée et bleue, ou électrique et étincelante ?

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