Quand les plantes jouent les centrales électriques
Une tourbière ou une rizière produisant nuit et jour de l’électricité ? Ce doux rêve prend corps avec la start-up néerlandaise Plant-e. Son invention génère du courant grâce aux plantes vivant dans des milieux saturés en eau.
Les plantes sont bel et bien l’avenir de l’homme. Sur la base de travaux de chercheurs de l’université de Wageningen, l’entreprise néerlandaise Plant-e a développé et breveté un dispositif ingénieux de production naturelle d’électricité : des électrodes plongées à hauteur des racines baignant dans l’eau récupèrent le surplus de courant engendré par des plantes vivantes. Même si l’efficacité reste faible, cette invention pourrait transformer les rizières en unités de production électrique… mais aussi toutes les zones humides, les tourbières et autres sols gorgés d’eau d’Europe. Une vingtaines de dispositifs sont d’ores et déjà vendus et installés aux Pays-Bas et au grand-duché de Luxembourg. Mais pas encore en Belgique.
Plongée au coeur du végétal
Les plantes sont de véritables centrales électriques vivantes. La photosynthèse leur permet de convertir l’énergie solaire en énergie chimique contenue dans des molécules carbonées. Autrement dit, sous la lumière, les cellules végétales convertissent du dioxyde de carbone (CO2) et de l’eau (H20) en dioxygène (O2) et en matière organique. La plante n’utilisant qu’une petite partie de cette dernière pour sa croissance, elle excrète le reste dans le sol par ses racines. Là, des bactéries ne font qu’une bouchée de cette matière organique qu’elles décomposent en CO2 et en H20, tout en relâchant des électrons en guise de déchets. Ce sont ces électrons que Plant-e capture, en plongeant une membrane synthétique et deux électrodes en carbone dans le sol saturé en eau, et transforme en électricité. Une puce intelligente permet d’en amener la tension jusqu’à 600 millivolts par plante. Avec cette électricité, il est possible, par exemple, d’allumer des ampoules LED sans jamais devoir les éteindre.
L’électricité est produite là où elle est consommée et ce, sans nuire à la plante. En effet, celle-ci crée plus d’énergie qu’elle n’en a besoin. » Les recherches ont montré que la croissance de la plante n’est pas affectée par la collecte de ces électrons. Elle peut donc continuer à croître, et donc à consommer du CO2, pendant que de l’électricité est générée « , explique-t-on chez Plant-e. Et c’est bien là la force de son innovation : la production d’électricité grâce aux plantes vivantes conduirait en sus à une réduction de 15 à 20 tonnes d’émissions de CO2 par hectare et par an. Voilà une véritable énergie verte.
Un pays qui cultive les jeunes pousses
Autres avantages de ce système par rapport à l’éolien ou au solaire : il fonctionne même la nuit et quand il n’y a pas de vent. Seul hic, si l’eau gèle ou s’évapore, le système arrête de fonctionner. La production d’électricité reprendra après un apport d’eau ou lors du dégel.
» Pour atteindre nos objectifs climatiques et réduire les émissions de CO2 des Pays-Bas de 49 % d’ici à 2030, nous avons besoin d’innovations radicales. Les start-up rendent cela possible « , a déclaré le prince Constantin des Pays-Bas. Dans ce pays, les jeunes pousses se portent bien. Il n’y a jamais eu autant d’investissement dans celles qui proposent des solutions pour accélérer la transition énergétique. En 2014, ces start-up réunissaient 10,8 millions d’euros de capital. En 2017, ce montant atteignait 113 millions d’euros, indique le livre Startup Solutions for the Transition Energy qui met en lumière les profils de 285 jeunes pousses bataves, vertes et inspirantes. Plant-e est l’une d’elles.
Son système repose sur des plantes qui supportent d’avoir constamment les pieds dans l’eau. Cela peut être à grande échelle, comme dans une mangrove, une rizière, un marais ou une tourbière, ou simplement dans un pot ou dans un jardin. Le système fonctionne ainsi avec des iris jaunes ou mauves, des joncs, mais aussi avec des plantes d’intérieur comme les bromélias, les chlorophytons et certaines fougères. La préférence de l’équipe néerlandaise va aux graminées et aux herbes de type carex car leur résistance à l’eau est à toute épreuve et leur système racinaire, étendu.
» Notre technologie est accueillie à bras ouverts dans les pays en développement, s’enthousiasme Marjolein Helder, fondatrice de Plant-e, interrogée par la société de consultance PublicSpirit. Mon objectif ultime est de construire une entreprise rentable dans le riche monde occidental, puis de mettre la technologie à la disposition des pays en développement à des prix très bas. Et ce, de manière à ce qu’ils puissent créer leur propre entreprise localement pour utiliser la technologie et stimuler l’économie locale. »
D’une pierre, deux coups
Plant-e vend actuellement son système sous la forme de modules de 50 centimètres de côté qui s’assemblent les uns aux autres en intégrant et les plantes et la technologie. Ils sont installés dans des lieux publics ou sur des toits d’immeubles. Si l’invention est dotée d’un potentiel énorme, aux dires des multiples jurys qui ont décerné des prix prestigieux à Plant-e, elle doit encore être améliorée pour devenir un système de production électrique alternatif de masse.
Toutefois, » l’électricité étant produite par des processus naturels, nous ne pouvons pas faire grand-chose pour améliorer le rendement électrique par module, pointe Nanda Heshof, membre de l’équipe Plant-e depuis sa création en 2012. Cependant, nous développons un système tubulaire adapté à une plus grande échelle qui permet de construire des centrales plus grandes et donc de produire plus d’électricité. Il peut être utilisé pour faire fonctionner des lumières, des capteurs hors réseau ou encore faire communiquer des objets via Internet et le réseau LoRa. »
Fin mars dernier, le premier exemplaire de ce système innovant en forme de tube directement immergé dans un milieu saturé en eau a été installé au Royaume-Uni, dans le Bloom Park à Slough. L’électricité produite par les végétaux allume désormais tous les voyants du tableau d’interprétation du site. A l’avenir, il sera également possible de produire de l’électricité tout en assainissant l’eau. En effet, le système Plant-e pourra être combiné à une station de traitement d’eau où celle-ci est purifiée par les plantes. De quoi faire d’une pierre, deux coups.
Par Laetitia Theunis.
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